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Poésie libre
Cyclid : Notre mémoire est une prison
 Publié le 18/05/12  -  6 commentaires  -  701 caractères  -  202 lectures    Autres textes du même auteur

Qu'est-il advenu des larmes du crépuscule… Ont-elle abreuvé une rivière blanche ou posé nos ombres sur la nuit tandis qu'elles nous emportaient plus loin… là où le monde chante juste ?


Notre mémoire est une prison



Où que je sois dans le désert
Vos voix se déploient pour taire mon chant
Vos visages s’inclinent et offrent leur misère
Et vos doigts, scalpels tranchants,
Glissent un néant sous ma tête
Toutes ces rivières en moi
En quête d’une source
Tous ces enfants en moi en quête d’affection
D’une cascade chaude sans le fracas des roches
Dans mes yeux éclatent vos orages
Dans ma voix s’échappent vos sanglots
De mon sang jaillira vos paroles
Et de vos ombres tièdes
Jaillira la mer, tout entière
Et je ne me noierai que lorsque
La lourdeur de mes veines
S’allégera de vous
Alors l’esprit de mon père m’accouplera aux pierres.


 
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   Lunar-K   
3/5/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

J'ai été agréablement surpris par ce poème. Sa présentation ne m'inspirait pas vraiment, je dois bien l'avouer, présageant un texte bien larmoyant, tire-larmes. Mais non... Pas tant que ça. Un peu quand même, peut-être, mais sans la moindre exagération à mon avis.

Le thème est en soi assez commun, parfaitement résumé par le titre : l'emprise néfaste des souvenirs et, plus généralement, du passé sur le présent du narrateur. Aussi n'est-ce pas tant cela qui m'a plu dans ce texte. Mais plutôt l'écriture et le traitement accordé à ce thème. J'ai ainsi trouvé une grande simplicité dans cette écriture, par ailleurs fort imagée. Une émotion tout à fait authentique à mon sens, presque à fleur de peau. Et les métaphores n'affaiblissent en rien, je trouve, cette authenticité. Ce qui est plutôt rare, il faut bien le dire. Mais ici, l'équilibre entre émotion vive et imaginaire poétique est non seulement trouvé, mais maintenu d'une très belle façon.

Par rapport à cet imaginaire, plus particulièrement, j'ai beaucoup aimé la violence de certains passages. Cela se remarque surtout dans l'excellente seconde moitié du poème, à partir de "Dans mes yeux éclatent vos orages" jusqu'à l'extraordinaire dernier vers : "Alors l'esprit de mon père s'accouplera aux pierres". D'autant que, outre la grande simplicité et l'aussi grande efficacité de ces vers et des images qu'ils contiennent, le rythme induit par le découpage confèrent à ce poème un souffle particulier qui me plaît lui aussi énormément. Un souffle qui se fait, il me semble, de plus en plus haletant, comme si le narrateur commençait effectivement à se noyer. C'est en tout cas l'impression que j'ai eu.

Par contre, je regrette l'une ou l'autre petite chose. D'abord, la ponctuation... Je n'aime pas du tout cette espèce de demi-mesure qui semble avoir été adoptée ici. Pour moi, ou bien on ponctue a peu près complètement, ou bien pas du tout, mais ne mettre que trois virgules et un point final sur tout le texte, ça me fait bizarre...

Un autre élément par rapport auquel je suis plus dubitatif, ce vers : "Et je ne me noierai que lorsque". Je trouve ce "que lorsque" plutôt moche, même si, il faut bien le dire, plus je le lis moins il me gêne. Je finirai donc peut-être bien par l'apprécier (aussi cette remarque est-elle à prendre avec quelques pincettes) mais, pour l'instant en tout cas, ce "ne... que" ne me semble ni bien foutu ni absolument nécessaire.

Enfin, une dernière critique un peu plus négative, mais qui, à nouveau, ne vient peut-être que de moi, porte, elle, plutôt sur le tout dernier vers de ce poème. J'ai déjà dit à quel point j'apprécie ce vers, vraiment. Un vers que je trouve particulièrement original, puissant même. Un vers qui, à lui seul, me parle... Sauf que... je ne vois pas bien son rapport avec le reste du poème...

Voilà mais, dans l'ensemble, ce poème est vraiment très beau, très touchant, à la fois tout à fait poétique et chargé d'une émotion vive. Je trouve que ce n'est pas si souvent qu'on rencontre une telle authenticité en poésie. J'ai vraiment bien aimé.

   brabant   
18/5/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Cyclid,


Au lu de votre texte on ne peut qu'acquiescer au titre "(v)otre mémoire est une prison", elle apparaît comme un élément de transmission, de perpétuation, un chaînon dans une chaîne entortillée : "Alors l'esprit de mon père m'accouplera aux pierres", mais si la mémoire apparaît exclusivement comme le lieu des autres, où êtes-vous, vous ? Etes-vous simultanément ces voix, ces doigts qui vous déchirent, ces enfants, ces yeux, ce sang qui ne semblent là que pour dire, je ne vois pas d'émancipation. La mémoire n'est-elle qu'un lieu ? Laissez donc ce sable et ces pierres.

Et si vous en faisiez un arbre ?


Texte difficile.

   melancolique   
18/5/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Cyclid,

J'ai aimé ce poème, les images défilent naturellement, et le rythme est très agréable.

Je retiens particulierement les vers de la fin:
"La lourdeur de mes veines
S’allégera de vous
Alors l’esprit de mon père m’accouplera aux pierres"

Que je trouve très expressifs et forts.

Il y a aussi l'image:"Toutes ces rivières en moi
En quête d’une source" que je trouve jolie.

Merci pour cet instant poétique.

Au plaisir de vous relire.

   Anonyme   
20/5/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Hormis "Glissent un néant sous ma tête", le "sous" me semblant incongru, j'aime beaucoup ce poème, où les images pudiques recouvrent le poids d'un passé lourd. J'ai aimé cette allusion à ses propres enfants projetés dans un idéal quand ce père rattache aux pierres.
Je sens évoquée une difficulté à vivre, à sortir d'un labyrinthe.
J'ai trouvé de belles images comme :
"Toutes ces rivières en moi
En quête d’une source"
ou encore :
"Et je ne me noierai que lorsque
La lourdeur de mes veines
S’allégera de vous"

   Blacksad   
2/6/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai apprécié ce texte, sa thématique.

Il est court mais riche. Il est de forme libre mais cela profite à son expressivité.

J'ai écrit un jour un texte sur le même thème mais le vôtre est infiniment plus poétique. Les images sont multiples et originales. Le mal-être et la difficile relation aux autres sont décrits sans lourdeur, sans mélodrame et pourtant les mots restent puissants et les émotions demeurent fortes.

   Anonyme   
19/10/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
" Tous ces enfants en moi en quête d’affection
D’une cascade chaude sans le fracas des roches
Dans mes yeux éclatent vos orages
Dans ma voix s’échappent vos sanglots "

Je commence par vous citer, car vos mots me sont très très parlants, "enfance, souffrance", sous le joug de parents qui se déchirent sans se préoccuper un seul instant du désastre, je dirai même du séisme qu'ils provoquent car celui-ci se prolongera longtemps. Il résonne encore, encore, il faudra du temps pour trouver l'apaisement, et faire de ce "passé", un ami et plus un ennemi.

Ce texte ne fait pas dans le mélo-dramatique, il est vrai, généreux, authentique, il témoigne d'un ressenti avec élégance, sans animosité. Le temps viendra, car le besoin se fait de plus en plus important, de vouloir existé pleinement en accord avec cet hier "orageux", de l'apprivoiser.


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