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Poésie libre
brabant : Infanternage
 Publié le 13/07/13  -  10 commentaires  -  1341 caractères  -  224 lectures    Autres textes du même auteur

"Ma mère ne m'a jamais donné la main", écrit Violette Leduc pour ouvrir "L'asphyxie" (Gallimard. 1946). De même un homme se souvient de son enfance sans tendresse…


Infanternage



Calme-toi cesse de quémander
de la considération
parce que papa te néglige
Si tu avais été moins sage
pas toujours à ses pieds
pas toujours fidèle

C’est lui qui pleurerait
Bise le duvet de ma joue
qui étoupe les peines
à l’écaille des chevets délaissés
du châlit sans âme
où tu geins
Éponge la moiteur de mon front de fièvre
Constellé
Ouvre de tes bras
l’orbe des tourterelles
Blessé
Apprivoise l’enfant accroupi
les mains croisées sur les genoux
Fœtus froid
Prostré

Câline l’orphelin
Ne ressasse pas ne maugrée
la lune est une balancelle
Vide
au tambourin de la vitre
où se fane Colombine
qui attend Pierrot
En vain
La vie qui s’enfuit
te voit mourir aux petits matins
laisse-moi te cajoler flétrie
te toucher

Maman
Orpheline de câlins






« Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la mélancolie. »
Gérard de Nerval « El desdichado »
« …, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. »
Paul Verlaine « Mon rêve familier »


 
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   rosebud   
1/7/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Qu'est-ce que c'est que cette espèce d'OVNI inclassable? D'étranges petites choses ont retenu mon attention. Le titre d'abord qui même si je n'avais pas lu l'incipit m'aurait paru effrayant. J'y vois de l'infernal et de l'élevage. Et puis on ne sait plus qui parle de la mère ou de l'enfant (le dérangeant: "si tu avais été moins sage"). Et aussi des tournures superbes:
"Bise le duvet de ma joue
qui étoupe les peines"
et des associations de mots simples et justes qu'on croyait disparus (chevet / châlit)
Et surtout, cette tout petite chose:
"au tambourin de la vitre
où se fane Colombine"
qui m'a instantanément ramené à:

"Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peau
Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux du crapaud."
(Rimbaud - les Assis)

Je ne peux pas croire que l'auteur qui convie Nerval et Verlaine ait pu ne pas le faire exprès. Et je ne le prends pas pour un plagiaire: il y a des moments où on ne peut pas se retenir.

   funambule   
13/7/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
... où quand la poésie est vivante!

J'entends tout, y compris les italiques... quelques mots m'échappent... que j'entends (comme enfant) dans le sens des mots. Que demander de plus que cette délicate émotion, si loin du "sur-joué", ailleurs que dans le minimalisme... et surtout au-delà de toutes les prétentions possibles. J'admire cette liberté formaté (je me comprends et tant pis) de l'écriture, cet humanisme réel que ce mode d'expression si incomplet laisse parfois (avec le talent de l'auteur) s'extirper des mots. L'incipit et l'exipit (ça existe?) me semblent de trop, inutiles lorsque l'on est entortillés entre les mots... mais quelle importance!

   Bidis   
14/7/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Par son verbe, parce qu'il est vivant, poignant, original, le poète parvient ici à faire ressentir au lecteur des émotions dont lui-même, lecteur, n'a pas du tout l'expérience - car un vécu tout autre et, parfois, opposé.
Un poème qui laisse son empreinte et appelle à la relecture.

   Pimpette   
14/7/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Moi, j'ai mis trop longtemps à comprendre pour que l'émotion ne soit pas largement émoussée, mais c'est sans importance...
Je garde maintenant en mémoire un enfant entre deux déserts affectifs....un père auquel il est soumis avec beaucoup d' excès et une MAMAN très chérie mais qui est elle même absente, en manque d'amour....deux vides terribles...
J'adore que la lune soit une balancelle vide et je la verrai toujours ainsi à partir de maintenant, cher Brab!

   leni   
14/7/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour brabant
Cet enfant peut se tourner d'un côté ou de l'autre de se parents il est
devant un vide affectif Il a l'air de traverser le désert Loin de l'oasis
De très belles images:" à l'écaille des chevets délaissés" "la lune est une balancelle" "au tambourin de....." Ce poème distille une tristesse
nuancée sans excès C'est dans le mille de ma sensibilité Merci Brabant pur ce bel écrit Salut cordial Leni

   KIE   
14/7/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Maternage >< Infanternage ?

A l’essentiel allons.
Le style ne se réduit pas à décaler de le sens des mots, ici on joue avec, et on joue sur la construction de la phrase, et on joue avec l’idée. La totale.
Le plus simple, en « poésie », c’est la métaphore (au fond, c’est le truc de la « littérature sans estomac »), plus difficile est le travail sur la pensée, sur le mot, sur la construction, pour l’auteur et plus encore pour le commentateur qui tend trop souvent à se focaliser sur les tropes.
Honnêtement, messer Brabant, c’est une démonstration d’écriture cryptée ?

Idée : Le Gobi affectif. Une émotion présente mais intellectualisée (ça met le vide à distance), le final compense ce qui n’est pas nécessairement un défaut.

Constellé, blessé : leur positionnement semble des meilleurs.
Angoissante est la lecture des italiques, et la caresse finale n’y change rien si l’on songe qu’elle est liée à la mort.
Intéressante, cette construction des 4 derniers vers.
De la supériorité de l’ellipse sur la métaphore ?

   pieralun   
17/7/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ce texte me fascine mais je n'en comprends pas la moitié.
Je ressents de belles choses et ne peux les expliquer .
Brabant... s'il te plaît....détaille.

Merci Dreamer, j'ai enfin compris: l'enfant console sa mère et le père est ailleurs, au moins dans sa tête.
Ce n'était pas très difficile et je ne suis pas très malin.
C'est poignant, très doux et joli par moments, en opposition à la vision qu'a l'enfant de lui même: fœtus froid, prostré
Tous les Pierrots et les Colombines, y compris la Lune ont perdu leurs rêves en même temps que l'enfant.
Tous les repères et toutes les douceurs qui font son nid ont disparues.
On doit grandir vite trop vite en de telles circonstances....
Si tu l'as vécu Brabant, ce doit être une sacrée cicatrice.
Si tu ne l'as pas vécu, tu as réussi à inventer toute l'émotion qui emporte le lecteur.

   TheDreamer   
14/7/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Il me semble qu’il y a une émotion qui voudrait exploser dans ces mots et qui se contient. La douleur est là qui tremble entre les lignes aux abords des silences.

Il me semble que l’enfant parle à sa mère, qu’il lui fait la leçon (inversement des rôles), qu’il la rassure, alors qu’il aurait tant besoin lui-même d’être rassuré et de plonger dans cet « orbe des tourterelles » d’une mère qui semble hébétée et sans tendresse.

Ce texte hurle l’absence du père et de ce manque naissent des maux mâtinés de pudeurs et d’angoisses.

   TITEFEE   
17/7/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
l'enfant consolateur.. l'adulte en fait ! ce petit d'homme qui comprend les peines et se sent oublié, et si petit devant le chagrin de l'abandon doublement ressenti de sa mère et de lui... J'ai vraiment beaucoup aimé au point que je n'ai pas pu m'empêcher de l'enregistrer..

Cadeau pour toi Brabant..
http://serveur2.archive-host.com/membres/up/1086141494/ONIRIS/infanternage_BRABANT.mp3

   melancolique   
22/7/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir brabant,

C'est très beau, un texte tellement chargé d'émotions. Tout me plaît: les images bien choisies, le rythme musical, ces quelques mots en italique qui semblent en dire beaucoup plus que les autres.

J'aime surtout:
"la lune est une balancelle
Vide
au tambourin de la vitre
où se fane Colombine
qui attend Pierrot
En vain"

C'est très joli.

J'aime aussi:
"La vie qui s’enfuit
te voit mourir aux petits matins"

Merci beaucoup pour cet instant de pure poésie.
Au plaisir de vous relire.


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