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Poésie contemporaine
Cyrill : Ode à l’ami
 Publié le 26/04/21  -  11 commentaires  -  1417 caractères  -  234 lectures    Autres textes du même auteur

« Les copains d'la neuille
Les frangins d'la night
Ceux qu'ont l'portefeuille
Plus ou moins all right »

Léo Ferré


Ode à l’ami



C’est dans le cul noir d’un flacon
Que surgit ce havre d’ivresse
Où paresseux que nul ne presse
L’esprit vaincu le verbe abscons

Je m’exilai saoul et ravi.
Paysage exempt de mémoire
Visages luisant d’ambre moire
Que balaie le flou d’un lavis.

Puis un vertige extrasystole
Murmure à mes ouïes crevées
Des brisures parachevées
– Vestige d’inouïes paroles.

Qu’avisai-je sous cet empire ?
Le corps rompu, cœur indigent
Regard corrompu, contingent
D’où mille et un pièges transpirent ?

Alors survint en silhouette
Une quadrichromie chromée
Cet ami que j’omis d’aimer
Comme un provin d’esperluette.

Chemise et cul, bons camarades
Nous traversâmes maintes nuits
Un sésame au bout de l’ennui
Convaincus de quelque algarade.

Dix flâneries, vingt errements
Palabres vains et bris de verre
Génie du vin dans nos artères
Finasseries, égarements…

Mais vint l’ultime son du glas
Où s’évanouit corps et âme
Mon frère ébloui, sans un drame.
Le bel abîme l’englua.

Et dans le cul de sombres rades
Amputé d’un demi de moi
J’ingurgitai mon désarroi
L’ambigu d’une mascarade.

Ode avinée dite au comptoir
Poésie grise, songe amer
Anesthésie, brise d’éther
Hallucinée. Doux au revoir.


 
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   inconnu1   
10/4/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
De la poésie contemporaine qui s'assume, non au rabais puisque l'auteur conjugue ce qui est toujours source de succès : l'inspiration et le travail car il en faut du travail pour trouver les rimes les plus riches possibles (bon il y a bien un glas englua peu riche, mais pour le reste bravo), respecter les diérèses, l'absence de hiatus, les e muets... Il faut saluer le travail et la volonté de ne pas faire du contemporain trop facile. Sans compter les allitérations qui donnent à ce poème moderne un air de chanson. On a presque la mélodie qui irait bien avec le lisant.

Le thème de l'ivrogne poète est classique mais ce n'est là l'essentiel du propos mais plutôt celui de l'amitié et de la solitude

Bien à vous

   embellie   
13/4/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le quatrain de Léo Ferré mis en exergue convient tout à fait à ce poème, paraissant écrit de la même encre.
L'auteur glorifie une amitié masculine en racontant la perte irrémédiable d'un ami.
Le titre, Ode à l'ami, pourrait aussi bien être Ode à la boisson : le cul noir d'un flacon – ce havre d'ivresse – saoul et ravi – génie du vin dans nos artères – ode avinée dite au comptoir.
Je regrette un peu ce déploiement pléthorique d'allusions alcoolisées. On dirait que les amitiés masculines ne peuvent se développer ailleurs que dans des vapeurs d'alcool. En dehors de cette exagération, je trouve à ce poème des qualités d'écriture. Le choix des octosyllabes me convient. Le vocabulaire est riche de mots peu rencontrés dans les poèmes, comme abscons, lavis, extrasystole, ouïes, esperluette, algarade. J'apprécie, mais toutefois j'avoue ne pas comprendre l'expression « comme un provin d'esperluette ». J'aime bien « amputé d'un demi de moi » qui rejoint « j'ai perdu ma moitié » prononcé par un veuf ou une veuve. Le dernier quatrain résume tout le poème.

   Capry   
14/4/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Poème qui relève davantage du surréalisme avec comme fil conducteur, l'amitié, je suppose mais je n'en suis pas sûre "Une quadrichromie chromée" ? Est-ce que cet ami est réel ou une 'métonymie' (pas sûre de la figure de style) pour parler d'une addiction: l'alcool ?

Ce poème est certes travaillé mais difficile à pénétrer. A mon niveau, il ne se dégage pas d'émotion particulière, peut-être est-ce parce que le lecteur est face à un délire intime du narrateur. Ce délire doit être partagé pour soulager le narrateur. Il y a ici un aspect 'confessionnal'. L'écriture est relativement riche avec un lexique varié. La forme est travaillée (rimes embrassées).

   papipoete   
26/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Cyrill
Ode à un ami, en grande pompe, à renfort de dives bouteilles au cul noir : moment partagé au-delà de moments de fidèle amitié, que rien ne pouvait briser, même pas du verre cassé.
NB un doux au-revoir qui me fait dire à l'ivresse " vas-y, bourre-lui le ventre ! saoule son coeur pour que quelques heures, il oublie son malheur maintenant qu'il est seul " amputé d'un demi de lui "
Des vers riches d'images et tournures pas ordinaires, la 8e strophe étant ma préférée.
Je ne vois pas ce qui s'oppose à la forme " néo-classique " ?

   domi   
26/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Très bon texte!

le fond est émouvant, avec la perte de ce "demi de moi", souvent ressenti entre frères ou soeurs...

Les rimes, sont savoureuses ; en particulier dès qu'on perçoit les rimes internes, dont la première m'a fait sourire : " paresseux/ surgit ce" :)

j'adore ce genre de contraintes qui font parfois s'envoler l'imagination, Bravo !

   Damy   
26/4/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Quelques mots ou expressions m’ont un peu laissé sur le trottoir : « extrasystole » ou « Comme un provin d’esperluette ». Mais j’ai vite poussé la porte du bistrot où se noie le chagrin pour ce « frère ébloui » afin d’un partage de sanglots autour d’un verre.

J’ai adoré ma lecture que je ne décortiquerai pas, le poème se lisant en toute fluidité du début à la fin et m’ayant profondément ému. Je souligne juste la beauté de la composition.

Merci, Cyrill.

   Miguel   
27/4/2021
Ce n'est pas le genre que je préfère, mais si je n'avais que cela à dire je m'abstiendrais de commenter. Je trouve que, dans ce genre précisément, ce texte est tout à fait réussi. La dérive y est parfaitement décrite, et l'amitié qu'elle peut engendrer y est évoquée d'une manière particulièrement touchante. Evidemment ce genre de vie (mais au fond comme tous les genres de vies, celui-ci juste un peu plus tôt que d'autres) ne peut conduire qu'à la mort. Celle-ci aussi est évoquée avec un réalisme non dénué de pudeur.

   Castelmore   
27/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
« Je m’exilai saoul et ravi.
Paysage exempt de mémoire
Visages luisant d’ambre moire
Que balaie le flou d’un lavis.
.....
Mais vint l’ultime son du glas
Où s’évanouit corps et âme
Mon frère ébloui, sans un drame.
Le bel abîme l’englua. »

Deux évocations superbes:
de cet état de semi conscience de l’ivresse
de la prise de conscience de la séparation, cet “engluement “ dont j’apprécie particulièrement l’emploi.

Une très belle ode à l’amitié servie par de très beaux octosyllabes contemporains.
Merci
Castelmore

   Ligs   
28/4/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

La boisson, des souvenirs tristes, le désespoir, un être cher perdu...

Je ne suis pas touché par ce poème... les vers manquent (à mon sens) de légèreté, sans que je ne sache trop à quoi attribuer ce sentiment... peut-être le choix d'un lexique un peu "lourd" : quadrichromie chromée, abscons ? Ou plutôt des sonorités assez gutturales ? Peut-être l'ambiance, la boisson ? La répétition du mot cul (3 fois), que je ne trouve pas spécialement poétique... ou un peu de tout cela ?

Bref, j'en perçois des qualités, je vois du travail et une intention qui donne son unité au poème, mais d'un point de vue poétique, je reste sur ma faim.

   Vasistas   
29/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Soufflé à la première lecture, poème très "nourrissant pour moi, je relis et en découvre encore.
Très beaux sombres frissons, bravo pour ce travail et merci.
j'ai lu du coup vos autres poèmes, la grande classe !

   Quidonc   
4/5/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Éloge funèbre d'un ivrogne à son compagnon de biture. Le souvenir revient dans un éclair de lucidité mais s'évapore aussi vite noyé dans l'abîme de l'oubli.
L'alcool a ses déraisons que la raison ignore
Merci pour ce partage


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