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Poésie libre
Chlo : Deuil
 Publié le 19/07/24  -  6 commentaires  -  3145 caractères  -  93 lectures    Autres textes du même auteur

Poème de rupture écrit sous fièvre et sous antalgiques pour passer le temps, tant il s'écoule lentement dans une chambre d'hôpital. Une modeste contribution thérapeutique et exercice d'auto-exorcisme, afin de peut-être pouvoir me remettre à écrire.


Deuil



Tu as disparu sais-tu pourquoi
Il faisait froid ce matin-là il y avait
De la neige grise et dure et belliqueuse
C'étaient des roches d'eau des blocs de granit que l'hiver avait déposés
Là dans la cour
Il faisait froid il y avait le vent et le silence
Le mur en brique terne et le ciel comme une autre cloison
L'odeur ferreuse et brune des vélos rouillés
Quelques lézardes çà et là des ruines sèches
Et j'espérais le retour de la pluie

Il avait plu pour notre premier soir
C'était novembre il y avait
Des flots de vin de mots de rire et de musique
Une butch apprenait le billard à sa fem
Et déjà nous rêvions d'être de ces deux-là
Le temps s'était arrêté la barmaid
Nous apportait de quoi communier
Nous avions dansé longtemps sans mouvement par le regard
Il avait plu je crois jusque dans notre lit
Il avait plu tu ne peux pas être partie

Tant que je t'écrirai tu seras dans ma peau
Dans les livres d'amour on t'aurait mise au cœur
Mais notre amour n'est pas fait de la rose et de la lyre notre amour
N'est pas tendre il est fait de sang et de sève
C'est une cathédrale immense comme les Tragiques immense comme
Un abattoir vide
Et l'écho infini qu'on entend à l'intérieur
Sur les cloisons de carrelage blanc
Sur les taches roses de ceux qui sont passés et qui ne sont plus
De tous ceux qui avant moi ne t'auront plus aimée

Tant que je t'écrirai tu seras ce massacre à l'intérieur
Tu seras ces rivières de sang ces incendies sur un champ de bataille
Comme des buissons de feu dans une forêt dense qui la contaminent et l'embrasent et deviennent eux-mêmes cette forêt
Par les flammes
Qui font rugir la nuit les sirènes
Et tous les poètes qui ont trouvé cette flamme belle qui ont écrit de jolis rêves écarlates
Ne savent pas au fond d'eux-mêmes
Ce que c'est que d'être brûlée vive
Eux qui aiment l'amour sans l'avoir approché
Qui se chauffent les mains à distance du feu

Eux qui n'ont pas connu le cri de la sorcière

Je ne veux pas de cette cathédrale
De ces grands monuments que l'on n'habite pas
Il faut une maison calme et tranquille
Une cabane en bois modeste
De celles que les enfants bâtissent de leurs mains
Je ne veux pas des cris je ne veux pas des larmes
C'est qu'elles seraient tendres dessus l'incendie
Je ne veux plus l'été je ne veux plus l'hiver
Ni l'oubli le désordre ou les enchantements
Je ne veux plus le temps où je m'oublie de toi

Tu as disparu c'est mieux ainsi
Je vais attendre il y aura d'autres printemps d'autres aurores
Les enfants referont du vélo dans la cour
Et je m'endormirai dans les bras d'une blonde
Un chat ronronnera nous referons l'amour
Au petit déjeuner le café sera chaud
De sa teinte dorée des rayons du soleil
Il y aura les plaies chaque jour moins profondes
Le gris laissera place à des couleurs nouvelles
Et je dirai je t'aime et je dirai Adieu.


 
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   Polza   
8/7/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Si j’ai trébuché parfois durant ma lecture, à cause du manque de ponctuation, j’ai compris à la fin (du moins il me semble avoir compris !) que ce manque était voulu, qu’il traduisait l’urgence, l’urgence d’écrire, l’urgence de vivre, l’urgence d’aimer, de cicatriser…Du coup, je me suis interrogé sur la pertinence de la majuscule chaque début de vers...

J’ai grandement apprécié votre poème, les images sont belles et tragiques à la fois, l’histoire d’un amour intense qui s’est terminé très bien décrit.

« Et j’espérais le retour de la pluie/Il avait plu pour notre premier soir » j’ai aimé l’image en subtilité. J’espérais le retour de la pluie étant mis à la place de j’espérais ton retour, j’espérais retrouver cette même pluie qui nous avait accompagnées lors de notre première rencontre.

« Une butch apprenait le billard à sa fem » je ne connaissais pas ce mot synonyme de lesbienne, j’en connais bien des autres cependant. Je pense que le « à sa fem » est judicieusement voulu, qu’il ne s’agit pas d’un oubli de lettres !

« Tant que je t’écrirai tu seras dans ma peau » la narratrice nous stipule bien qu’elle ne veut pas oublier, qu’elle subit cette situation de rupture qui lui fait mal., et que d’une manière ou d’une autre, elle a besoin d’extérioriser tout cela.

« Et tous les poètes qui ont trouvé cette flamme belle qui ont écrit de jolis rêves écarlates 

Ne savent pas au fond d’eux-mêmes 

Ce que c’est que d’être brûlée vive

Eux qui aiment l’amour sans l’avoir approché 

Qui se chauffent les mains à distance du feu » magnifique passage où la narratrice compare l’imaginaire du poète au vécu de l’amour, qui n’a pas connu la passion au moins une fois dans sa vie ne peut, je pense, pas comprendre ce qu’est d’être brûlée vive ou brûlé vif.

« Tu as disparu c’est mieux ainsi

Je vais attendre il y aura d’autres printemps d’autres aurores

Les enfants referont du vélo dans la cour

Et je m’endormirai dans les bras d’une blonde

Un chat ronronnera nous referons l’amour

Au petit-déjeuner le café sera chaud

De sa teinte dorée des rayons du soleil

Il y aura les plaies chaque jour moins profondes 

Le gris laissera place à des couleurs nouvelles 

Et je dirai je t’aime et je dirai Adieu. » ce passage entier m’a fait penser aux derniers mots du roman « Le Comte de Monte-Cristo » dont une adaptation est au cinéma à l’heure où j’écris ces lignes ! « Attendre et espérer ».


« – Mon ami, dit Valentine, le comte ne vient-il pas de nous dire que l’humaine sagesse était tout entière dans ces deux mots :
« Attendre et espérer ! » »

Franchement, j’aurais aimé trouver les mots pour mieux commenter votre poème, mais je suis plus à l’aise avec les poésies classiques courtes que libres et longues. Il n’empêche que je suis entièrement conquis par votre poème.

Une dernière chose concernant ce passage « Quelques lézardes ça et là des ruines sèches ». Je vous laisse un peu de lecture à ce sujet venant du site « Le projet Voltaire »
Polza, admiratif, en EL


« çà et là » ou « ça et là » ?
Voici une belle expression, très poétique, mais pas facile à coucher sur le papier… ou le clavier ! Faut-il écrire « ça » ou « çà » ? « la » ou « là » ? Bref, quelle est l’orthographe de « çà et là » ?

Ne laissons pas durer plus longtemps le suspense : on écrit « çà et là » !
Pourquoi un accent grave sur le « a » de « çà » ? Parce que « çà » est un vieil adverbe de lieu, signifiant « ici ». Il ne s’emploie plus que dans cette expression. Rien à voir avec « ça », sans accent, qui est un pronom démonstratif !
Pourquoi un accent grave sur le « a » de « là » ? Parce que « là » est aussi un adverbe de lieu. Rien à voir avec l’article défini « la ».
L’expression, très ancienne puisque attestée à la fin du XIIe siècle, signifie donc « ici et là ». Et quels sont les synonymes de « çà et là » ? « De côté et d’autre », « en divers endroits ».

   Geigei   
10/7/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Émotion partagée.

Eux qui n'ont pas connu le cri de la sorcière.
Le cri de la Banshee !

Cela ressemble à une lettre réellement écrite, pleine d'une douleur sincère. Sinon, c'est très bien imité !

Un cri ininterrompu, sur 2879 caractères.

Bravo pour la luxuriance des images autour de la douleur, du feu qui dévore après un abandon !

   EtienneNorvins   
19/7/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
L'incipit sous-entend qu'il ne s'agit pas d'un 'exercice de style' sur la plainte de Didon ou celle d'Andromaque, mais le long cri d'une déchirée vivante - cri rauque et démuni, qui vient des tripes et du fond des âges, full of sound, flesh, blood and fury. Face auquel on reste vite sans mots. Ça traverse en brûlant. Poignant. Bravo.

   papipoete   
19/7/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
bonjour Chlo
je n'ai pas le temps ce matin, mais je viendrai vous livrer mon sentiment tout-à-l'heure.
me re-voilà !
nous avions tant rêvé sans le dire, à être comme ces deux-là ( cette butch et sa femme ) que songer que ce fut pourtant réalité, c'était trop beau... et notre jouet d'amour s'est brisé, et je pleure.
je ne voudrais pas, mais alors que j'en crève de toi, je me résigne et une blonde entrera un jour dans ma vie, dans mon lit... je lui dirai " je t'aime "
NB une fort belle histoire d'Amour, dont une page qui tient encore par des lambeaux de papier, peine à se déchirer, et s'envoler là où le vent l'emportera. Et l'amoureuse éplorée fera son deuil de ce grand vide ( comme moi, voilà 35 ans )
Rêver d'une cabane pour y héberger son autre et sa passion, plutôt que la suite d'un palace ; voilà un songe idéaliste, mais la civilisation aura tôt fait de faire s'écrouler cet édifice !
Un vers me plaît particulièrement
" nous avions dansé longtemps sans mouvement par le regard "
J'aurais pu aimer " passionnément " ce texte, si... la ponctuation y égrena quelques virgules, points ?
par moments, on se demande si ce ne fut pas un robot, qui tenait la plume ?
c'est tellement dommage !
j'apprends un mot nouveau ( chaque jour ) " butch " qu'il me faudrait placer dans une missive à mes deux " belle-filles "
Qui me connait ne sera pas étonné, par ma remarque de ponctuation ; mais sur un texte si dense, et aux multiples images, cela me pique les yeux ( ne serait-ce qu'à la seconde ligne ) qui me fait penser à l'enjambement que je ne prise guère en " vers à pieds "
Mais pour aussi déchirant fut-il, ce texte n'est qu'une histoire de coeur, " je t'ai tant aimé " et " avec le temps, va tout s'en va... "

   Provencao   
19/7/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Chlo,

" Au petit déjeuner le café sera chaud
De sa teinte dorée des rayons du soleil
Il y aura les plaies chaque jour moins profondes
Le gris laissera place à des couleurs nouvelles
Et je dirai je t'aime et je dirai Adieu."

Ces plaies chaque jour moins profondes s'invitent en acceptant que la douleur affecte, en écrivant ce qui touche réellement.

Cet Adieu noue et dénoue, nomme et dénomme à la fois, comme une fraction de reconnaissance insaisissable. Reconnaissance de la douleur, presque nécessaire...

Très touchée, très émouvant.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   jfmoods   
27/7/2024
"Être en couple ? C'est ne faire qu’un. Oui, mais lequel ?" (Oscar Wilde)

Ici, le modèle caressé par les deux partenaires est clairement explicité...

"Une butch apprenait le billard à sa fem/Et déjà nous rêvions d’être ces deux-là"

La question (toujours la même) se pose en ces termes : où trouver sa place (et donc sa liberté) dans ce jeu de pouvoir que l’un/l’une va exercer sur l’autre ?

Le poème, qui se situe en aval de la relation ("Tu as disparu"), prend la forme d’une lettre fictive adressée à l’Absente.

La seconde strophe met en scène le miracle de leur rencontre ("Le temps s’était arrêté").

Confrontée à la fuite de l’Autre, la locutrice, sidérée, incrédule ("tu ne peux pas être partie"), questionne vainement cette désertion ("sais-tu pourquoi"), mais en reconnaît finalement la nécessité ("Je ne veux plus le temps où je m’oublie de toi", "c’est mieux ainsi").

Ce fut en effet une relation toxique reposant sur un violent rapport de force. La tonalité guerrière du propos l’explicite suffisamment ("les Tragiques" - qui renvoie à l’œuvre éponyme d’Agrippa d’Aubigné, "tu seras ce massacre à l’intérieur/Tu seras ces rivières de sang […] sur un champ de bataille") ainsi que la thématique obsédante de la combustion ("ces incendies", "des buissons de feu", "cette flamme belle", "brûlée vive", "à distance du feu", "dessus l’incendie") qui fixe les termes d’une passion dévorante, destructrice. L’élément le plus marquant est sans nul doute cette opposition marquée entre proportion, incarnée par la locutrice ("une maison calme et tranquille/Une cabane de bois modeste"), et disproportion, figurée par l’ex ("cette cathédrale/[…] ces grands monuments que l’on n’habite pas").

La fonction de la lettre est d’exorciser la relation : on écrit à l’Autre pour ne plus avoir à lui écrire ("Tant que je t’écrirai tu seras dans ma peau", "je dirai Adieu"). Il s’agit, par le truchement des mots, de s’arracher à cette emprise où l’Absente prend l’apparence d’une créature hallucinante, maléfique ("le cri de la sorcière"). Écrire, c’est tendre à une guérison définitive ("les plaies chaque jour moins profondes"), c’est envisager la promesse d’une disponibilité amoureuse à venir ("je m’endormirai dans les bras d’une blonde", "nous referons l’amour", "je dirai je t’aime").

Le deuil de la relation prépare ainsi une résurrection.

Merci pour ce partage !


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