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Poésie en prose
Damy : Silence ! [concours]
 Publié le 03/05/24  -  6 commentaires  -  2643 caractères  -  95 lectures    Autres textes du même auteur

Porte ouverte sur l'inconnu… Absolue
http://www.oniris.be/modules/myalbum/photo.php?lid=%20317
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un long voyage »


Silence ! [concours]



Ce texte est une participation au concours n° 35 : Arrêt sur image
(informations sur ce concours).





Au trente-cinq rue Castillon, le portail est ouvert. Il reste ouvert depuis la nuit des temps.
À la fraîche aurore, je le franchis. Ce ne sont qu’herbes folles et grands coudriers
et le silence.
Une sente étroite en cailloux blancs bordée d’orties s’ouvre sur un paradis sauvage.
Je plonge vers un vaste étang bordé d’aulnes et de saules.
J’ai envie de pleurer tant les souvenirs de l’étang du moulin, aujourd’hui envasé, jaillissent en gouttes
muettes.
Je nous revois, ta joue sur mon épaule et ta main dans ma main, garder
le silence.
Je vais. Des érables et des vieux chênes. Je puise l’énergie vitale avant de devoir mourir
en douceur ;
j’écoute merveilleusement les trilles et les vocalises sifflées de la syrinx des oiseaux. Ce sont des tirelits d’amour égayant
le silence.
Je vais. Un château en ruines qui n’est plus habité que par des pigeons sauvages ouvre ses volets
dans le vide.
Vivait là autrefois, paraît-il, la baronne Maude de Laroche. J’imagine les fêtes galantes et le faste du mobilier, les couverts en argent, les verres en cristal, la vaisselle en porcelaine ou en faïence, le feu dans la cheminée auprès duquel je serais resté
rêveur.

Une chapelle au toit et au clocher délabrés.

Un vent d’Orient souffle les nuages vers le couchant. Il est doux et frais comme une voile gonflée vers des ailleurs incertains sur une mer
lisse.
J’aperçois le palais blanc de Kairouan dans le désert des Aghlabides, au crépuscule, où s’égrainent des chapelets de salâts*
dans le silence canonique
qui s’entend partout une fois franchi le portail : derrière les volets, depuis le minaret ou bien dans les ruines du temple de Massada et dans le sanctuaire de la synagogue de Jérusalem ou encore dans le palais de l’Alhambra et sur l’autel du sacrifice de la mosquée-cathédrale de Cordoue.
Un silence sacré.

Maude de Laroche avait beaucoup voyagé dans le tumulte des foules pieuses mais c’est dans le parc Castillon dont le vieux portail reste ouvert depuis la nuit des temps qu’au bord de l’étang elle se recueillait souvent
dans le silence
et dans la paix.

Tandis que dans les ruines gronde
l’infernal brouhaha des bombes.

Silence !



* Prières islamiques.


 
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   Cristale   
3/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Un portail ouvert en permanence comme une invitation en ces lieux chargés d'Histoire et d'émotions. Le promeneur navigue entre son plaisir de la beauté de la nature, d'un étang lui remémorant les souvenirs de son passé et l'évocation historique de la vie de cette Dame au si joli prénom "Maude".
La note finale s'ouvre sur le contraste entre la quiétude du parc et le tumulte du monde extérieur.
Contemplation, nostalgie et rêverie font que ce poème impose son "silence" comme un leitmotiv en ces lieux poétiquement sacralisés.
Voilà ce que j'ai lu de ces vers à la présentation agréable et originale.
Un très beau poème, vraiment.

   Lebarde   
23/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Un lieu abandonné qui évoque à l'auteur(e) des amourettes de jeunesse et suscite de petites histoires, vraies ou fausses, qui par delà les voyages nombreux semble-t-il, de Maude de la Roche, chatelaine de la demeure en ruine, emmène le lecteur, poussé par " Un vent d’Orient", vers des contrées lointaines, "le palais blanc de Kairouan dans le désert des Aghlabides," ou "dans les ruines du temple de Massada et dans le sanctuaire de la synagogue de Jérusalem ou encore dans le palais de l’Alhambra et sur l’autel du sacrifice de la mosquée-cathédrale de Cordoue".

Mais "l’infernal brouhaha des bombes" est passé maintenant "dans les ruines ", c'est "Silence".

Belles descriptions, belle écriture poétique, joli texte présenté avec une recherche harmonieuse,
J'aime bien.

Bonne chance pour la suite.

Lebarde

   papipoete   
3/5/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonjour concurrente
le portail est ouvert... depuis tout le temps ; je l'ai toujours vu ainsi, mais n'aurais jamais osé le franchir.
et dès mes premiers pas, le silence de cathédrale me prend, m'étreint comme tes bras qui me serraient, il y a longtemps.
NB je pense qu'on a tous, un endroit où notre coeur battait la chamade, à moins d'être ermite au fond d'une grotte ?
ici, c'est sur les traces d'une riche baronne, que l'amoureuse se souvient, un peu comme à bord de l'épave du Titanic, quand on y menait grand train.
c'est plus mélancolique que romantique, et l'on va...
certains trouveront une côté trop " narratif " à ce texte ?
- pas moi
- dis, te souviens-tu ?

   Polza   
3/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Le titre m’a immédiatement fait penser au nom du club que possède David Lynch à Paris, « Le silencio », nom tiré du club du même nom dans l’excellent Mulholland Drive ».

Mais le texte n’ayant rien à voir avec le film, je ne vais pas plus loin.
Par contre, je voulais juste vous signaler que la façon dont est écrit ce poème, les mots choisis, le rythme, le style… Tout cela m’a fait cette fois-ci penser à l’indispensable album (pour tout mélomane qui se respecte) de Serge Gainsbourg « Histoire de Melody Nelson » et notamment au titre qui ouvre l’album « Melody ». C’est vraiment personnel comme impression et d’aucuns se demanderont peut-être « mais qu’est-ce qu’il a pris comme substance illicite pour avoir été chercher aussi loin », je voulais simplement vous faire part de mon ressenti après avoir terminé ma lecture.

Pour le reste, que dire ? Il y a là beaucoup d’imagination, d’amour, de beauté, de nostalgie et que sais-je encore.

Je ne trouve pas de défauts à votre poème, pour moi c’est du tout bon, bravo.

J’étais malheureusement passé à côté en EL, quelle erreur, voilà qui est réparé !

   Geigei   
3/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
J'ai lu ici un traitement digne des horreurs du Moyen Orient.

J'ai beaucoup apprécié les images de beauté architecturale des palais, des Arabes ou de Judée.

Le silence.
Le vide.
La nature seule après ce portail.

Du beau et du calme.

Ce poème est un pansement.

   Donaldo75   
10/5/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
C’est marrant de centrer ce poème, surtout pour de la poésie en prose. J’ai essayé de percevoir le signe cabalistique derrière ce choix, du genre calligramme mais je n’ai rien vu de tel. Je suppose que l’auteur nous affranchira une fois le concours terminé. Sinon, le voyage est intéressant, bien brossé pour le lecteur qui suit le narrateur dans son périple. C’est intéressant de traiter ce thème de cette manière et j’ai eu du plaisir à suivre ce voyageur. La prose n’en donne pas trop, n’enterre pas le lecteur dans du détail inutile.

C’est reposant.


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