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Récit poétique
Donaldo75 : Crie-le haut et fort
 Publié le 23/01/25  -  5 commentaires  -  3201 caractères  -  58 lectures    Autres textes du même auteur

Oh yes I got-ta (make it funky)
I got the need to (make it funky)
I want ta say now (make it funky)
Oh yes I got to do it now
(Make it funky)

[James Brown]


Crie-le haut et fort



La musique lancinante rentre dans les milliers de têtes multicolores venues arpenter les rues de la Grosse Pomme. Du jaune orangé, du café au lait, du beige aux allures rosées, toutes les nuances de l’arc-en-ciel dansent sur le macadam brûlant de la Cinquième Avenue.

« Crie-le haut et fort
Vibre de tout ton corps
Transpire cette énergie
Dis-toi que c’est génial ! »

Les faces se tournent toutes en chœur vers la droite puis la gauche et de nouveau vers la droite. Les immeubles alentour semblent suivre cette chorégraphie aux accents de gospel comme si les églises du Mississippi s’étaient invitées au cœur de New York pour célébrer la paix et les fleurs. Les vitrines clignotent sous les feux du soleil. Les mannequins retrouvent le sourire dans leurs habits de lumière. Des formes sculpturales troquent leurs pancartes pleines de chiffres contre des dièses et des bémols, des croches et des rondes sans portée pour les contraindre ou les empêcher de chanter l’amour, le bonheur et la joie. Manhattan ressemble à Woodstock.

« Écoute notre chant
Avale ses paroles
Bois sa puissance
Dis-toi que tu es génial ! »

J’entends les saxophones jouir sous les assauts de la basse électrique. La mélodie glisse le long de mon épine dorsale. Je suis à mon tour une de ces silhouettes dansantes rythmées par des mains sur un piano jazz. La guitare insiste avec ses accords obstinés, une sorcellerie habillée de vaudou. Le bitume laisse place à des dizaines de plantes odorantes. Les orchidées enlacent de leurs tiges luminescentes les feux tricolores. Le sol bruisse de ses enfants lombrics impatients de sortir des tréfonds pour participer à la fiesta ambiante. New York sent l’Amazonie.

« Embrasse notre terre
Fais l’amour avec l’air
Deviens l’eau et le feu
Dis-toi que nous sommes géniaux ! »

Les cuivres reprennent de concert la mesure de ces mots excitants. Je me souviens alors de l’époque où nous rêvions tous sur la formidable artère new-yorkaise. Nous imaginions un futur pacifié et plein de promesses. Un grand homme noir nous emmenait de sa voix chaleureuse vers des lendemains fraternels où toi et moi rimaient avec vous et eux dans les cantons d’ils et d’elles. Une seule humanité sans majuscule ni épithète, juste des centaines de millions de têtes tournées vers la droite, la gauche, le devant, là où le soleil nous emmenait de ses rayons inondant le ciel enfin immaculé. Juarez dansait avec Haïti. Boston embrassait Porto Rico. Le Yellowstone envoyait dans les cieux des panaches bleutés, en souvenir de nos frères sioux, apaches et crows partis beaucoup trop tôt rejoindre les plaines éternelles du Grand Manitou. Ce souvenir me rend joyeux. Pourtant, je sais maintenant que ce temps est révolu. Cette fraternité a brutalement volé en éclats parce que nous avons peur les uns des autres, des idéogrammes et des hiéroglyphes, des sombréros et des turbans, des nouveaux genres et des nouvelles idées. La musique va bientôt prendre fin, avec elle les couleurs, la lumière dorée d’un Manhattan aux vitrines brillantes d’amour et de paix. Je le sais mais j’ai encore envie de rêver.


 
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   BlaseSaintLuc   
8/1/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
C'était moins une que je passe à côté !
Quel texte ! Faut-il connaître new york, le jazz ou james brown pour apprécier ?
Je ne sais pas, moi, je connais un peu des trois.
On retrouve donc dans le texte l'énergie triptyque, algorithmique, alchimique de ces éléments.
Et puis, il y l'air du temps, je veux dire de ce temps-là !
J'ai comme l'impression, que l'on assiste à un retour des empires et avec eux leurs autocrates.
Adieu les rêves en couleurs sur les avenues du monde, ce texte est cruel en cela, il nous remémore un monde qui n'est plus !
Mais il le fait avec un vrai talent.

   Cyrill   
14/1/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Je commence par la fin parce que le dernier paragraphe m'a pris aux tripes et c'est autre chose, ces idées de fraternité, de tolérance, d’humanisme pour le dire clair, que des généralités fussent-elles rangées en beaux alexandrins classiques. Le sujet méritait d’être incarné par des vrais gens, et situé dans de vrais lieux, pour prendre de l’ampleur, et tu l’as fait, ô auteur et citoyen du monde que je n’ai pas de mal à reconnaître. Le continent américain permet de ratisser large et quand on l’aime, ben y’a plus qu’à le dire.
Il y a ici de la passion ni simple ni simpliste dans des passages comme « Boston embrassait Porto-Rico », « New York sent l’Amazonie », and so on.
De la belle poésie de conviction dans d'autres passages : « Le Yellowstone envoyait dans les cieux des panaches bleutés, en souvenir de nos frères Sioux, Apache et Crow partis beaucoup trop tôt rejoindre les plaines éternelles du Grand Manitou. » = j'en pleurerais ! Cette prosopopée des peuples et de la nature force à la fois l’enthousiasme et la mélancolie. C’est le temps long, c’est à dire l’Histoire, qui est convoqué ici.
Et c'est tout un territoire, bien au delà de la Grosse Pomme, qui est érigé dans le texte en Homme-Orchestre et artiste-peintre qui peint de ses lumières la diversité fraternelle dans un tableau psychédélique.
La charge de l'espoir brisé, de la « fraternité … brutalement volé en éclats... », en est d'autant plus forte.
« … parce que nous avons peur les uns des autres... » : certes pas le passage le moins prosaïque mais quand un luxe de signifiés vient s’y associer « … des idéogrammes et des hiéroglyphes, des sombreros et des turbans, des nouveaux genres et des nouvelles idées », ça parle au lecteur pétri de convictions que je suis.
Je ne suis pas fan des paroles en anglais traduites dans la langue de chez nous, je les aurais préférées en VO. Mais nous sommes sur un site francophone et puis finalement, elles font sens dans l’équilibre poétique du récit.
Merci pour le partage, et ce mot prend ici tout son sens.

   Ornicar   
14/1/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
C'est une totale réussite et c'est inspiré.
A la lecture, on se sent emporté par ce flot et cette musique porteurs de rêves et d'espoirs. Sur le plan "historique", ça brasse large en de saisissants raccourcis : des amérindiens à la figure de M.L.K. Cette prose survitaminée est un bel hymne au métissage, à la tolérance, à la paix. Avec l'énergie d'un jazz, musique du métissage et de l'emprunt par excellence, mais dopé à la soul, au drum' n bass, au funk à tout ce qu'il trouve en chemin. Un texte qui donne la pêche, une furieuse envie de danser et d'y croire encore malgré tout. Malgré la fin qui nous rappelle malheureusement que "l'époque" a changé.

   Corto   
23/1/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Ce très beau texte soulève mon enthousiasme. Comme on en a rêvé de cette Amérique, comme on y a vibré en gommant par avance tout ce qui pouvait nous appeler à la prudence. Comme on s'y est plongé pour de vrai ou pour de loin, mélangeant allègrement Woodstock et l'amour, les Sioux et le plaisir des grands espaces, la Californie et l’avenir de l’homme.
On a rêvé comme auprès du grand frère qui revient après son tour du monde et nous raconte tout ce qui fait rêver.
Bravo donc même si la cassure née de ce "Pourtant..." fait souffrir, rappelle tous les mauvais souvenirs qu'on aurait voulu oublier.
L'Amérique était-elle un jouet ou un mirage? Dur de revenir au réel.

   Provencao   
23/1/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Donaldo75 et douce et belle année,

" La musique va bientôt prendre fin, avec elle les couleurs, la lumière dorée d’un Manhattan aux vitrines brillantes d’amour et de paix. Je le sais mais j’ai encore envie de rêver."

Mon préféré. Il y a en ces jolis mots un désir en pénombre qui demeure et aimante le coeur et qu'il faut savoir gré à Donaldo75 de coopérer à réconforter en nous et entre-nous.

Au plaisir de vous lire
Cordialement


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