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Poésie néo-classique
Boutet : Terminus
 Publié le 17/10/24  -  8 commentaires  -  2345 caractères  -  129 lectures    Autres textes du même auteur

Il n'y a point d'éternité.


Terminus



Les oiseaux de septembre ont repris le printemps
Et l’été se console au mât des vieux gréements.
Il tombe, dans les champs et les bois, un ombrage
Forçant les souvenirs et le pèlerinage.

Comme avant, j’ai repris, seul, le chemin d’antan
Le sentier de naguère où les aulnes tombant
Couvraient nos petits pas. Comme avant, des verveines,
Des lys, baignent l’air bleu des brûlures prochaines.

Je vois la route heureuse enlaçant le ruisseau,
Nos reflets s'y miraient aux méandres de l’eau,
Avant de chavirer. Les langes de Cybèle
Viendront-ils expirer des rameaux en ombelle ?

Le bois semble dormir le regret de tes mains
Un gardien de cristal des tristes lendemains.
Là, tout m'est revenu : les viornes fleuries
Qui jalousaient tes mots sous mes cajoleries.

Même nos pas d'argent l'un vers l'autre dansant.
Nos cœurs gonflés de bien près du tremble moussant,
Nos lèvres se musant, allongés sur la roche,
Comme ces fleurs au sol qu'un doux frisson rapproche.

Hélas, l'automne arrive et réveille l'ennui,
La peur d'un jour étroit fuyant devant la nuit,
Et par son aptitude à profaner l'abside,
Il désole un peu plus encor ma thébaïde.

La branche sera nue et je le suis aussi,
Il n’est plus de soleil ni de lumière ici,
Reste dans ce lieu vide où la berge s’enfonce
Des lambeaux de mon cœur accrochés à la ronce.

Car, vois-tu, cet endroit, bien que silencieux,
Me parle, et dans mon âme, imprimés des adieux,
Demeurent ces dessins écrits au tronc de l’arbre
Où deux noms sont rayés par une croix de marbre.

Voilà qu'un passereau s'envole à l'horizon.
C'est le pianotement des pleurs sur le gazon,
C'est la triste nature et le futur austère,
C'est l'ultime sanglot des rayons à la terre.

Je dis un au revoir à toi qui nous vis deux,
Ma forêt, mon refuge, où nous fûmes heureux
Avant que dans les Cieux ne meure la romance
Comme la feuille au vent s'évade en l'air immense.

Et c'est ainsi toujours qu'au gré des fleurs des bois
Il me revient l'amour, les chemins d'autrefois,
Qui se sont enlaidis de saudades, de peines ;
C'est un bien joli jour pour se brûler les veines.


 
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Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   MarieL   
13/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Un superbe et très émouvant poème aux évocations poignantes, aux sentiments intenses.

La Langue est très belle.

Toutes les desriptions sont enchanteresses, baignées d'une mélancolie profonde.

   Ornicar   
14/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Un bien beau poème que celui-ci. Poème du souvenir, de la perte, de l'absence, du regret, de la fuite du temps, tout en délicatesse et nuances. L'émotion et la poésie sont bien présentes.

Les deux premiers vers ("Les oiseaux de Septembre ont repris le printemps / Et l’été se console au mât des vieux gréements.") sont réellement magnifiques et accrochent tout de suite l'intérêt du lecteur. Et puis, pêle-mêle, sans que ce relevé soit exhaustif, j'ai particulièrement aimé :
- l'emploi du rejet dans ce vers "Nos reflets s'y miraient aux méandres de l’eau / Avant de chavirer". Comme un signe avant-coureur de la fin.
- ces viornes qui "jalousaient tes mots"
- ces lèvres qui se cherchent "comme ces fleurs au sol qu'un doux frisson rapproche" - L'image est très évocatrice.
- ces "lambeaux de mon cœur accrochés à la ronce"
- le "pianotement des pleurs sur le gazon", vraiment très beau celui-ci.

Le tout dernier hémistiche ("...pour se brûler les veines") tout en contraste avec celui qui le précède ("c'est un bien joli jour..."), tombe alors comme un couperet.

Je me suis demandé si ce n'était pas un peu (trop ?) long. En tout cas, je confesse humblement à l'auteur qu'en raison de sa relative longueur, je me suis intéressé assez tardivement à ce poème qui m'était offert en espace lecture. C'eut été vraiment dommage de passer à côté. Et réflexion faite après plusieurs lectures, une certaine longueur était sans doute nécessaire pour ce poème d'ambiance, d'atmosphère qui nous fait pénétrer l'état intérieur du narrateur.

   Robot   
17/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Trés beau poème néoclassique d'où ressort une nostalgie prégnante. Des images qui créent une ambiance émotionnelle et prenante.
Puis au dernier quatrain on passe soudain du touchant au tragique amené fort subtilement.
Une fin qui nous ramène judicieusement au titre du poème.

   papipoete   
17/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Boutet
Quand revient l'Automne, je regarde la nature se parer de ses belles couleurs, alors qu'au fond de moi
sans toi
je ne suis plus rien, une tache noire sur le dais de mon infortune.
NB ponctué de ci de là, de mots savants ( dont le sens m'instruit ) ce texte bien que celui d'une immense solitude, à la manière d'un ascète dont le coeur est meurtri d'aimer un autre coeur, ne tombe pas dans un torrent de larmes ; il magnifie chaque élément naturel, des champs, des chemins et cette forêt, son éternelle amie.
on se retourne sur notre passé, celui
- des viornes fleuris... qui jalousaient tes mots sous mes cajoleries
- nos lèvres se musant...allongés sur la roche
Mais bientôt, après un ultime Au revoir à cette forêt, se profile l'irréparable...
Très beau poème, que la poésie cisèle de bout en bout, dans la joie, la peine, l'adieu.
Difficile de choisir un passage préféré ;
la 7e strophe
- la branche sera nue...
la forme néo-classique semble correcte ( je n'aime guère les enjambements, mais au gré de ces dodécasyllabes, ça va )

   Provencao   
17/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Boutet et bienvenue

Très très touchée par votre ô combien délicate poésie.

Belle réflexion en vos vers qui invite chacun de nous à réfléchir sur notre lien à nous-mêmes et à autrui.

Ce terminus nous rappelle que l'absence en ces vers: "Même nos pas d'argent l'un vers l'autre dansant.
Nos cœurs gonflés de bien près du tremble moussant,
Nos lèvres se musant, allongés sur la roche,
Comme ces fleurs au sol qu'un doux frisson rapproche." Peut éveiller une compréhension, nous poussant à donner , à offrir un sens, un écho dans ce qui nous entoure.

Touchée véritablement par ce souvenir qui résonne profondément en moi.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Fab   
18/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
" Les oiseaux de septembre ont repris le printemps"
Quel exorde !! C'est très beau et ça annonce que le lecteur va se faire balader d'un bond poétique à un autre.

"Des brûlures prochaines" qui préfigurent la fin et nous donne l'espoir que les plantes et les arbres nommés peuvent soigner les plaies et les sentiments.

La richesse du vocabulaire rajoute du plaisir à la lecture.

J'aime beaucoup la couronne d'ombelle sur le front de Cybèle.

Un petit bémol sur les fonctions de la thébaide qui m'évoque plus
la consolation, la plénitude, la guérison que la désolation.

"Demeurent ces dessins écrits au tronc de l'arbre
Où deux noms sont rayés ..."

On se dit que même le lecteur peut encore lire en braille sur l'écorce.

Merci beaucoup pour le poème.

   Cristale   
18/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Du bucolique au sentimental au mélancolique, la voix poétique trace d'un trait léger le chemin des souvenirs jusqu'au moment le plus dramatique.
On part léger, on tombe de chagrin, ainsi va la douce poésie - d'un auteur visiblement talentueux - qu'une versification régulière aurait sublimée (à mon regard). Les superbes pastels des images méritent une toile parfaite.
Bravos pour les enjambements qui s'emboîtent parfaitement dans chaque vers.
Au quatrain 4, j'aurais posé une ponctuation à la fin du premier vers, un point virgule peut-être.
Ce même 4ème quatrain semblant continuer au 5ème, je n'aurais pas mis de point après le dernier mot "câjolerie" vu que le quatrain suivant est une continuité descriptive, sans verbes de liaison, de "Là, tout m'est revenu". Si j'ai bien compris...

L'auteur est maître de son oeuvre, celle-ci est très belle.

Les romantiques n'ont pas tous disparu, j'en suis ravie.

   EstoyEstee   
21/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
C’est très joli. Le parti pris est pourtant casse-gueule : le traitement est si classique qu’il pourrait en devenir convenu : une balade en campagne vs un souvenir / la beauté de la nature qui change vs une relation qui ne durera pas. Mais l’exécution est généreuse et virtuose, ce qui fait que le résultat fonctionne à merveille.

L’enchevêtrement des éléments mis en comparaison est très équilibré, il respecte parfaitement la progression du sentiment qui les mêle. On se balade avec l’auteur dans les variations d’un cœur que la nostalgie déborde.

3 miracles, on ne peut pas tous les faire :
- L’automne qui réveille a peur des jours étroits : l’objectif rétrécissement des jours de l’automne en écho de l’affaiblissement de la vitalité dans la tristesse. Ça passe comme une lettre à la poste.
- Les petits évènements qui rendent le tableau mobile : « Voilà qu’un passereau s’envole à l’horizon » : on peut sentir la variation dans le cœur.
- Déjà dit, mais le rejet « Nos reflets s'y miraient aux méandres de l’eau / Avant de chavirer » tombe impeccable.


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