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Poésie libre
Castelmore : Chemins
 Publié le 06/04/19  -  14 commentaires  -  1548 caractères  -  157 lectures    Autres textes du même auteur



Chemins



Il a vite avalé
La soupe de pois cassés,
Avec un peu de vin.
Sans réveiller le père,
Il a franchi la porte,
Sans faire entrer l'hiver.

Il a pris le chemin
Un quignon à la main.
Rassis depuis toujours...
Le chemin puis la route.
Pas de bas dans ses socques.
Le froid pince, le nez goutte.

Comment a dit le maître ?
Ah oui ! Un froid polaire.

Que te servent ces foutaises,
Hurle le père, cognant,
Les sommets de la terre !

La terre, c'est les champs,
La charrue et la glaise.


Elle a trait une chèvre,
Bu son lait doucereux,
Le seau contre ses lèvres.
Le soleil déjà haut,
Six heures du matin,
Il fait déjà trop chaud.

Elle a pris le chemin,
Mintumba à la main
Trop cuit depuis toujours.
Le chemin, puis les dunes
Pour aller au plus court
Le long de la lagune.

Elle va contre sa mère,
Et contre la Coutume.

Deux heures le matin
Et deux heures le soir,
Elle marche pour savoir...

Ce que le monde cache
Tout au bout des chemins.


Il a quitté les champs
Du père et du grand-père,
Grâce à la République,
Et l’École Normale.
Le voilà donc hussard
Devant le tableau noir.

Il a franchi les mers
Traversé les déserts.
Aux enfants il raconte,

Où vont tous les chemins...
Dans la petite école
Le long de la lagune.


 
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   Lhirondelle   
14/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Belle histoire que celle de ces différents chemins empruntés, qu'importe où l'on se trouve, la destination est la même : le savoir.


Des chemins de liberté qu'il n'a pas toujours été aisé de s'offrir (et encore de nos jours dans certaines contrées), pour se les offrir, il fallait contrer l'autorité parentale, les mœurs, les traditions, la religion.


Si j'ai bien tout saisi, ce petit gaillard après avoir avalé sa soupe de pois cassés, s'est régalé de tout ce savoir offert par l'école de la République puis est devenu élève maître et instituteur qu'on appelait à l'époque "les hussards noirs" missionnaire de l'enseignement sillonnant les campagnes et les contrées les plus reculées.

Charles Péguy décrivant les hussards noirs : "« Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés, sérieux et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence. »"

Votre gaillard aurait donc fini par devenir l'instituteur de cette jeune africaine (le mintumba m'y conduisant)


Pour ce qui est de la forme, j'ai aimé emprunté le chemin de vos mots, il est des plus praticables et agréables.

Merci pour cette jolie lecture, la promenade fut instructive.

   Raoul   
15/3/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
Trois départs, trois aspirations, trois lieux qui n'ont pour point commun que le chemin, cette liberté, prise de haute lutte, arrachée à la coutume ou en douce.
J'aime beaucoup ce poème très construit par ses juxtapositions qui permettent à au lecteur d'y tisser lui même le ressenti de quelque départ.
Deux façons de les envisager : départs ou fuites les deux entrelacés.
J'aime aussi le côté au fil de la pensée de l'écriture. Peu de mots pour "faire image", une description brève et c'est évocateur et parlant.
Bien aimé. Il me manque presque une sorte de fin, un demi mot, peut être ouvert, je ne sais trop, juste un liant... Le pas suspendu d'une cigogne :)
Merci pour cette lecture.

   Pouet   
16/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bjr,

un superbe texte sur l'accès à la connaissance, à la culture, à l'émancipation, au sortir de sa condition.

De forts beaux et émouvants passages.

Tout en simplicité et en puissance évocatrice.

(Ne connaissant pas le Mintumba, j'ai découvert une préparation culinaire à base de manioc du peuple Bassa.)

Bravo.

Pouet

   FANTIN   
16/3/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Des images simples mais fortes. La soif d'ailleurs et les départs. Le choc des générations; des conceptions différentes. Dans ces destins mêlés, "il" de chez nous, puis "elle" de là-bas, prennent le chemin.
Ils ont beau être d'origine géographique diverse, ils sont poussés par un même besoin de savoir "ce que le monde cache tout au bout des chemins". Or ces chemins du bout de l'horizon finissent par se croiser et se rejoindre.
Un bel appel d'air dans ce poème qui rend hommage à l'attrait de la découverte et de la liberté, écrit peut-être par un autre poète aux "semelles de vent"?...

   Corto   
17/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une belle évocation de la force morale et physique qu'il faut aux enfants, aux jeunes des pays défavorisés pour accéder au savoir.

Une impulsion irrépressible les pousse à la découverte du monde, des sciences, des cultures, des autres, même s'ils ne savent pas au début de l'aventure jusqu'où celle-ci les mènera.

Aller voir plus loin, à la rencontre de ce qu'on ne trouve pas dans sa famille, son village, sa brousse.

Oui l'essentiel est bien de partir pour découvrir "Ce que le monde cache Tout au bout des chemins."

Ce qui est d'ailleurs est aussi vrai pour les enfants des pays dits développés, même si les modalités en sont très différentes.

Bravo

   Anonyme   
6/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Très belle évocation des chemins du savoir.

Le choix du passé composé donne une solennité à ces départs, ces exils volontaires, marque la cassure de ces destins pris en main, et souligne bien la détermination des protagonistes à accéder au savoir.

L'emploi des pronoms "il" et "elle", derrière l'anonymat apparent, permet de donner une universalité à ces hommes et femmes qui ont choisi leurs vies en dépit du poids des traditions et " coutume", qui se sont opposés aux générations antérieures : " Elle va contre la mère".

J'ai adoré ces différentes " saynètes" qui nous permettent de visualiser chacun des départs, avec le froid, la chaleur, la charrue ou la lagune, avec ce qu'on laisse derrière soi.

Merci pour ce partage émouvant.

   Davide   
6/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Castelmore,

Un joli thème que celui du chemin du savoir, contre les habitudes d'un monde paysan ou traditionnel, plus manuel qu'intellectuel, de notre temps et d'un autre temps, ici ou ailleurs.
Comment ne pas penser au film "Sur le chemin de l'école"...

Il y a beaucoup d'images poétiques qui m'ont touchées, comme : "Il a franchi la porte, / Sans faire entrer l'hiver." ou encore "Ce que le monde cache / Tout au bout des chemins."
ainsi que les 3 dernières strophes.

Bref, une belle écriture pour un beau moment de lecture,

Merci,

Davide

   Vincente   
6/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Plein de la volonté de cet enfant qui marche aux pas courts de ces hexasyllabes, le poème avance avec détermination. Mais il y a plus. L'attention de l'auteur "ébloui" par cette espérance immanente et son désir vertueux de vouloir le mettre en valeur.

Un regard humaniste, une sensibilité respectueuse, une technique sans chichi qui a su conjuguer "l'efficacité" narrative (un certain suspens bien mené entre autres) et les images poétiques induisant des doubles sens intéressants comme dans "Sans réveiller le père, / Il a franchi la porte, / Sans faire entrer l'hiver."
Et puis ce petit truc en plus qui rend le tout réjouissant, l'impression que ce qui se dit là est une essentialité de la poésie, qu'elle est plus qu'un simple vecteur d'émotion.

   Anonyme   
6/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
De même que les pélerins, venus de toutes parts, s'en vont honorer le symbole de leur foi, ces enfants, ici, décident de rompre avec les habitudes ancestrales et partent à la conquête des connaissances et l'émancipation de l'esprit.

Belle métaphore que ces " chemins " qui mènent au même but.

Des images fortes comme " Il a franchi la porte,
Sans faire entrer l'hiver "

"Un quignon à la main.
Rassis depuis toujours..."

" Elle va contre sa mère,
Et contre la Coutume. "

Un texte solide.

   papipoete   
6/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
bonjour Castelmore
Il aurait pu travailler la terre, comme son père et ses aïeux, pour presque rien, tout juste pas crever !
Elle aurait pu rester auprès du feu, à faire la popote et des enfants, sans discuter !
Mais tous-deux, le fil et la fille ont voulu aller à l'école ( pour quoi faire, ça ne sert à rien pour être cultivateur ! ) lui à la " grande " école, elle à celle du village... pour savoir ! Tout ça pour quoi hurle le Père et l'écho de sa colère retentit par delà les dunes...
NB des chemins pour apprendre autre chose que ce que la terre donne ( quand elle vit encore avant une sécheresse calamiteuse ou le passage de nuées de sauterelles )
Aujourd'hui, l'africain noir de peau enseigne au tableau noir ; féminin ou masculin, l'être couleur ébène prend la parole en tribune, et défend des causes, défend l'homme blanc au banc d'un tribunal, est même Président d'une nation !
Quel chemin dût-il parcourir, en kilomètres, en " qu'en dira-t-on ", pour se trouver instruit, et faire finalement la fierté de son Père !
Un récit fort et bien écrit, qui nous transporte dans les pas de ce fils, cette fille, et use nos souliers, frappe à notre coeur !

   senglar   
6/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Castelmore,


On pourrait aussi intituler cela : "La croisée des chemins" :)

Où l'on voit que pour progresser il faut aller contre la coutume, contre aussi les préjugés, que le monde s'ouvre grâce à l'école et que l'école fait des petit(e)s jusque dans les lagunes dont les enfants à leur tour ouvriront d'autres écoles...
Et c'est comme ça qu'un jour elles feront une ronde en se tenant par le col tout autour du monde mais...
la chanson est connue, tenons-nous par la main, tous, enfants que nous sommes !
Vive la paix hein, hussard ! lol

Facile et agréable à lire.

senglar

   Luz   
6/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Castelmore,

J'ai bien aimé ce poème qui raconte la soif d'apprendre.
Il y avait une émission, sur ARTE je crois, montrant des enfants et leurs chemins d'école : un lac à traverser, de longs chemins de neige ou de sable, des chemins semés de danger... ; extraordinaire.
Il y a des vers de 6 syllabes et quelques uns de 7. Peut-être qu'uniquement des 6 syllabes aurait été mieux.
Merci.

Luz

   Donaldo75   
6/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Castelmore,

Ce poème est très visuel ; j’ai eu l’impression de voir un documentaire des années soixante sur la difficile vie de nos aïeux au début du vingtième siècle. Il y a un côté balzacien, tendance « Le Père Goriot » dans ce poème. En tout cas, c’est un bel hommage à une profession pas assez mise en avant de nos jours.

Bravo !

Donaldo

   leni   
7/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
BJR

Sortir de Quelque part pour un autre Ailleurs C'est un texte bien rythmé Bien écrit

Il a pris le chemin
Un quignon à la main.
Rassis depuis toujours...
Le chemin puis la route.
Pas de bas dans ses socques.
Le froid pince, le nez goutte.
J'aime tout du long cette façon de dire


Puis on grimpe dans la hiérarchie


Bravo et cordial merci Leni


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