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Poésie en prose
Eskisse : Analgésie
 Publié le 09/10/22  -  13 commentaires  -  1062 caractères  -  236 lectures    Autres textes du même auteur

But she closed herself up like a fan
And she said, "I've swallowed a secret burning thread
It cuts me inside, and often I've bled"
Suzanne Vega, The queen and the soldier


Analgésie



Elle ne voit pas la pâleur de sa peau quand les orchestres ne jouent plus.
Elle oublie d’avoir mal dans le sillage des phrases assassines assénées à sa face. Elle efface, d’un coup d’esprit, les glaives escortés des plus hauts agresseurs.

Dans les stries du silence, elle s’éloigne de son corps comme d’un rivage indifférent.
Et elle sait bâtir des portes blanches au-delà des étaux, souffler des parois de bulles entre ses cheveux tressés et les rides grimaçantes des mots.
C’est là toute son armure.

Elle combat ce qu’elle peut avec ses pauvres ailes de phalène. Éventails repliés sur sa nuit.

Peut-être qu’elle n’est pas plus lourde que son ombre, que les dalles de sa vie sont irrégulières, que le joyau à son front ne ternit que par intermittences.

Peut-être que la douleur, un jour, éclora dans les linéaments de la lucidité, que la colère grondera le long des ganses impartiales de ses yeux et que l’infini se posera enfin sur les digues bleues de son nom.

Alors, elle écrira sa danse.


 
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   Anonyme   
28/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

j'ai bien aimé !

Déjà, le titre, Suzanne Vega...

Out in the distance her order was heard
And the soldier was killed, still waiting for her word
And while the queen went on strangeling in the solitude she preferred
The battle continued on

J'ai apprécié le ton, les phrases en salves courtes, puis longues, puis courtes.

J'ai aimé les champs lexicaux, les images, la simplicité poétique et évocatrice des mots.

Bref, merci pour ce partage, au plaisir de vous relire.
Ananas, en EL

   Donaldo75   
3/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J’aime bien l’exergue tiré d’une superbe chanson de Suzanne Vega (et ça, c’est déjà bon signe, hein, comparé à du Maurice Chevalier ou pire, du Julien Doré). Ensuite, vu que souvent je souligne que la poésie en prose ce n’est pas le genre le plus aisé à réussir, je ne boude pas mon plaisir de lecture dans le cas présent et au-delà comme d’aucuns disent dans « Toy Story ». Les images sont bien amenées – j’ai un petit crush sur les ailes de phalène, avouons-le – et elles ne respirent pas le « je veux faire genre, voyez comme je suis poète – que je lis par monts et par vaux sur les cimes oniriennes. Non, cette poésie est subtile. Elle jauge bien les mots, ne pèse pas trop quand il le faut mais ne s’échappe pas en gaz là où elle pourrait raréfier son impact. Je ne dis pas que c’est clair – ah, ces poètes ! – parce que parfois il faut s’accrocher mais n’est-ce pas là que la poésie prend de la valeur, sa capacité à nous obliger – nous pauvres lecteurs recentrés – à dépasser le cadre des mots, à passer outre la signification première de ce qu’on lit – et encore, qui est ce « on » dirait une de mes petites camarades – et à interpréter le message de l’auteur même si en espace lecture l’anonymat reste de rigueur et que de toutes manières ça ne servirait pas à grand-chose vu que les oniriennes et les oniriens ne se rencontrent que rarement dans la vraie vie, celle où les papillons se font boulotter par les araignées. Et oui, je vous le dis comme je le pense, permettez-moi de vous le dire, c’est de la belle poésie même que j’en ai les larmes aux yeux et que je ne verrai plus les phalènes de la même façon – il va quand même falloir enlever tous les appareils anti-insectes qui parsèment mon humble demeure – dorénavant.

Merci pour le partage.

   Cyrill   
3/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une poésie très envoûtante. On ne saura pas grand chose d'elle mais on saura l'essentiel, ce qui parle à l'âme des poètes que paraît-il nous sommes.
Ne pesant rien, puisque les concepts ne sont pas concrets, car je me suis plu à penser, en première lecture, que c'est l'analgésie qui est personnifiée.
Ce n'est peut-être pas ainsi que vous avez envisagé ce texte, je le lis de cette façon. Mais aussi bien ce pourrait être une personne analgésiée par les agressions, insensibilisée.
De très belles métaphores, qui coulent et font du bien, je trouve.
Merci pour le partage.

   Anonyme   
9/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Re-bonjour dame poétesse

Que voilà une bien belle prose poétique chryséléphantine guillochée d’ivoire et d’or comme un somptueux présent offert à mes humbles pieds de plébéienne. Je suis comme la quatrième reine mage, rachitique et repentante, devant l’enfant divin né des souhaits périphériques d’un vagabond céleste à la lyre hypophrygienne, comme la vestale blême en gésine qui se reconnait devant quelques fragrances échappées du baume narcotique et bienfaisant sorti d’un lécythe d’Argolide, comme la coque de noix innocente ballottée au gré d’une mer céruléenne que berce les soupirs langoureux de quelques léviathans des profondeurs. En un mot :

É-pa-tée !

Toutes les sentences sont belles, c’est du travail d’orfèvre, rien ne raccroche, hormis le titre, ce texte somptueux méritait tellement mieux. Merci pour la gratuité et le temps que tu as passé à ciseler ce joyaux.

Anna d'Hyperborée

   Angieblue   
9/10/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Et bien c'est extrêmement poétique, mystérieux, suggestif et éthéré.
La magie poétique de cette danse funèbre et aérienne des mots opère et envoûte.
J'ai adoré : "Et elle sait bâtir des portes blanches au-delà des étaux, souffler des parois de bulles entre ses cheveux tressés et les rides grimaçantes des mots."
"Elle combat ce qu’elle peut avec ses pauvres ailes de phalène. Éventails repliés sur sa nuit."
" et que l’infini se posera enfin sur les digues bleues de son nom."
Également très réussie et rythmée la construction avec les anaphores "Elle" puis "Peut-être". C'est très ensorcelant et ça accentue le côté mystérieux et litanique.
Waouuuuh, ça c'est de la poésie comme j'aime !

   Lariviere   
9/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Eskisse,

J'ai beaucoup aimé ton poème

Tout d'abord je l'ai trouvé très musical, les allitérations ont un bel effet comme dans ces vers :

"Elle oublie d’avoir mal dans le sillage des phrases assassines assénées à sa face. Elle efface, d’un coup d’esprit, les glaives escortés des plus hauts agresseurs."

"Dans les stries du silence, elle s’éloigne de son corps comme d’un rivage indifférent."

Ensuite j'ai trouvé les images fortes :

"Peut-être qu’elle n’est pas plus lourde que son ombre, que les dalles de sa vie sont irrégulières, que le joyau à son front ne ternit que par intermittences.

Peut-être que la douleur, un jour, éclora dans les linéaments de la lucidité, que la colère grondera le long des ganses impartiales de ses yeux et que l’infini se posera enfin sur les digues bleues de son nom."

Dans le ton, dans le rythme, il y a une force tranquille qui se dégage de ce portrait assez résigné, avec la phrase de fin qui apporte l'ultime délivrance...

Merci pour cette lecture et bonne continuation

   pieralun   
10/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Eskisse,

Je n’ai pas l’habitude de me pencher sur les poésies en prose.
Ce texte pourtant m’interpelle.
J’ai un peu de mal à y voir clair, et je cherche alors simplement la beauté dans les mots.
J’ai trouvé la première partie trop empreinte de pathos: mal,assassines, assénées, glaives, agresseurs
Puis, avec les stries du silence, le rivage, les portes blanches, les bulles, cette impression s’apaise et j’aime énormément: « c’est là toute son armure » l’évocation est poétique dans sa douceur, son dénuement.
Puis, dans un registre similaire:  « elle combat ce qu’elle peut……… » , «  peut-être n’est elle pas plus lourde que son ombre » toujours cette poésie de la fragilité face au mal.
La solution passe par l’art: « alors elle écrira sa danse » superbe!

   Anonyme   
10/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Eskisse,

un poème qui commence quand "les orchestres ne jouent plus" et se termine par l'espoir d'une "danse".

Le thème est celui de la fragilité, d'une vulnérabilité à la lecture de "phrases assassines", et d'un mécanisme de défense, d'une armure :
"Et elle sait bâtir des portes blanches au-delà des étaux". Je trouve les expressions très belles.

Le mouvement est ascendant, qui suggère même, après l'agression, une colère salvatrice, une libération. L'essentiel est là.

L'écriture est élégante et mystérieuse. Un mot ou deux seulement pour exprimer l'émotion.
Dans "l’infini se posera enfin sur les digues bleues de son nom", le mot "infini" suggère la libération, la fin d'un enfermement dans les étaux. "enfin" pour le soulagement d'un retour à la sérénité, un regain.
Et j'ai lu "digues bleues" comme un oxymore (?)... peut-être... avec les digues qui limitent et le bleu de l'espace infini désormais accessible.

J'ai beaucoup aimé.

   hersen   
10/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai juste une remarque, tout à fait subjective : ses pauvres ailes de phalène. je trouve que le mot "pauvres" est en trop, je préfère comprendre la fragilité du personnage sans qu'il soit besoin d'ajouter un adjectif aux ailes, une aile de papillon est par définition fragile.

C'est un poème d'une très grande sensibilité, l'expression en est très juste et le lecteur s'immerge dans cette évanescence douloureuse.

Bravo et merci pour la lecture !

   Lotier   
11/10/2022
Un hommage très appuyé à la Reine d'Angleterre. Ah mais non, elle ne portait pas de joyau à son front ni de tresses. À une maharani ou une bégum, alors…
Il me semble que son combat est avant tout mental, face à l'enfermement que lui réserve la société.
Une bribe d'espoir, toutefois, le dernier verbe au futur.
Je trouve que le personnage ne manque pas d'esprit (malgré les linéaments…) mais de chair, de concret. Cela m'a gêné pour enclencher la machine des sentiments.

   EtienneNorvins   
2/11/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Tout y parlerait
À l'âme en secret...

Dense promesse de danse... Et dans l'écrin, cette image qui me touche particulièrement en ce moment : "Elle combat ce qu’elle peut avec ses pauvres ailes de phalène. Éventails repliés sur sa nuit."

Encore bravo. Encore merci.

   Pouet   
4/12/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut,

j'ai tout d'abord été frappé par les alliterations en S, surtout au début du texte. On peut y voir la création d'un souffle ou alors une déformation du dos, elle qui semble se tourner le dos, se voiler la face, une sorte de scoliose existentielle.

Je ne sais pas si le thème est vraiment celui-là, mais j'y vois une danseuse, peut-être une ballerine, souffrant pour son art, pour sa passion. Mais le dernier vers laisse supposer qu'elle ne trouve pas vraiment son compte dans ce côté martial de l'apprentissage, qu'elle est plus en quête de Liberté qu'elle ne trouve que partiellement dans l'expression de son corps en mouvement muselé par les contraintes de la technique sans doute indispensable pour effleurer l'inaccessible perfection.

Le premier vers nous dit qu'elle se voit pâle dans le silence, alors qu'elle recherche la couleur dans l'effervescence, l'évanescence, une nouvelle naissance, qu'elle est à la recherche de son être dans le brouhaha du monde couvrant la mélodie de son âme.

   solinga   
15/8/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Splendide de simplicité ouvragée.
Merci pour cette lecture ; rien que le titre transfigure un terme médical en l'évocation d'un courage au nom de nymphe.


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