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Poésie contemporaine
Carmiquel : Moëres et soirs
 Publié le 23/04/12  -  6 commentaires  -  3548 caractères  -  111 lectures    Autres textes du même auteur

La prose est d'argile et la musique d'eau.


Moëres et soirs



Eaux ou limons
Tout est dans tout
tout est pareil
Du ciel de l’eau quelle différence
tout est en boue
tout s’indiffère

Prés et prairies
marais et moëres
les marées les mêlent
les manient

Dunes et lagunes
les déluges les étiages
les remuent les ménagent
les remanient les mélangent
unes et communes

Vasières tourbières frayères
se frôlent se fondent se tolèrent
confondues
rien qui les différencie

De quoi la mer est-elle
le liquéfié

lasse vaste et flasque
plus même entêtée :
à l’aboulie

Sur la terre comme au ciel
toute vue s’embue
tout cri s’enroue
tout bruit s’évanouit

Une bonne part du ciel est dans l’eau
sur terre par flaques entières
Les reflets sont-ils encore
fidèles tant soit peu
la bruine tire sur le vitreux
la brise fronce l’eau noircie

Terrains terraqués cieux aqueux
la Terre en a jusqu’à plus soif
Tout est dans tout partout
l’indéfini suffit,
et l’infini parti
tombé dans l’oubli

Qu’y faire
Tout finit par faire
tout un néant
d’un rien
pour rien
et peut-on croire qu’une éclaircie jamais
y remédie

Le crachin et la bruine
pèlerinent chagrines
l’espace a son plein d’eau
non plus spacieux : spongieux
spécieux
la pluie l’humidifie
le chemin même fait l’impasse

Un ciel croupit
dans l’eau de pluie
glaise ou limon
glèbe et goémon
tout est partout
repu de pluies recru d’eau
érodé des ondées des déluges
édenté frangéfangeux


Tout tend à l’Un au Rien
le proche sur l’ailleurs s’aligne
le prochain le lointain
le parage ou le finage
dans le crachintout
devient insigne

Ici qu’est-ce qui différencie
telle heure de telle heure
quand la lueur demeure
dans la même pâleur

Quelque part autre part
tout à sa place et sa part
Ici partout est avec nulle part

Comment faire la part des lieux la part des choses
Et pourquoi faire
… plus de saisons : il n’est plus temps
il n’y a plus lieux… plus de raisons.

Tout serait si différent si…
mais la pluie
mais le marasme
les marées
le massacre des mascarets…
Les mares n’ont plus souvenance
des reverdies
quand le bleu de la mer
montait au ciel.

Que le brouillard détrompe !
la vue n’est pas le vrai
ni le clair la clarté
mais la paix
Avec le bruit de la pluie
l’humilité
le présent s’écoute
les yeux fermés
le temps tombe en gouttes

L’eau sombre dans la mer
la mer s’engloutit dans la trombe
Tout est fatalfinal
finistère.










 
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   Arielle   
13/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je ne connaissais pas ce terme de "moëres" du titre mais je le trouve extrèmement parlant pour évoquer ce monde semi-liquide où tout s'imbrique et se mêle dans un univers indifférencié.

"Le ciel croupit dans l'eau de pluie" "la mer s'engloutit dans la trombe" Le monde et le temps semblent s'avaler en eux-même. Une impression de déluge privé d'espoir que je trouve particulièrement bien rendue et dont la longueur elle-même nous enfonce dans son propos sans issue.

   Anonyme   
15/4/2012
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Voici un texte qui donne le vertige ; il se lit en apnée pour mieux nous engloutir. Les éléments nous submergent, nous laissent exsangues, sans voix, rassérénés et comblés. La gravité du propos, le champ pesanteur terrestre nous rendent profondément terriens, ancrés dans le sol à jamais. Merci pour cette lecture lumineuse !
Vous avez mis la Terre en musique. Et que cette musique est belle.

   Charivari   
23/4/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une atmosfère de glaise, de boue, entre le ciel, la terre et l'eau, de limbes où le temps se fige. Plutôt que poussière à la poussière, on pourrait dire ici "de la boue à la boue"...

Très bien retranscrit, avec beaucoup de rythme et un vrai sens de la formule, et une petite pointe métaphysique bien dosée, qui n'est pas pour me déplaire. Le jeu sur les sonorités est très bon, même si peut-être parfois un peu lassant (la répétition, par exemple, du mot "faire" dans "que faire / tout finit par faire", est inutile pour moi, et c'est dommage parce que d'autres répétitions contribuent à la structure du texte - le mot "tout" et le mot "rien", le mot "finit", etc)

Autre reproche est le manque de progression dans le thème, on a l'impression que les strophes sont interchangeables. Mais c'est vrament un très bon texte, en plus très original.

   brabant   
23/4/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Carmiquel,


On peut dire que vous avez épuisé le sujet là car l'eau en est "inécopable". :). Vous placez ces Moëres dans le Finistère ; j'ai vu qu'il y a de nombreux sites de ce type de par le monde (phénomène du "mascaret"). De par la France ? A vingt-cinq kilomètres de chez moi (dans les Flandres, à dix kilomètres de Dunkerque) il y a une zone appelée "Les Moëres", un village à l'entrée porte ce nom. Elle est bien souvent inondée et balayée par le vent ; c'est de la terre gagnée sur la mer. Vous en tracez un portrait tout en nuance et en désespérance, no mans' land où la terre rejoint la mer et où l'argile et le limon se confondent avec le ciel.

Pour avoir traversé à de multiples reprises ce genre d'endroit à bicyclette je peux certifier que l'homme s'y sent le jouet des éléments, à la fois dompté et dompteur de la nature. Fragile équilibre.

J'ai apprécié la poésie de ce texte surréaliste à la lumière de mon propre vécu.

Merci

   Anonyme   
28/4/2012
Un bien beau poème. Le parallèle nature/vie (qu'on peut projeter sur la vie de l'homme) est traduit en un vocabulaire riche où l'atmosphère nous prend et nous entraîne.

   Anonyme   
30/8/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'admire.

Juste ajouter la recherche audacieuse de la musique des mots associés pour leur ressemblance. Cela "tisse" un poème superbe.
Merci !


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