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Chansons et Slams
Edgard : Il y a du sang, il y a du sang
 Publié le 01/02/14  -  15 commentaires  -  4968 caractères  -  153 lectures    Autres textes du même auteur

Slam, dans le sens originel du concept : claquer quatre minutes de notre monde. Je ne veux qu’exprimer l’effarement, gifler le silence.


Il y a du sang, il y a du sang



Ils sont venus de la savane
Crever les portes des cabanes,
Ils ont frappé, coupé des gens,
Il y a du sang il y a du sang,
Eux ils criaient, eux ils priaient,
Eux ils frappaient, ils égorgeaient,
Eux ils couraient vers la forêt,
Il y a du sang il y a du sang,
Ils ont éventré les enfants,
La bête immonde ? pas au courant ;
L’impossible dégoulinant ;
Putains de rêves de diamants,
Il y a du sang il y a du sang.

Ils ont foutu l’feu à l’école
Où ils ne sont jamais allés,
Brûlez, derniers lambeaux d’espoir,
Derniers haillons du beau savoir,
L’humain pourrit sous le licol.
Quelques godasses abandonnées,
Comme les leurs, éculées,
Il y a du sang, il y a du sang,
Des Oradour sous les tropiques,
Comme ces petits bouts d’Afrique,
Que l’on crachait sur l’Atlantique.
Pour pas vomir ils s’encouragent,
Des chiens leur ont donné la rage,
Tous ces gosses, ils avaient leur âge,
Couverts de sang, ouverts de sang.

Petits, ils n’étaient pas barbares,
Avec leur ballon de chiffons,
Ils jouaient au foot sur le trottoir.
Âmes crevant sous le bâillon,
Un peu plus grands on leur a dit,
Que les mauvais étaient ici ;
Alors ta gueule prends ce fusil,
Tu vivras si tu fais c’qu’on t’dit,
Une seule balle si tu réfléchis,
Putain de peur au fond des nuits,
Rampant dans les odeurs d’essence,
Perdue dans le désert immense,
Putains de rêves de paradis,
Hardes de prêcheurs abrutis,
Il ne faut pas chercher le sens ;
Putains de dictateurs pourris,
Il y a du sang il y a du sang.

Y avait Jaco, le plus petit,
Qu’avait les cheveux jaunes et gris,
Parce qu’y avait pas assez de riz,
Qu’aimait dessiner des avions,
Avec sa craie sur le perron,
Ils lui ont arraché les yeux,
Le chef a dit comme ça c’est mieux,
Il y a plus rien à regarder.
Le monde ? On n’est pas concerné ;
Ce coq qui s’est mis à chanter…
Avant les filles dansaient en rond ;
Putains de marchands de canons,
Il y a du sang il y a du sang.

Ils devaient pas penser comme eux,
Ils avaient tous peut-être un dieu,
Qui n’aimait pas le sang, le sang,
Et qui brûle avec les vieux pneus ;
Il n’y a plus rien à penser,
Terreur de gosses décervelés,
Putain de coke à renifler,
Peut-être qu’il est là ton frère,
Peut-être qu’il est là ton père.
Sous les banians, quelques chiens errent,
Avec leur marche de travers,
Y a plus personne pour les chasser,
Peut-être, elle est là, ta maman,
Putain de rêve d’uranium,
Faut-il désespérer des hommes ?
Il y a du sang il y a du sang.

Et qui prier après tout ça ?
Et prier pour demander quoi ?
Il y a du sang il y a du sang,
Ça disait plus jamais, pourtant ;
Et ce sang rouge qui devient noir,
Sur les chemises, dans le couloir…
Y avait Ermine, ils l’ont violée,
Elle était belle, elle a crié,
Toute menue et déchirée,
Il faisait chaud, ils l’ont tuée,
Ils n’ont pas regardé ses yeux,
Elle a hurlé, ils ont hurlé,
Elle tenait son petit marché
Des beaux rubans pour les cheveux.
Putains de cannibales masqués,
Panier de crabes financiers,
Il y a du sang il y a du sang.

On n’entend plus rien c’est midi,
Même les oiseaux se sont enfuis,
Y avait le vieil Edmond, si sage,
Assis sous l’arbre qu’avait pas d’âge,
Et qui lui ressemblait un peu,
Il y a son sang sur ses pieds nus,
Sur la poussière, sous le ciel cru ;
Il savait tout de leur passé,
Ils l’ont frappé ils l’ont tué,
Ils ont tué toutes ses histoires
Qui sont aussi notre mémoire,
Putains de rêves de pouvoir.
Il y a du sang il y a du sang…

Le soleil cogne droit sur eux,
La fumée peine vers les cieux,
Y a plus rien qui respire là,
Il n’y a plus rien à espérer,
Et le parfum des acacias
A foutu l’camp dans l’âcre odeur
De la fumée des corps brûlés,
Les flammes noires lèchent les tôles,
Y a plus l’humain il est en pleurs,
La barbarie s’en est chargée.
Le monde ? On peut pas regarder.
Il y a du sang dans le fossé ;
Putain de rêve de pétrole,
Putain de rêve de billets,
Il y a du sang il y a du sang.

Sur les pick-up y sont r’partis
Avec leurs kalachs fumantes
Comme des pantins vert-de-gris
Ils ont tiré sur les cabanes
Et les machettes étaient gluantes,
Ils ont foncé vers la savane,
Il y a du sang il y a du sang,
La piste va vers le néant,
Et la poussière les a cachés,
Rouge poussière à dégueuler,
Et le sang s’est mis à sécher,
Putain d’histoire recommencée,
Et le sang s’est mis à sécher.
Putain d’histoire recommencée.


 
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   Robot   
13/1/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Terrible et expressif, ce slam très descriptif manque peut-être d'un regard plus apitoyé car ainsi il donne l'impression d'une inexorable fatalité, comme si le destin de l'Afrique était de vivre indéfiniment cette damnation. L'horreur est superbement montré...

   leni   
1/2/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Oradour sous les tropiques Putains de dictateurs pourris Faut-il désespérer de l'homme?Putain d'histoire recommencée Et le film s'est déroulé sous nos yeux Rien à ajouter Rien Le silence de la réflexion avant de gueuler BASTA BASTA
Salut à vous Leni

   Pimpette   
1/2/2014
Tellement fort, cruel et efficace que je n'ai guère de mots pour traduire mon horreur à la lecture...
Notreauteur est un vrai poète riche de tout... de mots, d'images, de sensations de rythme....on est basculé cul par dessus tête

je suis incapable de noter, c'est trop loin de moi...
Mais j'admire...

   senglar   
1/2/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Edgard,


Il y a la RAGE, de la RAGE en escalade dans ce slam. Un crash en ricochet sur la savane, des pluies de sang sur la latérite.

J'ai envie de dire : Et tout ça pour des dieux d'importation, vieux de deux ou trois... ou quatre siècles. Putain de bimonothéos ! Tous LE même ! Vive l'animisme Bons Dieux ! Le retour aux sources. Dieu et le diable au milieu, les missionnaires et les prophètes au bûcher.

Bien sûr il n'y a pas que ça...

Mais ça serait déjà un bon début.

brabant

   Anonyme   
2/2/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Particulièrement fort ce slam, il est difficile après cette lecture de chercher le ou les détails qui seraient moins en phase avec l'ensemble.
Le leitmotiv est très percutant, mettant en parallèle ce déchaînement de cruauté avec la soif toute aussi dévastatrice de pouvoir.
L'auteur nous propose par moment une description assez terrible et insoutenable, mais ce sont (aussi) des images que l'on peut voir dans les médias.
J'ai beaucoup apprécié.

   Anonyme   
2/2/2014
Salut Edgard

J'ai d'abord lu votre poème comme un texte "normal" et j'ai été impressionné.
Je l'ai relu en le scandant comme un slam et j'ai été carrément époustouflé par son exceptionnelle vigueur.

Je cherche en vain les mots pour essayer de pondre un commentaire qui soit au niveau de ce que j'ai ressenti.
J'y renonce et vais plutôt relire à nouveau votre superbe slam.

   Marite   
2/2/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément
Certaines actualités sordides et sanglantes revisitées par un poète ... un slameur ... l'impact est autrement plus fort que les mots et les quelques images filtrées sur les ondes radio ou télévisuelles.

Réalités ... rien que les réalités qui bousculent. Les mots de ce slam, déroulent sous nos yeux des images insoutenables.

J'aimerais entendre ce slam ... Edgard, avez-vous le projet de "dire" ce slam avec un fond musical approprié ? Peut-être que, parmi les Oniriens, quelqu'un pourrait le réaliser ?

"Les chiens ..." et je me demande : où sont cachés les vrais maîtres de ces chiens déboussolés ? Personne n'a peut-être envie de le savoir.

   melancolique   
2/2/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Edgard,

J'ai lu ce texte à haute voix plusieurs fois, et à chaque fois les mêmes frissons. C'est très fort, et malgré sa longueur , il réussi à garder la même qualité des images et le même rythme poignant.

Plusieurs passages ont retenu mon attention, j'en cite:
"Putains de rêves de diamants,
Il y a du sang il y a du sang."

"Petits, ils n’étaient pas barbares,
Avec leur ballon de chiffons,"

"Ils avaient tous peut-être un dieu,
Qui n’aimait pas le sang, le sang,
Et qui brûle avec les vieux pneus ;"

Et surtout:
"Ils lui ont arraché les yeux,
Le chef a dit comme ça c’est mieux,
Il y a plus rien à regarder."

La fin aussi est très réussie:
"Et le sang s’est mis à sécher.
Putain d’histoire recommencée."

C'est vraiment un texte d'une grande force évocatrice.

Merci et au plaisir de vous relire.

   Anonyme   
3/2/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
" Il y a du sang il y a du sang"

cette phrase sonne comme une terreur, c'est un hurlement.
un poème prenant, brut, bien rythmé, et que dire de plus, happée dès la 1ère ligne, l'émotion est là.

   Anonyme   
3/4/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément
Un texte qui massacre. Et ce "sang" asséné comme des coups de machette. "couverts de sang, ouverts de sang".
Ce "ils", impersonnel et si précis.
Pouvoir, canons, uranium, pétrole, billets : avidité !
Et cette gangrène de la stupidité de ceux qui se laissent embobiner et qui déclenche l'horreur.

On a envie de dire "mon dieu, quelle humanité !" Et on se dit que dans cette remarque il y a deux mots qui n'ont pas de sens.

Texte terrible. Et qu'écrire sur le pardon ? Comment l'envisager ?

   Anonyme   
28/7/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Edgard

Que pourrai-je bien vous répondre ? Que puis-je vous dire ? Rien ne me vient sinon que je voudrais bien qu'il en soit autrement.
Ce slam me laisse désolée et sans mots. Rien ne sert à rien, même pas ces mots. Dire, décrire, cracher, se soulager oui. Et puis après ?

   Jema   
5/6/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Quand l'actualité ce reflète dans vos mots et dans vos maux. Quand le "ILS" suffit à savoir qui est qui. Un texte qui prend les tripes, malgré la longueur, jamais il ne s'essouffle, ce posant en témoin de la barbarie et de la bêtise humaine. Bravo.

   Anonyme   
9/5/2016
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
D'ordinaire les textes longs me barbent prodigieusement, mais là, on lit, on devient silencieux et on écoute vos mots, poser ce "il y a du sang, il y a du sang", des images vues dans des reportages, me reviennent, mais aussi des témoignages, collent à vos mots poignants, on reste pétrifié, il faut écrire la barbarie pour ne pas laisser ceux qui l'ont vécue, tomber dans l'oubli, ou l'ignorance de tels actes perpétrés.

   Raoul   
29/1/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Je reste coi,
scotché et emporté par ce flot de paroles scandées terrifiantes de réalisme, d'impuissance, de rage, de dégoût, de honte et ce, sans la moindre condescendance.
En moi, qui viens de terminer la lecture de Allah n'est pas obligé d'A. Kourouma, ça résonne terriblement.
C'est un texte très, très très fort (le terme "beau" ne me semble pas très approprié, pourtant il l'est " beau") à lire absolument.
Bravo et merci Edgard !

[Merci aussi à Marie-Ange de l'avoir retrouvé…]

   Francis   
28/1/2016
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'ai été très sensible à ces mots, à ces images qui défilent. Votre texte renferme une puissance au diapason de la violence, de la barbarie qu'il dénonce. Par mes activités, je sais (malheureusement) qu'il colle à la dure réalité de certaines régions du monde. La plume a traduit ce cri que j'ai envie de pousser à chaque fois que la barbarie frappe l'humanité.
Merci


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