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Poésie contemporaine
Edgard : Éva
 Publié le 05/05/14  -  8 commentaires  -  1840 caractères  -  188 lectures    Autres textes du même auteur

"Si j'étais Dieu, je recommencerais tout, sauf… la femme."
René Barjavel


Éva



Comme l’immensité
Avait bien pris son temps !
Si noirs étaient ces vents
De la nécessité,
De froid, de feux errants,
Ivres, sans souvenir,
Ordalie ni délire,
Si longs de cécité !

Est-ce ainsi, du hasard,
Sous les bleues frondaisons,
Qu’est née cette saison,
Sans but et sans départ ?
Émue, pensant des choses
Sans importance, Éva
Dans l’aube est étendue,
Parfum de seringat,
Songe, liberté nue,
Humble prodige, elle ose
Savourer l’immobile,
Diffus dans l’inutile.

L’effleurement d’échos
Confus la ravissait.
Goûter l’immensité
Au faîte des rameaux !
La valse, lentement,
Des galaxies allant,
Difficile et muette,
Lui faisait une fête ;
Elle les croyait sages
Et son désir est né :
Une orchidée sauvage
Au milieu d’un été.

Les comètes fleurirent,
Tout à l’orée du temps,
Des éclats de saphir ;
Vint le frêle vivant,
Abeilles, troubadours
Et frissons des amours,
De la rondeur des pommes…
L’attente est un ruisseau
Et l’attente est si bonne
Qu’Éva la douce clôt,
Sur son imaginaire,
Un instant, ses paupières.

La vie a mis du rouge
Cerise à son sourire ;
Ni la feuille ni l’aronde,
Nul ne bruisse ou ne bouge ;
Elle tisse en la ronde
Des bribes d’avenir.
Éva est ce jardin
Qu’effleurent, en ce matin,
Les dernières étoiles ;
Ce sont de grands navires
Ignorant son destin,
De lents élans de voiles.

Éva goûte le vent
Qui effleure son sein,
Plisse un reflet dans l’onde.
Comme elle a pris son temps,
L’immensité ! Pourtant,
Éva invente et tient
Dans le clair de sa main
La musique du monde.


 
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   Anonyme   
19/4/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Pour les lecteurs aussi incultes que moi, d'abord cette définition Wikipedia : "L'ordalie consiste à faire passer à l'accusé une épreuve physique décidant de son sort. L'accusé était revêtu d'habits religieux pour se soumettre au « jugement de Dieu », l'épreuve se déroulant sous le regard de la divinité tutélaire de la justice, qui va sauver l'innocent et empêcher l'injustice. Le duel judiciaire est une ordalie bilatérale.

Appelant directement à la divinité, ce mode de preuve peut cependant être orienté discrètement par les juges, qui décident du type d'ordalie qui s'applique, plus ou moins risquée, et des circonstances de son exécution.

Le procédé est attesté dès les premiers temps historiques, dans le code d'Hammourabi. Il est très courant lors de la période franque du Moyen Âge européen, au côté du serment, l'écrit s'effaçant lors de la chute de l'Empire romain.

L'ordalie est apparentée à d'autres rituels consistant en une prise de risques arbitrée par le destin : exposition de nouveau-nés, combats singuliers opposant des champions pour décider d'une bataille, etc."

Bon. Je pense que je me serais très bien passé de cette première strophe qui n'apporte pas grand-chose au poème. (Au passage "noir" devrait prendre un S.)

Mais après cela, oui, cette évocation d'Eve m'a beaucoup plu malgré un style un peu suranné et une imagerie qui parfois perd de sa cohérence (comparer un jardin qu'effleurent des étoiles -oui belle image- à de grands navires ignorant son destin, cela me "perd", brise le flux d'images qui surgissent, me fait changer de registre et casse un peu le plaisir).

La femme crée le monde dans la toute puissance de sa douceur dit l'auteur dans ce passage que je trouve très réussi :
Abeilles, troubadours
Et frissons des amours,
De la rondeur des pommes…
L’attente est un ruisseau
Et l’attente est si bonne
Qu’Eva la douce clôt,
Sur son imaginaire,
Un instant, ses paupières.

Vous nous (re)faites aimer les femmes dans ce qu'elles nous apportent, la vie.
Pour les chagrins, on en reparle déjà souvent ailleurs, merci de nous avoir épargné toute allusion à cela.

Cordialement

   Lulu   
27/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un bel hymne à la poésie... personnifiée, ai-je pensé, en Eva. On peut se la représenter dans les origines du monde avec une lyre en mains...
J'aime assez ce poème qui interroge tant la matière que l'humanité. L'ensemble est très fluide, ce qu'on ne rencontre pas toujours dans la poésie contemporaine. C'est donc un plus. Enfin, j'aime particulièrement la première strophe. Il donne admirablement bien le ton à la suite.

   leni   
5/5/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Edgard
Il n'est pas utile de recommencer Eve Et le début du temps reste dans
nos imaginaires Le début de ce poème évoque le hasard Pourquoi pas?
Mais très vite nous sommes emportés dans un tourbillon d'images sonores qui flirtent à déraison

Et son désir est né :
Une orchidée sauvage
Au milieu d’un été.

La vie a mis du rouge
Cerise à son sourire ;

Et le finale qui est pure beauté!!
Il est difficile de commenter la beauté Elle se perçoit

Superbe Merci Leni

   Anonyme   
5/5/2014
Salut Edgard

Un peu dérouté au premier abord par la brièveté des vers et la longueur (toute relative) du poème, j'ai franchi le cap de la première strophe, un peu aride, pour savourer cet hymne à la première femme, allégorie de l'Eros, la pulsion de vie.

"La vie a mis du rouge
Cerise à son sourire ;
Ni la feuille ni l’aronde,
Nul ne bruisse ou ne bouge ;
Elle tisse en la ronde
Des bribes d’avenir.
Éva est ce jardin
Qu’effleurent, en ce matin,
Les dernières étoiles"

Le texte coule comme un ruisseau, les images sont sensuelles à souhait.
J'ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture qui va dans le sens de ma philosophie.

Merci Edgard et bravo

   Anonyme   
6/5/2014
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Je vous avoue que l'extrême brièveté des vers m'a franchement perturbée. Je trouve que ça gâche l'émotion à force d'être coupée de manière aussi aléatoire. Comme ce passage:

"Émue, pensant des choses
Sans importance, Éva
Dans l’aube est étendue,"

Que signifie ces incessants retour à la ligne?
Si au moins cela exprimé la nuance d'un phrasé, un souffle, une respiration, une pause, un soupir, un silence... parce que personnellement je n'ai ressenti aucune de ses émotions muettes.

Sinon la vie d'Eva c'est grâce et volupté; l'esprit et le corps en fusion avec les éléments, la nature qui lui procurent une douce sensation de bien-être. Malheureusement j'en ai très peu profité de cette sensation, trop brève, trop de retour à la ligne.

   Lotier   
6/5/2014
Bonsoir Edgar,

Votre poème m'a touché par la dilatation de l'espace qu'il engendre, à travers le personnage Éva, qui, par certains aspects (l'absence d'Adam, déjà), fait penser davantage à Lilith qu'à Ève.

Vos mots distillent la Genèse avec beaucoup de délicatesse, à laquelle contribuent la forme et la métrique. Ce poème a un souffle d'enchantement.

Il m'évoque irrésistiblement « Le voyage à Vénus » (« Perelandra ») de Clive Staples Lewis, le deuxième tome de la « Trilogie cosmique ».

Une belle réussite ! Merci pour ce moment de grâce !

À vous lire,

Lotier

   Myndie   
7/5/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Edgard

moi qui ne suis pas une spécialiste de l'aventure biblique, j'ai pourtant cru percevoir moi aussi quelques bribes de ces choses sues jadis et enfouies dans ma mémoire primitive :D
C'est un très beau poème qui nous emmène bien loin, dans un jardin extraordinaire.
La construction, les images poétiques ont tant de qualités, notamment musicales, qu'elle rendent la lecture suggestive.
Je dois avouer qu'à un certain moment (2ème strophe), m'est apparu, bien que hors sujet, le tableau "Olympe" de Manet.
Que dire d'autre qui n'ait déjà été dit - et votre texte mérite les éloges formulés -
Chaque strophe est un tableau à elle seule. Je pourrais tout citer mais voilà qui me charme en particulier :
Éva goûte le vent
Qui effleure son sein,
Plisse un reflet dans l’onde.
Comme elle a pris son temps,
L’immensité ! Pourtant,
Éva invente et tient
Dans le clair de sa main
La musique du monde.

C'est un vrai plaisir, merci pour cette belle lecture Edgard

   Anonyme   
24/9/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
C'est le plus joli poeme qu'il m'ait ete donne de lire ici jusqu'a present. les derniers vers sont un hymne a la beaute feminine.


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