Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Poésie libre
Brutu_de_Aea : Les prisons d'Italie
 Publié le 12/05/17  -  7 commentaires  -  4729 caractères  -  85 lectures    Autres textes du même auteur

Un poème de long deuil et de vacances, si l'on veut.


Les prisons d'Italie



Je rêvai la jaquette jaune, un livre d'Hemingway
Une promenade de pollens, d'or au bord du ciel d'été
« Vacances » (un barrage contre le pacifique
ennui de la semaine)
on marche
sur des coquillages la main tenue dans la main
on marche sur un petit muret tout droit au lendemain
finalement, hideux.
deux êtres sur la plage vers le milieu d'une page
dont l'auteur s'est trompé

L'entre-bâillement d'une porte d'hôtel
comme la striure des volets barrée sur le mur
de ton front
les corps tenus ensemble et la joie des neuf heures
sonnent ensemble au cadran d'un réveil qu'on ignore
à « dix-ans » la fraîcheur des corps (j'ai en réalité le même âge que mon siècle)
Niée, ton front
devenue tapisserie devant ?
Une chambre un long matin double qui… hante
Je me souviens le premier jour on mangeait des pizzas sous une tonnelle
sans savoir que le mois prochain
on serait les jambons de notre propre vie
le matin, roman, tu le sais, nous aurions pris un œuf
et le monde comme salière
où pissent les rayons du ciel
la mer, la mer, elle, elle referait à neuf
un couple urbain-tableau dans une ville inconnue
mon grau du roi à moi
un matin tout tranquille
un lit ouvert par la grève double qui sépare le sable du sable
et le mensonge du mensonge

l'odieux parfum du lilas
italien

La porte de l'hôtel – que l'on pousse et qu'on quitte
C'est ce que tu m'as dit au bas de l'escalier
Puis, ton étrange maladie a refermé la porte,
deux fois,
insistant bien sur le loquet –
Nous allâmes nous baigner sur la pointe à Bellagio
Où les rochers déchirent les rêves estivaux
les pieds déchiquetés de fond de lac
où l'éclair et la valse envasent le passant
là, des enfants en maillot de bains ignorent la littéralité de leurs cris
je me suis réveillé
dans l'herbe
il faisait nuit
tu n'étais bizarrement pas là
ta serviette de bain claquait très sèchement dans l'air

l'exhalaison des jardins – j'avais mal à la tête
Toi à l'autre bout du bateau tu ignorais mon regard insistant
comme la houle
ma prière profonde
comme la houle
et toi l'hélice qui va la brise et va
enfiévrée du roulement continu de son âme immensément fière
Longtemps après j'ai marché sur la route et le soleil donnait aux marcheurs cet alanguissement féroce
ces airs d'enfants titubants
ces airs d'abandons sur la grève
de bateaux
et marchant pourtant tous les éclats de carrosserie me blessent
la route une petite heure de Giovanny à Bellagio

je te prie de te souvenir de ce soir où nous nous étions promis
À Varennes
d'être bons amis

mais qu'as-tu fait de ce soir-là ?
le cygne qui repliait son cou
je me rappelle de la main sur le bastingage
des vitres éclaboussées de mer
du commandant inconnu qui ne nous avait pas dit la destination de notre voyage
et puis tard de la gare de Milan et de l'aéroport-labyrinthe où c'est vraisemblablement la dernière fois que je t'ai vue
avalée par le goudron
j'ai perdu ta trace sur un tarmac
À cause de nous je t'ai perdue sur un lieu sans un lieu
À cause de moi je t'ai perdue
À la douane j'ai dit mon nom
Mais je ne savais pas alors que c'était pas le mien
le visa de ton absence

j'ai mangé seul ce soir-là
j'ai mangé tout seul dans un grand restaurant de Bellagio
où tout était trop extravagant
et j'aurais voulu que toute cette beauté cesse
qu'on rentre et qu'on assume jusqu'au bout l'incroyable violence de la laideur
l'échec qu'on désire pour seul soi sauver l'honneur de ce qui reste
transformer un cadavre en livre
toi couchée sur le côté dans la chambre
regardant le mur
et derrière les volets clos la mer
toi couchée dans l'ombre dans la chambre
et derrière le balcon le vide
et derrière moi personne tout à coup
j'aurais voulu sauter
toi
j'aurais voulu que tu sautes
J'aurais retrouvé mon nom
Dans la mer où je t'aurais encore aimée
depuis je fais que te pousser

ton absence de courage
me dégoûtait
et je suis depuis sur les crêtes transalpines
tout le chemin de ton outrage
de tes promesses
envolées avec le carrosse d'un Del Dongo vers mon Waterloo à moi
je n'ai pas libéré les prisons d'Italie
du souvenir de ma Clélia
en haut des hautes tours en bas du lac bas
sur les rives de Côme passent des étés froids


 
Inscrivez-vous pour commenter cette poésie sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
12/5/2017
Pas moins de cinq lectures (vue la densité du texte, ça fait quelques minutes...) pour tenter de définir le sens profond de ce texte qui me fascine et déroute à la fois.
Peut-être le souvenir d'un amour qui s'est défait, lors d'un voyage en Italie ?
Ce qui me déroute le plus c'est cette allusion ,à la fin, à des personnages de La chartreuse de Parme et sa relation avec le titre (?)
Il y a des images fortes dans ce texte.

En attendant quelques indices qui peut-être surviendront, je ne mets pas d'appréciation.

   Pouet   
15/5/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bjr,

J'ai trouvé des images fort intéressantes dans ce poème, du souffle. Une évocation qui semble personnelle d'une rupture, d'un départ douloureux ou du décès de l'être aimé.

Je n'ai pas adhéré à tout, n'ai pas forcément saisi toutes les références et n'ai pas trouvé la disposition en vers réellement adéquate.

Toutefois je demeure sur une belle impression, une jolie écriture pour une ambiance bien posée. Malgré la longueur relative du texte je ne me suis pas ennuyé et apprécié particulièrement certains passages. Par moment, surtout vers la fin, cela m'a rappelé un peu confusément mon texte "L'endroit sur la falaise"...


Au plaisir de vous lire.

   Anonyme   
15/5/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J’aime beaucoup votre poème, pour la richesse et la densité que j’y ressens, mais aussi la délicatesse et une grande tendresse de ce regard porté sur une histoire d’amour malheureuse ou simplement passée.

‘Et le monde comme salière
Où pissent les rayons du ciel »

et bien d’autres passage sont, pour moi, éminemment poétiques, comme aussi ‘les étés froids’ qui finissent le poème.

Une bien belle ode mélancolique où l’on ne veut pas entrer par pudeur mais qu’on peut lire sans se sentir intrusif, car le texte lui-même garde la porte pudiquement entre-close, par délicatesse il me semble pour l’autre du texte.

À vous relire.

   Proseuse   
16/5/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Brutu_de_Aea,

Un chemin de mots long comme une grande histoire, le lecteur est ici, un peu mis à distance de cette histoire, on a cette sensation que la pudeur du narrateur ouvre puis parfois ferme les vannes de ses mots tout au cours du texte ! sensation , alors pour la lectrice que je suis de tenir le fil et de le perdre un peu plus loin, pour le rattraper quelques vers après ! ceci dit sans comprendre tout on ressent l' essentiel et du coup même si -le voyage- est chaotique, il n' en est pas pour autant hermétique et finalement on arrive plaisamment à lire ce très long poème ! ( car, c' est vrai que le lecteur peut quelques fois appréhender, pour diverses bonnes ou mauvaises raisons, la longueur d' un poème ! )
Merci pour ce partage

   Brutu_de_Aea   
16/5/2017
Commentaire modéré

   Anonyme   
16/5/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Il y a des poèmes, comme ça, qui vous remuent les tripes, si vous voyez ce que je veux dire... Bon, celui-ci en fait partie pour l'atmosphère qu'il dégage et de part son écriture unique. Il y a beaucoup de choses, certes, une multitude d'images souvent complexes, mais le fil conducteur est là et la prose est vraiment admirable. C'est presque un roman qui nous est conté là, une histoire follement amoureuse imprégnée de nostalgie.

Du grand art, merci.

   Brutu_de_Aea   
19/5/2017

   Robot   
22/5/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Au départ ce texte m'a dérouté, peut-être à cause de sa structure un peu décousue. Mais j'aime assez le fond assez mystérieux et le langage utilisé.
Par contre, je n'aime pas du tout l'utilisation de parenthèses dans un poème. J'ai toujours l'impression que l'auteur n'a pas su placer son vers ou que celui-ci est inutile.


Oniris Copyright © 2007-2023