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Poésie en prose
Dolybela : L'homme blanc, l'homme bleu
 Publié le 18/04/19  -  10 commentaires  -  2115 caractères  -  280 lectures    Autres textes du même auteur

Parce qu'il n'y a pas de réponse, parce qu'écouter et observer sont peut-être aujourd'hui la meilleure chose à faire. Peut-être aussi parce que, comme a dit Jean-Pierre Siméon, c'est la poésie qui sauvera le monde.


L'homme blanc, l'homme bleu



Que se passera-t-il demain ? Question essentielle. Aujourd'hui, il faut savoir anticiper. Demain, sans doute les navires pétroliers vont-ils continuer dans leur sillage toxique, et de même défileront toujours les chiffres sur les écrans boursiers de New York, de Londres, de Tokyo, sous les yeux des traders, sans doute les ours polaires vont-ils continuer à transpirer et l'homme bleu, au milieu de son océan d'ocre, fera s'élever dans la stratosphère les douces notes des chants perdus.

C'était quoi un peuple sans populisme ?
C'était quoi une nation sans nationalisme ?
C'était quoi la liberté sans libéralisme ?

L'homme blanc lui ne chante pas. Il a l’œil plus clair que celui du voyant. Il a la voix qui tombe, qui tremble, qui hésite souvent. Il a le discours triste. Il ne sait pas écrire comme il faut, pas bien y faire avec les mots, inventant une autre poésie de violons et d'oiseaux. Il aime bien sa brouette, son arrosoir, ses liserons, son buis, sa vigne et mes questions :

Les satellites peuvent-ils enregistrer les airs de la cithare ?
Quelqu'un aura-t-il encore le courage d'être lyrique ?
Il y a vingt ans, il y avait combien d'hirondelles dans le jardin ?

Ses yeux se taisent et observent la nature. Alors je tends l'oreille pour écouter la réponse de l'homme bleu, l'homme secret. Ses paroles s'envolent, reprises par les oiseaux qui les répandent dans les vents.
Ce monde est grand et plein de murmures frénétiques passant dans des câbles fixés au fond de la mer. Cependant, au cœur du désert, les mots de l'homme bleu sont légers, ils charrient la douceur, se posent sur les paupières closes et dans les encriers. Mais plus personne n'a d'encrier. Mais les yeux sont grands ouverts, rivés sur les écrans blancs. Ou tournés vers un ailleurs trop vaste, occupés à remuer le ciel.

Homme du désert
Homme qui ose mourir de rêve
Souffle encore tes secrets
Des nuits dorées, des jours heureux
Et au crépuscule de notre monde
Ma tête sera pleine de chansons
Et mon cœur de brouettes


 
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   Corto   
23/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voici une poésie qui s'aventure dans un horizon futur en posant des questions essentielles.

On connait bien les mégalopoles et leur fonctionnement; on connait moins l'homme bleu du désert qui "au milieu de son océan d'ocre, fera s'élever dans la stratosphère les douces notes des chants perdus"

Puis entre en scène l'homme blanc qui ne chante pas mais avec "sa brouette, son arrosoir, ses liserons, son buis, sa vigne et mes questions".

C'est l'homme du désert qui peut apporter des réponses:"Homme qui ose mourir de rêve Souffle encore tes secrets ".

Cette poésie mi-prose mi-versifiée nous amène vers des interrogations universelles dont personne n'a la réponse. C'est à la fois rafraîchissant et inquiétant. Il y a de l'angoisse et un peu d'espoir.

Avec l'auteur on veut croire "Ma tête sera pleine de chansons".

Bravo.

   papipoete   
30/3/2019
 a aimé ce texte 
Bien
prose
aujourd'hui vivent sur terre l'homme qui lit la terre et le ciel, et l'homme robot qui appuie sur des boutons et ne voit rien dans les éléments !
l'homme blanc ne pense qu'en graphique malgré son carré de liseron...
l'homme bleu rêve de jours meilleurs
l'auteur écrit dans le désert...
NB réflexion pertinente sur le monde qui avance via internet, pas plus loin qu'un bond de brouette, et l'autre tout en bleu qui interroge les éléments...
L'homme en bleu près de son chameau pense certes, mais il a dans sa main...un smartphone !
papipoète

   Gabrielle   
1/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Beaucoup de questions d'actualité sont posées dans ce texte, questions auxquelles "l'homme bleu"se propose de répondre par la douceur et la poésie.

"Et au crépuscule de notre monde
Ma tête sera pleine de chansons
Et mon cœur de brouettes"

Cette proposition d'envolée (ou appel au lyrisme) comme solution envisageable face à un monde qui semble s'orienter vers sa perdition, témoigne de la capacité du poète, de "l'homme qui ose mourir de rêve" à quitter les chaînes qui le lie à sa triste condition.

Merci à l'auteur(e).

   Queribus   
18/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Votre écrit reflète un questionnement essentiel pour notre époque: qu'allons-nous devenir demain, le tout est exprimé sous une forme originale mêlant versets et écriture plus traditionnelle avec ces questions: c'était quoi...? Les satellites...,, Quelqu'un...? Il y a vingt ans...? Malgré le ton plutôt pessimiste de l'ensemble, on retrouve quand même, sur la fin, quelques notes d'espoir qui nous réconcilient avec demain.

En résumé, un écrit très positif que j'ai lu avec beaucoup de plaisir.

   Vincente   
18/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Agréable lecture dans un style de qualité qui marie un certain lyrisme et une ardeur douce.

Quant au fond, mon ressenti et mon avis sont ambivalents.
Ce qui m'a surtout gêné, c'est une facilité dans l'hypothèse de départ et son champ sensationnel.
Pour la première, j'ai compris que vous partiez du principe que notre monde actuel et encore plus celui de demain sont sur une pente qui mène à nier le regard poète, or je penserais plutôt l'inverse. Pour résumer mon impression, je dirais que la technologie (puisque c'est elle que vous mettez en cause) et les directions sociétales qu'elle induit et favorise (dont celles assez perverses de l'économie et du fiscal), n'est pas en soi un frein à la culture, à l'émerveillement devant la nature, ni même face au grandissement spirituel. Je pourrais même avancer qu'elle peut les favoriser par les "capacités" qu'elle offre à l'individu. La preuve modeste déjà, votre poème, votre chant, et celui qui l'a accueilli ce site Oniris, etc...
Autrefois, les démunis restaient implacablement plus dépouillés qu'aujourd'hui, la "culture" ne profitait qu'à une infime minorité de nantis, les religions happaient des civilisations sans vergogne, etc...
Pour le second, autour de votre image assertive "Mais plus personne n'a d'encrier." vous voulez avaliser le fait que plus personne n'écrit, que plus personne n'a de regard singulier, que la poésie n'est plus...? Alors que pour moi, elle diffère comme de toujours en fonction des époques, des cultures, etc... Et si certains sont plus contemplatifs que d'autres, plus capable de le formuler, par écrit ou oralement, ce n'est nullement dû à l'époque délétère que vous apercevez, mais tout d'abord fonction du talent de chacun.

Mais j'ai beaucoup aimé votre métaphore de l'homme en "bleu", je crois que bien des poètes d'aujourd'hui et de demain seront en quête de lui ressembler. Et j'ai été séduit par l'image " Il a l’œil plus clair que celui du voyant."

Pour moi votre propos est moins dans la question essentielle du début de votre texte que celle-ci : que sera le poète du temps nouveau ?

   Davide   
18/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Dolybela,

Ce poème aborde un sujet d'actualité, cruellement d'actualité, sans tomber ni dans le pathos, ni dans le réquisitoire.

Juste des questions ouvertes, très ouvertes, un constat simple et sans détour, dans un aller-retour subtilement observé entre l'homme blanc (matérialiste et tout et tout...) et l'homme bleu (qui vit en communion avec ce qui l'entoure, dans le désert).

La simplicité de l'expression poétique au service d'une cause qui me tient à cœur - comme j'espère à beaucoup de monde - ne peut que me ravir.
Je suis très touché par ce poème, je le trouve magnifique.

Une autre publication bientôt, j'espère ?

Davide

   TheDreamer   
18/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Choc des cultures. La modernité que l'on appelle progrès face aux traditions ancestrales. Non celles qui enferment, mais celles qui libèrent. Choc des mondes qui s'ignorent. D'un côté, la fuite en avant vers le profit maximum engendrant dans le même temps des destructions toujours plus grandes ; de l'autre, la vie qui va simplement proche de la nature et des êtres.

Merci.

   Anonyme   
19/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Mon avis reste assez mitigé sur ce texte.
Ce parallèle entre les occidentaux et l'homme bleu " au milieu de son océan d'ocre " (belle image) me semble un peu décalé et subjectif.

L'auteur compare la vie de l'homme moderne, esclave du progrès certes, évoluant dans un monde qu'il est en train de détruire, au mythe des touaregs du siècle dernier.
Ne perdons pas de vue que leur façon de vivre elle aussi a évolué. Il sont d'ailleurs de plus en plus sédentarisés et profitent aussi de la modernité.

" Les satellites peuvent-ils enregistrer les airs de la cithare ? "
" Quelqu'un aura-t-il encore le courage d'être lyrique ? "
" L'homme blanc lui ne chante pas."

Ne mélangeons pas les choses.
Bien que l'on soit assez pessimiste sur ce qui se " passera demain ", la poésie est toujours là, le chant est toujours là, l'art quel qu'il soit est toujours là ; ils ne sont pas l'apanage d'un peuple, d'un pays, d'une race mais de l'homme, tant qu'il sera présent...

   jfmoods   
19/4/2019
Le titre du poème ("L'homme blanc, l'homme bleu") fixe la ligne de fracture entre deux conceptions du monde.

La première passe par l'appropriation ("sa brouette, son arrosoir, ses liserons, son buis, sa vigne"), le culte de l'argent ("les écrans boursiers de New York, de Londres, de Tokyo, sous les yeux des traders"), l'aliénation des masses ("populisme", "nationalisme", "libéralisme"). Elle repose sur sur le questionnement stérile ("Les satellites peuvent-ils enregistrer les airs de la cithare ? / Quelqu'un aura-t-il encore le courage d'être lyrique ? / Il y a vingt ans, il y avait combien d'hirondelles dans le jardin ?", "les yeux sont grands ouverts, rivés sur les écrans blancs. Ou tournés vers un ailleurs trop vaste, occupés à remuer le ciel"), sur la boulimie obsédante des échanges ("murmures frénétiques passant dans des câbles fixés au fond de la mer").

La seconde considère la vie de l'homme sur Terre comme un simple passage ("Ses paroles s'envolent, reprises par les oiseaux qui les répandent dans les vents"), comme la perpétuation d'un rite ancien ("l'homme bleu [...] fera s'élever dans la stratosphère les douces notes des chants perdus"), comme un mystère qu'il faut conserver précieusement ("les paupières closes", "Homme du désert / Homme qui ose mourir de rêve") et transmettre par la magie des mots ("dans les encriers").

Les deux derniers vers ("Ma tête sera pleine de chansons / Et mon cœur de brouettes") laissent à penser que le poème est à lire à l'échelle individuelle : l'être humain est travaillé par ces deux aspirations contraires.

Au fil du poème, des procédés appuient efficacement le propos, parmi lesquels...

- le jeu anaphorique ("sans doute" × 2, "vont-ils continuer", "C'était quoi" × 3)
- la rime renvoyant dos à dos les idéologies ("populisme", "nationalisme", "libéralisme")
- le jeu des antithèses ("l'homme bleu [...] fera s'élever dans la stratosphère les douces notes des chants perdus" / "L'homme blanc lui ne chante pas", "les paupières closes" / "les yeux grands ouverts", "dans les encriers. Mais plus personne n'a d'encrier")

Merci pour ce partage !

   FANTIN   
22/6/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un singulier contraste entre l'homme réputé évolué, civilisé, moderne, et l'autre, l'attardé dont la vie et le quotidien s'inscrivent dans l'intemporel. Tandis que les uns, tout en le sachant, continuent de foncer droit dans le mur, les autres vivent à un autre rythme et à contre-courant. Poésie, profondeur humaine et valeurs séculaires se sont réfugiées depuis longtemps auprès de ces derniers qui savent encore vivre en communion avec la nature.
Homme bleu toujours mystérieux, ou homme blanc avec sa brouette remplie de rêves, tous deux, sans prétention, résistent à leur manière à la déshumanisation et sont encore, sans doute à leur insu, artistes et poètes.
Merci pour cette lecture.


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