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Poésie libre
Cyrill : Angoisse
 Publié le 20/02/22  -  11 commentaires  -  1128 caractères  -  285 lectures    Autres textes du même auteur


Angoisse



De toute part ce bruit de bottes,
ce parfum d’angoisse qui flotte, un tremblement sous la cuirasse.

Ça commence au nord de soi-même avec un mouvement de troupe
et l’âme qui verse et chaloupe à faire s’enrayer le système.
On croirait entendre l’œdème au fond des basques qui mijote,
voir une sinistre crevasse aller béant sur le dilemme.

Une étincelle sur l’étoupe et partout se répand la poisse,
de l’étrave à la poupe essaime le problème.
On pourrait écoper sans fin,
vider le poème,
saigner le bonhomme
ou vouer au Pandémonium un inénarrable assassin,
toujours cette même aube aux mêmes nuits semblable,
toujours la même daube et sa sueur palpable.

Encore un pli sur la surface, une faille vue à la loupe,
cicatrice sur le dessein,
fausse note enflant le tocsin comme un prélude à l’entourloupe.


Ces ronds de graisse sur la soupe et cet animal qui progresse.


Une main gisant dans la nasse et cet organe qui cahote.


Ce bruit de bottes traversant la géométrie de l’impasse.


 
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   Anonyme   
10/2/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Je ne déteste pas le côté bousculé, excessif, de votre poème, même si ce caractère baroque ne correspond guère à l'idée que je me fais de l'angoisse que j'associe plutôt à une sorte de paralysie de la pensée, toutefois (surtout au début, ou alors c'est que je m'habitue en avançant dans ma lecture) je trouve que vous maîtrisez mal le foisonnement des images et que cela produit un effet au bord du burlesque. Exemple :
un mouvement de troupe
et l’âme qui verse et chaloupe à faire s’enrayer le système.
Je ne vois pas trop de quel système il est question, comment on peut chalouper après avoir versé puisque « chalouper » signifie avancer en se balançant, telle une chaloupe sur les flots.

Mais ensuite, comme je disais, les flots en question s'assagissent, ou bien je prends le pied marin. J'aime vraiment
Ces ronds de graisse sur la soupe et cet animal qui progresse.
entre autres images insolites. Je salue l'attention aux sonorités, en trouvant que par moments elle vous pousse à la gratuité des formules, presque au non-sens. Mais c'est dans la ligne du foisonnement dont au sujet duquel-t-il je parle plus haut.
J'aime bien aussi la manière dont la dernière ligne fait écho aux deux premières, jusqu'à rimer.

Au final, une balade agitée pour moi ; la chaloupe m'a menée à destination, j'ai cru me noyer dans les embruns et me réjouis à la perspective de me chauffer au coin du feu.

   Donaldo75   
13/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je ne sais pas si j’ai tout compris à ce texte mais il m’a paru oppressant ; si je m’en tiens au titre, il y a de l’idée dans l’exposition de l’angoisse mais je crois que je vais dépasser ce thème dans ma lecture. Pourquoi ? Parce que les mots de ce riche champ lexical s’entrechoquent dans mon esprit, brinqueballent à l’excès dans un délire baroque à l’architecture digne d’un bâtiment de Gaudi. Il y a du « too much » dans cet ensemble qui reste hermétique pour la partie raisonnable de mon cerveau et attractif pour celle qui régit mes émotions, mon instinct. Et pour moi, la poésie ce n’est pas qu’affaire de logique, d’exposition cartésienne du fond comme je le lis – entre les lignes souvent – parfois sur le site dans d’autres commentaires mais de la peinture littéraire ; pour cette raison et des milliers d’autres, je ne commence pas par juger le fond et me dire s’il est plausible, si c’est ça l’angoisse, si le titre est bien respecté, si l’exergue m’a donné assez d’indices pour bien monter mon analyse en kit avec les bons outils et les boulons adéquats. Et je ne continue pas dans cette direction pour amener de la raison à un ouvrage travaillé mais intuitif, irraisonné au départ mais poli avec les possibilités qu’offre la forme libre. Et dans le cas présent, mon impression de lecture est plus que favorable, je ne vois pas de scorie suffisamment évidente pour entamer un long commentaire composé bardé d’arguments étayés et logiques forcément logiques. Non, je ressens la poésie comme les premiers auditeurs du « Sacre du printemps » ont ressenti la musique d’Igor Stravinsky et je me mets à applaudir debout sur ma chaise en sachant que je suis peut-être perdu au milieu d’une foule sagement assise et dubitative devant l’œuvre exposée.

Bravo !

   Mintaka   
20/2/2022
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Ardu à comprendre tant les métaphores se succèdent à un rythme effrénée.
Une métaphore appui en général une idée concrète pour en accentuer la compréhension, la décontextualiser pour mieux la saisir. Ici, chacune d'elle est censée expliquer la suivante qui à son tour fait de même, en bref, un peu trop labyrinthique pour moi. Ma démonstration est bien sûr subjective!
Maintenant, la poésie, c'est aussi savoir dépasser tous les clivages. Elle peut être concrète, pragmatique mais également abstraite voire incompréhensible pourquoi pas. On s'attachera alors davantage à sa musicalité.
Pour revenir à votre poème, je l'aime et je ne l'aime pas à la fois, un peu comme une douleur pas si désagréable que ça en fin de compte - pour rester dans la métaphore.
Au plaisir de toute façon.

   Anonyme   
20/2/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,
Je n'ai pas détesté, même si je n'ai pas tout compris, au départ du poème j'ai pensé aux états d'âme d'un soldat face au champ de bataille et puis ça passe à des ronds de gras sur de la soupe et ça finit en impasse géométrique. C'est sûrement trop érudit et hermétique pour ma compréhension mais j'ai trouvé l'ensemble bien écrit.

Anna

   papipoete   
20/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
bonjour Cyrille
Dès la première phrase, les yeux fermés je reconnais l'auteur, et ce style inimitable !
Sans chercher au fond du puits, de quelle eau l'on se chauffe... je vois cette simple phrase " bruit de bottes ", non point de celles en caoutchouc insonores, mais de celles que portent ferrées les divisions soldatesques, dans Oradour par exemple...
NB et nombreuses sont les allusions au péril militaire ( une étincelle sur l'étoupe ) aussi bien " en vrai " dans les images télévisées, que dans la bouche de qui prêche la haine contre les " différences... "
Mais je crois deviner, que cette angoisse qui put germer au jour, vient hanter le sommeil du héros, à travers un horrible cauchemar ?
Même si toute image ne me saute pas aux méninges, je comprends que nous ne sommes pas dans un conte de fées !
la 3e strophe qui prend la poisse de toute part me plaît particulièrement !

   Corto   
20/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Aucun doute, le parfum de l'angoisse est ici présent.
Dès le premier vers "ce bruit de bottes" qui vient "De toute part" ne va pas alléger l'atmosphère.
Avec "l’âme qui verse et chaloupe à faire s’enrayer le système" on passe de l'extérieur à l'intimité, c'est dire que tout s'aggrave.
La suite du poème nous entraîne dans un flot d'images toutes moins rassurantes les unes que les autres.
Cruellement les deux derniers vers nous emmènent vers un acmé peu enviable et le dernier mot "impasse" n'est pas là pour apaiser.
Bravo.

   Anonyme   
20/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Cyrill,

Je reconnais bien là le chaos de l'angoisse, et son bruit de bottes avec le tremblement sous la cuirasse...

Superbe poème qui dit si bien !

Dès que je peux, je reviens étoffer ce commentaire. Mais il fallait que je dise sitôt ma lecture, pour ne pas en perdre l'essentiel.

Merci pour le partage.


Cat

   Pouet   
20/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut,

Il n'est pas question ici d'évoquer une émotion - l'angoisse en l'occurrence - par l'exemple, l'illustration concrète en situations vécues ou imaginées, mais bien par la matérialisation, le changement de peau (ou de cuir...) métaphorique. Détour à la fois concret et onirique à mon sens incontournable pour passer du constat à la création, de la matière à sa transformation ; du lisse à l'aspérité.

La comparaison martiale semble être bien appropriée à l'exercice. Au-delà de cet angle de vue opportun, de ce traitement allant au-delà justement, ce qui frappe ici ce sont les jeux de sonorités très présents, très réussis, en renvois et allers-retours nous ramenant à nos échos internes, à nos contradictions ordonnées. Il y a bien sûr ce sous-jacent martèlement, du réel au supposé, du crâne à ses représentations, de l'impossible évasion sur l'instant aux libératrices représentations ultérieures.

Ici se mêlent les semelles de l'Histoire et de l'histoire. Rouages obscurs et dérèglements de pleine lumière.
L'extrapolation en forme de réminiscences factices, mais pourtant existantes, fixe ainsi un ressenti d'exploration intérieure à portée universelle de l'angoisse hors-sol ancrée au plus profond en son étreinte insaisissable.
De l'imaginaire collectif à l'enlisement individuel, quand l'illusion s'efface devant l'imprégnation.

Une loupe qui ne loupe pas sa cible macroscopique en quelque sorte...

(J'aurais aimé écrire plus limpidement, mais ce qui ne se conçoit -subjectivement - que trop bien s'exprime laborieusement.)

   Cyrill   
9/3/2022

   Vincente   
10/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je débarque après la bataille, bien que comme le souligne le propos, il est question d'un éternel recommencement, ce retour de "bruit de bottes", interne à nous-même quand survient l'agressante et fuyante émotion, exogène quand elle encaisse sans souplesse celle des guerres autour de nous. Cet après ne serait donc que le demain qui se prépare, ou déjà s'insinue, ou encore est déjà là !

Ce qui à ma première lecture m'a à la fois plu et retenu, c'est qu'autant le mode d'écriture, jeu et style, que le fond ambivalent, ou plutôt à double-sens, entrent dans ce que j'aime écrire, et lire ; et là je l'ai vraiment apprécié. Très plaisante sensation d'une connivence certaine avec l'auteur, mais aussi peut-être celle qui a limité son impact pour moi. Je dirais alors que rien n'est à changer dans l'attitude de l'écriture, à la fois elle se tient, l'on y voit le chemin tracé, pertinent, et pourtant elle s'autorise bien des vagabondages poétiques qui lui donne un sel particulier, doté d'une force d'évocation certaine.
PS : Le vers final qui cherche à appuyer, comme conclure un propos déjà convaincant ne m'a pas semblé bien utile, c'est comme s'il plombait la démonstration en l'invitant à retourner dans cette impasse dont il se défend.

   jfmoods   
26/11/2022
Il est fascinant, en début de texte (vers 3 à 14), ce retour obsédant. Comme un message subliminal du poète en forme d'impératif absolu, un appel entêtant à résister à tout ce qui travaille à la désagrégation du monde ("Aime !").

La discontinuité dans la longueur des vers ainsi que les espaces plus ou moins grands ménagés ça et là entre les strophes et les vers seuls se présentent comme autant d'effets de rupture d'un équilibre.

On peut repérer les principales étapes d'un chemin de croix de l'horreur. D'abord, un présent terne, sans relief, sans espérance ("toujours cette même aube aux mêmes nuits semblable"), l'impression de se faire toujours servir un repas frelaté ("Ces ronds de graisse sur la soupe"). Puis la disparition de toute forme d'idéal ("vider le poème"), l'absence totale de perspective ("la géométrie de l'impasse"), l'image d'une société en décomposition dont l'échouage est programmé à courte échéance ("flotte", "verse et chaloupe", "de l'étrave à la poupe", "écoper sans fin"). Alors, c'est comme une maladie infectieuse qui s'insinue sournoisement ("l'œdème [...] qui mijote", périphrase désignant le fascisme : "cet animal qui progresse), une monstruosité qui prend l'aspect d'un faciès méconnaissable, dévasté ("une sinistre crevasse", "un pli", "une faille", "cicatrice"). L'humanité commune disparaît. Vient le temps de la manipulation mentale ("toujours la même daube", "un prélude à l'entourloupe"), de la propagande la plus abjecte s'appuyant sur les instincts les plus primaires de l'individu ("sa sueur palpable", périphrase soulignant les fluctuations du coeur humain : "cet organe qui cahote"). L'utilisation de l'autre, de l'étranger, comme repoussoir conduit irrémédiablement au conflit armé, au massacre de masse (écho du "bruit de bottes" à l'entame et à la chute du poème, "cuirasse", "mouvement de troupes", "saigner le bonhomme", "Pandémonium", "assassin", "fausse note enflant le tocsin").

Une telle évocation renvoie, implacablement, à la dystopie orwellienne...

"Si vous désirez une image de l'avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain... éternellement." ("1984")

Merci pour ce partage !


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