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Poésie libre
Cortese : De quelques temps déjà
 Publié le 13/07/10  -  9 commentaires  -  4200 caractères  -  79 lectures    Autres textes du même auteur

Ah, maternité !


De quelques temps déjà



De quelques temps déjà,

Je m'abreuve à la pluie de vos rires incarnats.

Des chaussons délaissés dorment sur les tapis

Et des tas de babioles peuplent mon univers.


Vos cheveux de bataille m'ébouriffent le cœur

Et votre tiède odeur nourrit jusqu'à mes rêves.


Je vous vois, pierres précieuses, vous jouer de mes ruses,

Je lis dans vos orages l'urgence du plaisir.

Il me faut taire en vous cette folie soudaine

Et rendre la vie belle, et piquante, sans taire

Ni les doutes, ni la mélancolie.


Les journées se rassurent en plastique coloré.


Cinq heures.

Une vieille chips molle me lorgne d'un œil torve

Au coin du canapé.

Vous nourrir bien sûr : pour voir pousser vos corps

Et embrasser vos bosses hurlantes et insolites.


Quel jardinage étrange !


..............................


Et la nuit vient enfin.


Avec elle son cortège de mousses et de bruits d'eau.

La chute inéluctable du verre à dents, le soir,

Au coin des lavabos.


Les doigts collants du miel des géants de trois ans,

Les baisers tout mouillés, qui disent un amour fou,

Et de vos dents têtues la bousculade aiguë

Qui déjà se termine.


Car enfin vous dormez, petits princes sauvages !

Du bien juste sommeil de ceux qui s'abandonnent

Naïfs et étourdis par des journées trop pleines.

Vos épaules paisibles, vos nuques ensuquées,

Vos pieds marbrés et doux, et vos paupières obscures,

Font comme un Guernica tendre et empli d'espoir.


Et nos nuits se ravagent de vos courses nocturnes.

Vos cauchemars étalés dans nos bras endormis,

Rendent la nuit vivante en découpant le jour.


..............................


L'éclair d'une innocence à ravir vous sied.

Vos yeux se tachent de jaune, comme les miens sont orange.

Et vous prenez les traits d'un qui m'a kidnappée

Il y a bien longtemps, et pour longtemps j'espère.


Je pleure moins souvent de rire à vos jeux de mots.


Vous grandissez, hélas...

Foin des biberons et poudres ! Mais un parterre de feutres

Et de crayons de couleur fleurit dans la maison.

Vos chameaux de passage, caravane hors du temps,

Noient les heures improbables et éclairent mes rides.


Parfois un escargot tranquille, à peine poussif

Vous regarde jouer d'un air guilleret.

L'herbe verte s'enchante de vos cris de mésanges.


Mon souffle s'obscurcit quand j'entrevois soudain

Les monstres et les monstresses que recèle le monde.

Pourtant il faut bien vivre, et vous faire courir

Pour que vos innocences s'accrochent à la treille

D'un univers tangible.


..................................


Deux elfes roux et blonds se battent comme des lionceaux.

Et pourtant il y a tant d'humanité entre eux

Que même les fourmis y perdent leur latin.



Vous faire voir les nuages, les plus blancs, les plus gris.

Vous suivre dans un monde où vous conduisez tout :

Des trains et des troupeaux, des loups et des camions,

Des iguanodons fous et même des mappemondes !


..................................


J'aime votre colère devant le temps qui passe !


Mais la clepsydre fauve pourtant nous a à l'œil :

Bientôt vous grandirez, laissant là les chaussons,

Les chameaux impuissants, et les escargots tristes.

Un jour des belles viendront, quand vos joues fleuriront...


Il ne restera plus qu'à regarder partir

Deux anges grandis et fiers chevauchant, intrépides,

Sur les chemins mouvants, opaques, parfumés,

Qui font mes cendres.


 
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   Maëlle   
10/6/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Je crois que ce serait bien de faire quelque chose de ces poèmes. Un album photo? Pour que ces enfants puissent les trouver un jour d'ennui et s'en emerveiller?

Mais pour moi, là, j'ai l'impression justement de feuilleter l'album d'un inconnu. Quelle petits choses drôles ou touchantes, et des photos des bébé comme il y en a tant, qui valent surtout parce qu'on en connais les parents.

Ce qui n'est pas mon cas pour ceux-ci.

   Lunastrelle   
21/6/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un vrai plaisir, j'ai lu d'une traite une première fois, et tout aussi délicieusement les autres fois. Par contre, je ne suis pas sûre que les séparateurs soient pertinents, après ce n'est qu'un simple avis, le poème est tout aussi (voir même plus) intense lorsqu'il est lu dans son unité...


Je serai incapable de dire quels sont mes passages préférés, il y en a tellement en fait... Mais je crois que celui qui m'a le plus interpelée est celui-là:


"Cinq heures.

Une vieille chips molle me lorgne d'un œil torve

Au coin du canapé.

Vous nourrir bien sûr : pour voir pousser vos corps

Et embrasser vos bosses hurlantes et insolites.


Quel jardinage étrange !
"

Et il fait partie d'une des "transitions" que je discerne dans l'écrit, séparant les différentes phases... J'en dénombre trois autres... Mais je garde mes observations pour moi, afin de ne pas dire de bêtises...

   jaimme   
28/6/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Ce que j'aime dans ce long poème, long parce qu'il tend à décrire un quotidien et je l'accepte, c'est que la plainte face au travail énorme d'être maman n'annihile pas cet amour profond de ses sales moutards! :)
Bon, sur le fond j'aime beaucoup.
Je suis quand même beaucoup plus retissant sur la forme. Le poème est parsemé de belles phrases ("qui font mes cendres" par exemple), de jolies formulations, mais pour atteindre le statut (selon moi) de poésie il faudrait rendre le texte plus riche. Plus empreint de ces petits joyaux, surtout que le sujet s'y prête à merveille.
Bonne continuation.

   tibullicarmina   
3/7/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Après deux, trois lectures, je dois avouer que j'aime beaucoup ce texte tendre et amusé. Peut-être autobiographique, ce récit d'une mère de famille est transfiguré sur le plan poétique par l'abondance des images, la délicatesse des sentiments, la finesse du lyrisme. Plus que la réalité de l'enfance, ce texte dit un coeur de mère qui a soif de se donner: c'est en cela que réside le lyrisme, un lyrisme ouvert et nullement « égoïste ».
De très beaux vers, musicaux et rythmés illuminent le texte de loin en loin:
« Je lis dans vos orages l'urgence du plaisir. »
« La chute inéluctable du verre à dents, le soir,
Au coin des lavabos. » => ces deux vers sont tout à fait amusants et...terriblement justes. Un joli sens de l'observation dans tout le texte.
« L'herbe verte s'enchante de vos cris de mésanges. »
«Deux elfes roux et blonds se battent comme des lionceaux.

Et pourtant il y a tant d'humanité entre eux

Que même les fourmis y perdent leur latin.



Vous faire voir les nuages, les plus blancs, les plus gris.

Vous suivre dans un monde où vous conduisez tout :

des trains et des troupeaux, des loups et des camions,

des iguanodons fous et même des mappemondes ! »
=> tout ce passage est excellent, amusant, tendre, et contribue pour beaucoup à me faire aimer ce texte. J'en oublie beaucoup d'autres, et des meilleurs.
Quelques difficultés: « cheveux de bataille ». Cette tournure pour « cheveux en bataille » est-elle volontaire, ou bien est-elle une erreur de syntaxe? Je crois qu'ici il n'est pas possible de trancher.
« vos nuques ensuquées ». Il faut savoir que le verbe « ensuquer » est vieilli ou régional. Il est synonyme de « fatiguer ». Une note en bas de page serait peut-être utile, le mot n'est pas connu de tous. Il m'a fallu chercher sur internet. Au demeurant, cette tournure est jolie.
La poésie maternelle est représenté principalement dans la littérature française par les oeuvres de l'excellente Cécile Sauvage. L'auteur gagnera sans doute encore à s'en inspirer, si ce n'est déjà le cas.
Dans l'ensemble, c'est un texte très agréable à lire.  

   Leo   
4/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'aime beaucoup cette ballade tendre entre naissance et âge adulte, entre présence soudaine, brutale et départ voulu, inévitable et ô combien douloureux malgré tout...

De très belles images, des mots doux et tendres, pleins de pudeur toutefois, qui parlent d'univers séparés par l'âge et partagés par l'amour, de confiance et de peur, d'audaces et de prudences...

Un très joli texte, bien construit, bien écrit, plein d'amour et de tendresse. Pourquoi bouder le plaisir que peut apporter un poème tendre et simple comme celui-là ? Je ne le boude pas, je m'y plonge avec délectation. Et tant pis pour quelques petites maladresses, de-ci, de-là, quelques hiatus qui auraient pu être évités ("Mais la clepsydre fauve pourtant nous a à l'œil" par exemple). Ils ne suffisent pas à m'ôter le petit bonheur de cette lecture.

   brabant   
13/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Cortèse,

Texte délicat qui fleure bon la "maternité" ainsi qu'il est mis en exergue. Une maternité paisible avec ses grands hauts et ses petits bas. Une maternité ordinaire en somme. C'est fou ce que la vie tout simplement ordinaire peut apporter de bonheur !

C'est bien de laisser deviner qu'il s'agit de jumeaux, et de ne l'indiquer qu'à la fin. On le devine évidemment et on se sent intelligent. Et complice. C'est une façon de nous "capter", de nous faire entrer dans votre intimité; nous ne sommes plus des étrangers.


A vouloir faire aussi long, ce n'est pas ici un défaut, la longueur rend crédible l'avancée en âge des jumeaux, et le cours du texte est agréable, à faire aussi long donc on risque quelques "hic". Voici ceux que j'ai relevés, à mon modeste avis:
- je n'aime pas le mot "plastique", trop standard, industriel. "celluloïd" ? Il doit y avoir mieux...
- "oeil torve": cliché, lieu commun.
- "ensuquées": trop recherché, obscur. Vient couper la fluidité sémantique.
- il n'y a pas de "Guernica tendre", je n'imagine pas l'image extrêmement violente même si elle peut paraître naïve de "Guernica" dans ce contexte.
- "heures improbables": cliché, lieu commun.
- "la clepsydre fauve": précieux, trop recherché.

Voilà ! Voilà !


J'adore au contraire:
"Vos chameaux de passage, caravane hors du temps,"
Lawrence d'Arabie, parfum de rêve et d'aventure. Convient très bien aux enfants.
"Deux elfes roux et blonds se battent comme des lionceaux."
Hugolien.
"Que même les fourmis y perdent leur latin."
Prévert, les dadaïstes et les surréalistes tendres.
"Des iguanodons fous"
"et même des mappemondes !"
Essence même du rêve, de l'imaginaire jubilatoire enfantin.


J'adore la fin du poème, terriblement émouvante:
"Sur les chemins mouvants, opaques, parfumés,
Qui font mes cendres."
Amour et dévouement d'une mère.
Tout est dit.
Je me tais.
Je soupire.
"Sob !"
(lol)

Bravo !

Très bonne continuation.

brabant

   Anonyme   
14/7/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
j'ai accroché sur ces vers: " Pour voir pousser vos corps"
la formulation sonne bizarre.

un poème attendrissant, des images riches:

"Vos cheveux de bataille m'ébouriffent le cœur"
"Une vieille chips molle me lorgne d'un œil torve"
"Et embrasser vos bosses hurlantes et insolites."
"Vos yeux se tachent de jaune, comme les miens sont orange."
"Que même les fourmis y perdent leur latin."

par contre cette phrase m'intrigue:

"Et vous prenez les traits d'un qui m'a kidnappée"

il ne manquerait pas un mot entre "d'un" et "qui"?

une tendresse naturelle et sincère imprègne ce poème.
ton regard nous tiens par la main pour assister à un quotidien rempli de vie et d'innocence. l'émotion est là et elle transpire.
merci.

   jasmin   
31/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il y a beaucoup d'amour dans votre texte.
Il m'a rappelé de beaux souvenirs, moi qui ai eu deux petits gars.
Votre style est très vivant, on sent l'amour que vous portez aux enfants et tout le plaisir que vous avez a les voir grandir.
J'ai beaucoup aimé.

   Anonyme   
24/10/2016
 a aimé ce texte 
Un peu
La forme rend ici la lecture laborieuse, mais e suis allé jusqu'au bout quand même. J'ai trouvé des longueurs. Votre écrit manque de pétillant, il est ce quotidien vécu, des bouts de phrases par ci, par là, quelques belles choses, de tendresse morcelée :

" Les doigts collants du miel des géants de trois ans,
Les baisers tout mouillés, qui disent un amour fou,
Et de vos dents têtues la bousculade aiguë
Qui déjà se termine. "

Mais dans l'ensemble je ne suis pas convaincu par cet écrit, que je trouve un peu brouillon.


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