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Poésie libre
Cyrill :  Celui qui passait
 Publié le 17/05/22  -  12 commentaires  -  2354 caractères  -  137 lectures    Autres textes du même auteur

“… I was there I will die there
In Africa my beginning
And Africa my ending…”

Ingoapele Madingoane


Celui qui passait




Il portait cet habit, pelisse de décor
coupée bien près du corps,
en cuir de facétie de bien fine épaisseur,
tendu sur ses épaules maigres, à toute heure du jour et en toute saison, et de bien étrange façon :
déboutonné plus qu’à moitié, le poids d’on ne sait quoi faisant un pli très maladroit de l’autre côté de son droit.

Traversant le ghetto – on l’aura deviné il était noir de peau – à grandes enjambées
drapées dans le coton,
pour visiter la pègre,
dévisager les nègres,
les filles occupées, adossées aux maisons,
à regarder les gens
et les évènements
et celui qui passait ;



traversant le ghetto des confins jusqu’au centre,
la trouille dans le ventre
et croisant le milieu
où sévissent les dieux,
il joue à faire le beau, le monarque d’ici, de chez ceux que l’on parque.

Le voilà qui débarque.
Il bombe un peu le torse,
évite les entorses,
les foutues conneries.
Il marche et se méfie.

Pas d’embrouille, pas de soucis.
Le calme règne sur l’endroit,
on reste sur son quant-à-soi.

Mais la loi est là bien tapie.
Elle se réveille de sa lie.
La grande classe dans ses fringues,
ses chapeaux canari, elle rapplique au flingue
ou s’explique au couteau et s’applique au défi.

Pique de la carrosserie
surtout la nuit,
surtout sans bruit.

Se pique aussi de hiérarchie
compris ?
Ou alors tu finis au fond d’un caniveau.


Traversant le ghetto il cherche des amis
avec ou sans permis mais pourvus de voitures,
pourvu que l’aventure.
Une virée tous phares éteints juste pour le super frisson
dans les quartiers super blanchis
qui brillent jusqu’à l’horizon.

Une course-poursuite avec les gyrophares,
des crissements de pneus.
Le soleil dans les yeux,
indécence giratoire.

Rires, chuchotements
des pots d’échappement.
Des carrefours sans interdit
des hurlements, des cris…

Et des claquements de pétards.

Mon frère pour la suite c’est trop tard.

Il est salé le prix à payer pour la gloire.



Il y a du sang sur ta folie

et sur mon désespoir.


 
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   Anonyme   
25/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je trouve le rythme et la construction de votre poème prenants, parvenant à me happer dans cette histoire sordide et tragique qui à la base ne me passionne guère. Vous parvenez aussi à me réconcilier avec la disposition centrée des vers envers laquelle j'ai une sérieuse prévention.
Le fait de vous être contenté ou contentée des majuscules grammaticales en début de vers, qu'elles ne soient pas systématiques, est un plus à mon avis : la narration en est plus rapide, file sans obstacle, comme la bagnole poursuivie par les gyrophares.

Des formules qui claquent, aussi, ainsi
Rires, chuchotements
des pots d’échappement.
qui m'apparaît percutante ! Vraiment du bon boulot pour moi, efficace. Et la fin, très à mon goût dans sa sobriété.

   Mintaka   
28/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
Un texte qui parle de souffrance, de mort, de désespoir et d'injustice de la même façon qu'il parle aussi du contraire de tout celà. Un brin indéfinissable, presqu'inracontable, des phrases chocs qui se suivent et se poursuivent dans une spirale d'images.
Est-ce de la poésie? J'avoue ne pas en être certain. Est-ce un texte fort ? Sans aucun doute.
Comment donc évaluer cette contradiction en EL ?
Il le faut bien pourtant.

   Robot   
30/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Comment j'ai lu ce texte:
L'impression d'un homme qui veut se la jouer au pays des caïds. Le texte nous conduit dans un lieu ou la brutalité l'emporte sur la loi, ou il faut être fort pour s'affirmer. Ici, il faut naviguer entre la pègre et la police avec ses envies et ses peurs, pour exister.
Le texte est d'une force qui emporte le lecteur en le plongeant dans un monde de noirceur et de désespoir.

   Donaldo75   
30/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J’ai beaucoup aimé ce poème et pourtant je n’arrive pas clairement à expliquer pourquoi. Au diable l’analyse, dirait ma grand-mère, une fière institutrice qui ne portait pas Sigmund dans son cœur. J’ai pensé – allez savoir pourquoi, c’est bizarre quand même le cerveau – à l’album de Bernard Lavilliers intitulé O’Gringo quand j’ai lu les premiers vers de ce poème. Il y a de la description sociale dans une atmosphère dangereuse et poisseuse. Je suppose que c’est ça l’Afrique telle que me la raconte les gens que je connais et qui ont séjourné sur ce continent à la fois mythique, dévasté, galvaudé et surtout appauvri par notre propre appât du gain et ce mal que nous communiquons au reste de la planète. Merde, je vais devoir consulter un élève de Sigmund pour sortir de ce raisonnement et revenir à mon commentaire. Oui, il y a de l’atmosphère dans ce poème. Au passage, je ne suis pas fan de la mise en page centrée même si elle se donne des airs de calligramme. Je trouve qu’elle rend trop logique le narratif alors qu’un découpage plus proche de celui de la poésie en prose l’aurait rendu encore plus tonal, à l’américaine, à la Jim Harrison.

Anyway comme dirait l’autre Harrison, George.

   Anonyme   
17/5/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Cyrill;

Vous avez posé une poésie au cadre exotique puisqu'elle nous transporte en Afrique. J'ai pensé d'emblée à l'Afrique du Sud mais c'est peut-être ailleurs. d'ailleurs c'est peut-être pas une poésie, c'est peut-être une micro nouvelle ou peut-être encore autre chose, un rêve. On suit l'homme dans ce ghetto, il y a un détail qui m'a arrêtée une minute : "drapées dans le coton" Au féminin pluriel ? Alors qu'au dessus il est de cuir fin vêtu; il y a certainement une chose qui m'a échappée... Mais j'ai continué à marcher derrière lui, j'avais peur de rester seule avec tous ces affreux, alors je me suis déguisée en noix de coco, et j'ai continué de le suivre parmi ce "milieu" de proxénètes, de catins, de voleurs, etc... Mais quand ça a pétaradé, j'ai filé comme un poux sur une tête chauve !

Est-ce qu'à la fin, il meurt ? ça reste un peu flou pour moi.

Merci pour ce dépaysement plutôt noir (sans mauvais jeu de mots)


Anna

   papipoete   
17/5/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Cyrill
une fois n'est pas coutume ( peut-être la 2e fois ? ) je navigue dans les lignes de notre auteur, sans difficulté ; je marche dans les pas de ce " fier-à-bras " qui roule les mécaniques... pour se donner du courage, mais n'en mène pas large dans ces parages, où ne vivent ni enfants de choeur, ni " petites soeurs de l'enfant Jésus ".
Il ne se balade pas mais recherche qui peut lui faire avoir d'la tune, en voiture mais auto qui fonce, grille les feux rouges, et sème les gyrophares vers la liberté, ou bien criblé de balles " façon Bonnie and Clyde "...
NB un road-movie là où il ne fait pas bon être " pas blanc ", ou caïd de pacotille ; et ça roule, et ça toise les regards, et quand ça veut pas, ça veut pas... et la gloire, ça sera pour une autre fois ! aujourd'hui, les flics ont tiré sur l'apprenti Capone... salé le prix à payer pour la gloire !
Dans la première partie, " l'habit qui ne fait pas le moine ", l'auteur se montre si précis dans la peinture du héros !
" traversant le ghetto, il cherche des amis... " est ma strophe préférée.

   Miguel   
17/5/2022
Il me semble que ce texte (auquel je trouve peu de dimension poétique, peu d'images, surtout de la description, encore que l'atmosphère soit bien rendue, avec cette tension que l'on sent, ça c'est réussi) victimise un petit caïd. Ce n'est pas ma tasse de thé ; pour moi un voyou est un voyou. Je suis heureux de constater qu'à la fin la police a le dernier mot. Le mot "ghetto" n'implique pas qu'on soit noir : les Juifs y ont eu droit aussi. Non, je ne suis pas emballé par ma lecture.

   pieralun   
17/5/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
On croirait regarder un film: image et son.

Le fond me semble un peu cousu de fil blanc, mais le rythme des vers est en parfaite adéquation avec les actions: les pas, le crissement des voitures, les tirs….
J’ai beaucoup aimé ce vers: en cuir de facétie de bien fine épaisseur

   hersen   
17/5/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
On a le son, les couleurs, les images. Un court-métrage haut en couleur, un court-métrage qui galope; pas d'arrêt, de repos, tout va vite, un requin qui ne bouge pas est un requin mort, dit-on. Ici, c'est lui, j'adore son chapeau canari, tout le poème est fait de détails qui claquent. Et cela le rend extrêmement vivant, il y a une présence indéniable.
Merci de cette lecture !

   Provencao   
18/5/2022
Bonjour Cyrill,



J'aime ce lien " crash " de la détresse, du dégoût , du passe-droit et de la persécution en vos mots qui s'oriente vers la poesie, tout en exaltant la grandeur de ce cuir de facetie.

Votre écrit n’en accuse pas moins l'abîme qui tenaille cette folie " Mon frère pour la suite c’est trop tard.

Il est salé le prix à payer pour la gloire."

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Anonyme   
18/5/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un road-movie coup de poing plus qu'un poème, qui percute à chaque ligne, à grande vitesse, tous les sens exacerbés.

Chaque mouvement est un son qui explose. La couleur est crue, flashy.

« En cuir de facétie de bien fine épaisseur » le rythme puissant martèle et fait frémir la peau.

Un texte trash aux allures de rap, à odeur de sang sale et de mauvaise destinée.

Je ne soutiens en aucune sorte le fond – chacun, quelle que soit sa couleur de peau, est apte à trouver la paradis sur Terre s'il arrête de passer tout son temps à se poser en victime.

Par contre j'aime beaucoup la mise en forme, et la formulation qui dessine avec force cette existence cruelle, voire primitive.

Je découvre une nouvelle facette à ton talent, Cyrill. Tu es prêt pour le festival de Cannes. ^^

Merci pour le partage.

   Cyrill   
20/5/2022


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