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Poésie contemporaine
embellie : La rue
 Publié le 30/01/22  -  9 commentaires  -  1112 caractères  -  145 lectures    Autres textes du même auteur

Quand il fait très froid, comment ne pas penser à celles et ceux qui n'ont d'autre possibilité que de vivre dehors ?


La rue



La ville, nimbée de brouillard
regarde tanguer ses trottoirs.
Près des passants qui se bousculent
des formes grises déambulent
en dérivant sur le pavé.
Quel naufrage vient d'arriver ?

Thémis en habit de hasard
a fait son tri sur le boul'vard :
les uns bien à l'abri du froid,
d'autres en bas le cœur en croix,
traînant leur inutilité
et tous leurs rêves avortés.

De la malchance au désespoir
la déchéance a pleins pouvoirs.
Honteux de soi et de sa crasse,
cloué par des regards de glace,
toucher le point de non-retour,
vivre sa mort, jour après jour…

V'là l'ciel qui prend son éteignoir,
la rue glacée pour tout dortoir.
Trouver un gîte pour la bête,
ne pas trop se prendre la tête
à savoir que sera demain,
on verra bien, on verra bien !

La faute à qui ? J'veux pas savoir !
Sous les étoiles tout est noir.
L'ami Prévert tu n'es pas mort,
il claque de plus en plus fort
ton bruit de l'œuf au p'tit matin
cassé sur le comptoir d'étain…


 
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   Gemini   
23/1/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Le sujet est courant. Son traitement en six sizains d'octos l'est moins avec, au milieu des clichés obligatoires : "les uns bien à l'abri du froid", "la malchance au désespoir", "la rue glacée pour tout dortoir.".. d'excellentes images : "en dérivant... Quel naufrage vient d'arriver ?" "le coeur en croix", "vivre sa mort jour après jour".

Malgré les "regards de glace", je trouve aussi intéressant de ne pas avoir écorché la mauvaise conscience du lecteur avec ce simple vers : "La faute à qui ? J'veux pas savoir". La référence finale à Prévert, qui se marie bien au langage familier de Thémis (pourquoi ce prénom ?), suggère seulement une prise de conscience.

Mis à part la première, pour l'oreille seulement, les rimes sont bonnes, parfaitement dans le sens.

Un sujet est abordé sans misérabilisme (excellent "habit de hasard"), évoquant juste le quotidien d’un de ces SDF qui, faisant partie du décor, finissent par être oubliés.

Dose de rappel reçue.

   Cyrill   
24/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J’ai bien aimé la façon chantante des octosyllabes alliée à l’élision de quelques voyelles, façon parler.
Le ton semble léger a contrario du thème.
Des métaphores évocatrices et souvent originales pour un sujet hélas toujours d’actualité.

Merci du partage.

   Marite   
30/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Si réaliste cette poésie contemporaine. Sans complication dans l'expression nous avons sous les yeux le spectacle d'une rue de ville en hiver avec la disparité de situation des habitants : ceux qui rejoignent leur abri pour être bien au chaud et ceux qui doivent se contenter du pavé. Le hasard ... le destin ... la malchance ... a fait le tri, comment savoir ? Serait-ce la justice divine incarnée par Thémis ? Une façon comme une autre de dédouaner les humains de leurs responsabilités dans le fonctionnement de la société ? La question est posée dans la dernière strophe : "La faute à qui ? J'veux pas savoir !" Le rythme des vers et les rimes participent à la facilité de la lecture et de la compréhension du thème.

   papipoete   
30/1/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
bonjour embellie
La rue, scène où tous les acteurs avancent sans se regarder, redressent chapeaux et costards, mini-jupes et tailleurs chic, quand zigzaguent parmi eux, la faune de ceux qui n'ont rien... même pas ce sourire qui caresse le coeur ! Ils vont à la recherche d'un porche, d'un endroit sec où refaire avant de dormir, entre eux, le monde...
NB vivre à la campagne nous épargne ces visions, que les citadins trouvent à chaque coin de rue ; et même dans la petite ville proche, peu de pauvre hère...mais nous savons leur existence, connaissons ces amis de l'abbé Pierre qui vivent dans la rue...
Cette vie habituelle des grandes cités, est ici bien narrée, bien imagée comme dans la seconde strophe !

   hersen   
30/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Un thème qui est souvent traité, celui de ceux qui vivent dans la rue.

les dieux, ou plutôt la déesse Justice, affublée de hasard, a décidé. La faute à qui ? J'veux pas savoir !
Et pour celui ou celle qui bascule dans l'autre monde, celui de la rue pour maison, "trouver un gîte pour la bête", voilà bien ce à quoi il, elle est réduit(e) : se terrer dans les anfractuosités pour cacher la monstruosité de leur conditions.

Un poème qui ne changera rien. Mais est-ce pour autant qu'il ne faudrait pas rappeler ce phénomène qui tend à grossir ?

j'aime cette façon d'aborder le sujet, l'écriture est fort maîtrisée.

Merci de cette lecture !

   Miguel   
31/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une évocation poignante avec des mots simples, et qui sont d'autant plus percutants. Ces octosyllabes à la fois tristes et chantants, (une élégie, un requiem sont aussi des chants) avec leurs élisions qui leur donnent un petit côté populaire bien en harmonie avec le thème, sont à la fois une dénonciation des injustices sociales et un hommage aux malchanceux (les méprisants les appellent des "losers". Mais ici, on nous rappelle qu'ils sont nos frères.) Cela me fait penser aux poèmes de Jehan Rictus. La référence à Prévert est bienvenue en conclusion.

   Ioledane   
30/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
C'est toute une atmosphère qui est ainsi dépeinte, par petites touches, en simplicité mais avec des images très bien trouvées.
Au début les apostrophes au milieu des mots m'ont gênée, je trouvais que cela 'forçait' un peu trop les octosyllabes, préférant les 'entendre' à ma façon ; mais finalement à la relecture, ce n'est pas si mal, cela s'accorde bien avec le thème.
Mes passages préférés :
"La ville, nimbée de brouillard
regarde tanguer ses trottoirs"
"traînant leur inutilité
et tous leurs rêves avortés"
J'ai moins aimé la "crasse", trop directe par rapport au reste plus subtil, et "à savoir que sera demain" qui me paraît maladroit.
Un beau texte néanmoins, merci pour ce partage.

   Anonyme   
30/1/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Embellie,

Lu à haute voix se dégage une atmosphère où "des ombres grises déambulent... ''.

Il y a quelque chose qui m'englue dans cette ambiance. Est-ce le désespoir ? Le manque de pouvoir ? Ou bien encore cette mauvaise conscience devant ce voyeurisme qui s'apitoie les fesses calées bien au chaud ?...

Certainement un peu de tout cela à la fois. Et je trouve cette scène du désespoir des mal nantis, particulièrement bien rendue par le rythme que vous imposez à vos mots.

''La ville, nimbée de brouillard
regarde tanguer ses trottoirs.
..."

Merci pour le partage.


Cat

   Mintaka   
1/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un sujet délicat traité avec délicatesse. Point d'explication (qui se révèle souvent vareuse), point de culpabilité (inutile et destructrice) et beaucoup d'empathie, si utile et bienfaisante.
Les vers coulent, simplement, agréablement, humainement comme le sont ces hommes et ces femmes qui cherchent dans leur propre désespoir un peu de d'espoir chez l'autre et des raisons d'espérer d'eux mêmes.
Un poème qui sait aller vers l'autre, tout doucement sans faire de bruit, respectueusement sans faire autre chose d'eux que ce qu'ils sont..des femmes et des hommes tout simplement.
Merci pour cet échange


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