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Cyrill
9/8/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Salut Cat,
L’encre bleue, c’est à dire destinée à l’écriture informelle, à délier l’imaginaire, tandis que la noire est réservée aux actes officiels. La couleur évoque celle de l’eau, qui coule, et celle du ciel qui en est le miroir. Le sang bleu, symbole de noblesse, mais ici on n’a que l’ourlet de la veine de cette couleur, en dedans c’est du rouge. On sent que ça boue sous le scalp et ailleurs dans le corps/monde de la narratrice. « J’ai la tête qui éclate » => « le monde est stone », chantait Starmania, mais pas celui de la narratrice. Sa tête à elle éclate pour nous livrer son monde intérieur baroque-byzantin, avec bouilles de gargouilles qui grimacent dans le crépi, en réponse peut-être à cet enfant goulu. La colère est tenue tranquillement intra-muros, et s’il vous plaît, avec des remparts de fleurs et autre gazouillis. Et, beauté oxymorique que de vouloir « par les meurtrières étroites respirer l’azur » ! La deuxième partie ne se retient plus, le vert m’évoque une très haute température dans le spectre du feu , interdite au toucher, soit défendue, mais nous sommes fidèle à la narratrice et l’accompagnons dans son volcan interne. Tandis que ses démones – ses « elles » – sont flammes, fumerolles dans le magma ambiant, son gentil diable tâche d’accommoder les irréconciliables. Que de grands écarts en perspective ! Que de compromis ! Mais non, les pages demeurent blanches et se consument tandis que les murs renvoient leur écho de non-écrit. Du lourd et du tendre dans cette prose, tel l’horizon et les draps froissés. On sent une paix précaire se profiler dans les dernières lignes, payée de désillusion. Belle écriture. C’est juste mon interprétation, Cat, et dois-je le dire ? Je t’ai immédiatement reconnue en Espace lecture. Bravo et merci pour cette enthousiasmante lecture ! |
papipoete
9/8/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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bonjour Cat...
Je ne peux m'empêcher de fredonner " j'ai la tête qui éclate... Stone le monde est Stone... devant cet immense chagrin sans larmes, que des pleurs retenus, venant s'accrocher comme toiles d'araignées aux murs ; eux et le plafond en ont vu, et entendu des lamentations de désespoir. NB comme j'aimerais savoir écrire de cette poésie, où les rimes se faisant oublier, cèdent la place à des envolées comme " par la cheminée, des méandres de colère... " " mon démon est un gentil diable... " Qu'elle est poétique la prose, sous la plume de notre douce poétesse ! ça me donne envie de l'imiter, mais ce ne sera que prosaïque écriture. la première partie me plaît plus particulièrement. |
Myndie
12/8/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Bonjour Cat,
C'est avec une réelle gourmandise que j'ai lu ton texte, tellement tu te fais rare, tellement tes écrits sont devenus rares. Sans doute l'attente en valait-elle la peine car ma première phrase de commentaire sera exclamative : « que c'est beau ! » Je ne parle pas de ce que tu nous livres comme à ton habitude, de ton monde intérieur, riche de ta sensibilité, de ces feux qui le rongent, riche de ses démons, de ses angoisses et de ses enthousiasmes parce que ceux là je les connais tellement bien, comme je sais quels « remparts » fleuris sont ta forteresse de réconfort et de sérénité. Non, je parle de la prose dont la lecture m'a enchantée, transportée. Par exemple dans cette phrase « Suspendus aux fenêtres, entre les rangées de sanglots, des pavots illicites et le rouge indécent. » il y a tout ce que j'aime, une expressivité baroque d'une grande poésie, en même temps qu'une suggestivité folle. Franchement, le rouge indécent des pavots illicites, il fallait le trouver. J'extrapole peut-être (tu connais mon esprit tordu) mais comme tu as juste avant évoqué les amants, je dirais même plus : s'il fallait y voir quelque érotisme, ce serait une métaphore qui bat toutes les autres à plate couture. Je ne vais pas pouvoir citer tout le texte mais pour moi la poésie est partout, dans les « méandres de colère (qui) enfument les nuages », dans le « Vert défendu d'un regard sombre agenouillé dans la forêt des heures étranges » (tiens tiens, après le rouge indécent, le vert défendu!), dans « les draps froissés de (t)es rêves défaits ». Tu as bien fait de rouvrir ton encrier et de tremper ta plume dans cette encre bleue. J'espère qu'il t'en reste encore. Myndie, qui se verrait bien en amie de lune avec la tête dans les nuages |
Annick
9/8/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Bonjour Cat,
La première partie du poème est une évocation du monde extérieur, de la nature mais aussi d'une maison qui se mêlent au paysage intérieur de la locutrice (pronom personnel je). Il y a des éléments apaisants comme "les branches enguirlandées de rayons d'or", "le tapis d'amour", "l'enfant endormi"... mais aussi quelques autres, inquiétants : "les rangées de sanglots", "les méandres de colère enfument les nuages", "les corbeaux au vol lourd". La locutrice semble enfermée dans une cage dorée : "par les meurtrières étroites respirer l'azur". Le tableau vivant est riche d'images oniriques, d'émotions, de sensations... La deuxième partie hautement métaphorique et introspective montre une personnalité complexe. Elle est ce feu incandescent. L'évocation d'éléments telluriques traduit une montée en puissance des tourments intérieurs : "le feu", "la lave"... ainsi que la répétition de l'expression au début du poème: "j'ai la tête qui éclate". "Le démon" semble celui de l'écriture qu'elle tente d'enfouir : "sous les cendres de mes nuits à fleur de peau". "Je suis le maître du je" traduit cette volonté de contrôle sur soi. Ses "amis de lune" sont des soutiens imaginaires ou réels dans cet enfer où le feu est omniprésent : "Pour eux, je calme mes ardeurs et les sens adoucis, pensées de miel, j'affine enfin mes caresses..." Cette conclusion adoucit la tension extrême. Elle décide de modérer ses ardeurs : elle est bien le maître du "je". Ce voyage poétique à travers les états d'âme de la locutrice reprend le thème de l'écriture qui lui est cher. Ce poème est une déclinaison de ce thème, chaque fois renouvelé, livrant aux lecteurs des images denses, puissantes qui révèlent une personnalité volcanique, riche et complexe. Il me faudrait écrire bien des pages pour faire le tour de ces images, de ces émotions et sensations prégnantes. Bravo ! |
EtienneNorvins
11/8/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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L'Exil et le Royaume...
Un (auto?) portrait poétique qui prolongent ses échos plus loin que Starmania, vers les correspondances baudelairiennes (Vert est aussi le paradis des amours enfantines) ou les voyelles colorées de Rimbaud. Un diptyque qui fait suivre la description tout en métaphores du 'Là où je suis' d'un tableau de 'Ce que j'y fais'. A la 'citadelle imprenable' mais fragile ('sur pieds d'argile') annoncée dans l'incipit succède l'éruption magmatique d'un tempérament volcanique (dont la tête éclate deux fois comme un Vésuve). C'est le temps de la sublimation par l'écriture des désirs et des colères, de la transmutation quasi alchimique du Feu en Miel, qui permet d'échapper 'par le haut' à tout ce qui pourrait s’apparenter à un ressentiment sans pour autant perdre de sa puissance : l'anarchique, rouge et possiblement destructeur magma devient la douceur d'ardeurs affinées sur le 'rose enflammé des jours'. Le texte semble d'ailleurs alors s'ouvrir comme pour mieux respirer : à l'empilement serré des versets de la première partie s'oppose l'aération des versets de la seconde. Une lecture qui, sans faire l'impasse sur les douleurs, est pleine d'espoir, donc très salutaire par les temps qui courent. |
Louis
19/8/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
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Ce poème en prose offre, dès son entrée en matière de langage, une sortie, un débordement, un « éclat » :
« J’ai la tête qui éclate » Éclat de soi, tout autant qu’éclat des voix, débord et projection, mais avant d’être "éclatant", soi se dilate, se répand, se projette, non pas hors de soi, mais dans une dimension qui reste intime et tout de même en conjonction avec le monde, dans un mouvement initié par soi du devenir-monde. Tête "branchée" sur le ciel, mais un ciel qui n’est ni tout à fait dehors ni tout à fait dedans, en ses éclats « d’ors et de lune ». La tête en éclats comme l’éclosion soudaine, non pas d’une fleur, mais d’un arbre avec ses branches. Une ligne de fuite se ramifie, se démultiplie par des embranchements multiples tout orientés « ors et lune », aurifères et argentés des brillantes richesses du monde. Ce qui poussait à l’intérieur de soi a mûri ; d’un arbre de vie a surgi une frondaison. Fête de ramure, où les branches sont « enguirlandées ». Une fête en son faîte, à la cime de l’arbre, sommet de la construction de soi par un devenir-monde. La tête « éclate » en une ex-tase. Et c’est un ‘ravissement’. C’est un épanouissement. Une expérience extatique ( en une « extase matérielle » comme dirait Le Clézio) qui est ici offerte en partage. Pas un casse-tête, mais une tête en éclat dans le ciel, en rameaux d’azur. Finis les éclats de voix, finie la « colère », mais une tête pourtant qui trouve là, dans l’azur, des éclats dans sa voix, celle qui se fera écriture ; qui puise une encre dans l’azur, s’enguirlande d’ors et de lune, or les « guirlandes » ne désignent-elles pas aussi des recueils de poésie, ces "guirlandes de chants d’amour" ? bouquets de baisers offerts au monde et à la vie. Le ciel d’un éclat suppose l’absence de plafond, mais les métaphores enchaînées dans sa suite évoquent un « sol » et des « murs », une maison sans plafond et sans ‘toit’, maison d’une ouverture verticale. En elle, dans la maison-sensation, dans la maison-monde, pousse un arbre ; en elle il croît. Il s’enracine dans un sol affectif : « un tapis d’amour épais », qui recouvre « le sombre des jours d’orage », et le « noie » dans une teinte claire, dans le bleu, une sève bleue, d’encre, qui s’élève dans l’arbre de vie et lui donne sa vigueur. L’amour l’emporte sur les "orages" du cœur et toutes les tourmentes. Cet affect joyeux constitue un sol, une solidité, une force sur laquelle s’appuie l’élan extatique. Quant aux murs, ils « résonnent du rire des amants ». Les murs ne ferment pas vraiment, pas plus qu’un plafond ne ferme en hauteur, mais se font l’écho des amants, s’ouvrent sur l’amour, le rire, la joie. C’est une enceinte aimante qui environne le moi. Le monde dilaté ne se ferme pas sur soi, mais s’ouvre à autrui comme cause possible de joie. Il y a pourtant une mise en dehors de ce devenir-monde, une expulsion : « suspendus aux fenêtres, entre les rangées de sanglots, des pavots illicites et le rouge indécent » aux « fenêtres » d’une ouverture hors de soi, s’exhibe du « rouge indécent », pavots ou fleurs de coquelicots Rangées de sanglots, sanglots dérangés, indécents et malséants accompagnées de rouge honteux, placées au dehors, expulsées. Avec eux, le moi ne compose plus. Alors qu’au-dedans : « Dans la chambre du fond dort encore l’enfant » Rien ne précise son identité, qui est-il cet enfant ? La locutrice elle-même ? On ne le sait pas, mais ce qui importe, c’est cette contiguïté des idées entre le tapis d’amour, l’écho des amants, et l’enfant assoupi. Un enfant dort encore et pour toujours dans cette maison-monde à soi, un enfant « goulu », à l’insatiable appétit de vivre. Ce qui demeure, ce qui fait demeure : l’élan vers le ciel, l’enfant qui dort, l’amour et les rires, et puis, d'un autre côté, ce qui est expulsé, refoulé, repoussé hors de soi : les sanglots, les « méandres de colère », vapeurs d’un feu colérique, et les « vols lourds », menaçants, des noirs « corbeaux » du malheur. Le beau corps à se constituer un monde exige l’éloignement des corbeaux. Il ne constitue pas une solitude, ouvert sur autrui ; mais se ferme et se protège : « remparts », non de murs gris, mais en barrières de fleurs, « belles et innombrables ». Barrière multicolore. Garde-corps fleuri, et grille qui pépie, barrage sonore d’une ‘harmonie’ qui repousse le tumulte des discordances et désaccords. Le rouge et le violent sont ex-posés, exportés, mais les fleurs « innombrables » composent les traits d’un monde-soi, les contours intérieurs de son domaine. C’est l’établissement d’une maison-forteresse, où le for intérieur se veut un fort. « J’ai voulu » : la construction est volontaire, délibérée. Il n’a pas été oublié de ménager l’azur dans cette citadelle, branchée de toute façon en une ligne de fuite vers l’infini de l’univers, malgré sa clôture de protection. Ainsi est-il possible de « Respirer l’azur », le bleu serein, par « des meurtrières étroites » Une demeure reine, sereine. Pour se protéger soi de soi, tout en protégeant son entourage. Pourquoi, en effet, cette forteresse, non pas vide mais de « pensées pleines », aux murs en "blocs de sensations" ? Le deuxième temps du poème sera celui de l’explication et de la justification de cette carapace fleurie. Il fallait se protéger d’un « devenir magma » et ne plus errer sur la « Terre de feu » d’un tempérament volcanique. Sur cette Terre d’errance, il a fallu construire son monde, sa "demeure". La Terre magmatique fait écho au « sombre des jours d’orage ». « Flammes et fumerolles » rappellent les « méandres de colère » qui « enfument les nuages ». Reprises et variations d’un même thème. C’est sur cette Terre qu’il a fallu tisser un « tapis d’amour », pour s’en protéger. Là, pour s’y établir en sédentaire, il a fallu trouver un « passage » entre « pierres incandescentes ». Rester sur cette Terre revenait à se brûler les ailes, et bien des « elles » déjà ont été « calcinées » ; les « elles » : toutes ces variations passées du « moi » de la locutrice. De nouveau la « tête éclate », mais en un sens différent de celui qui introduit le poème, au sens de l’effort à se « rendre maître du je » ; l’effort qui permet l’acquisition d’une maîtrise de soi. La tâche de construction d’un moi-monde, où l’âme peut y vivre en reine et sereine, passe par l’écriture, figurée dans l’image de « l’encre bleue ». Le « démon » de l’écrit habite la locutrice, et ce « démon » se renverse en « monde » par effet non seulement de métathèse ou de verlan, mais d’une contribution effective du "démon" de l’écriture à son monde ; à une métamorphose de l’un en l’autre. Ce démon, « gentil diable », agit de nuit. À la fois producteur et gardien des écrits, des « feuilles blanches » contre les passions ardentes, la sensibilité de feu où tout se consume, et, splendide alchimiste mue ce qui est « à fleur de peau », bouillonnant, en un « rempart » de fleurs « belles et innombrables ». Cette justification d’une construction de soi, maison-monde-forteresse, s’exprime nettement dans la dernière phrase du poème : « Pour eux, je calme mes ardeurs ». Il s’agit bien de se protéger soi, mais aussi de protéger ses « amis de Lune ». Amis lunaires. Amis parce que leur parenté avec soi permet une composition avec eux, l’édification d’un monde en commun où, avec rêves et chimères, peuvent régner les rires, la joie et l’amour. Ainsi les pensées se font « de miel », et le rouge trop vif des jours se change en « rose enflammé ». Merci Catelena pour ce beau poème d’une construction de soi par des « matières » de sensations, murs, planchers, tapis, fenêtres ou façades, qui délimitent un "territoire" de soi, à fois abri fermé et domaine ouvert sur des lignes d’infini. |
Catelena
19/8/2024
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