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Poésie contemporaine
Eskisse : La perle
 Publié le 12/02/23  -  7 commentaires  -  1002 caractères  -  282 lectures    Autres textes du même auteur


La perle



Sur la route des vents, son rire, une vétille,
Il a fui son pays avec pour tout bagage :
La couleur de ses yeux, la douleur des mirages,
Son allure est tenace et son phrasé scintille.

Il chante pour river la lune au firmament,
Son âme le précède et lance des serments,
Il avance une main vers d’invisibles vœux
Faisant de son espoir un invincible dieu.

Le coup frappe et s’abat sur la tête meurtrie :
Et la main du barbare aura raison de lui.
Pas le temps d’être esclave ou de joindre un radeau.
Le crépuscule scie sa silhouette en lambeaux.

À côté de son corps, un simple sac de lin,
Renfermant un collier de perles bakélite,
Le barbare le voit, et bafouant les rites,
Le dérobe à la mort sans souci du Malin.

Le soleil disparaît au fond des acajous
Et la mère se fige en une âme debout,
Elle qui voit filer les oiseaux migrateurs
Pressant de son pouce une perle sur son cœur.


 
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   papipoete   
12/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonjour Eskisse
Il se sauve vers nulle part, mais vers là où ne vit pas le Diable... trop tard, un coup l'écroule sur sa terre, par terre où se répand toute sa richesse, un collier de perles... dont le barbare s'empare ; prendre une vie ne lui suffit pas !
NB un récit dont l'on connait hélas le point de départ ; vivre l'enfer sur Terre, et vouloir s'en sauver pour un Eldorado, où se trouve plus précieux que l'or... la paix !
Se dire que notre belle France, où l'on peut descendre dans la rue, dessiner des caricatures, brûler l'effigie du Président sans aucune crainte, manger à sa faim et d'autres choses, peuvent faire rêver ceux qu'une mer peut envoyer par le fond, sur un radeau qui nous méduse...
Reste que sur tout continent, une mère se retrouve seule, et devine soudain un drame à mille lieues, quand ce fils, ce père s'écroule sous la main du barbare.
en dodécasyllabes, vos vers tissent cette trame, qui mouille le coin des paupières...

   jeanphi   
12/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Eskisse,

Très émouvant, il paraît important de mettre ces mots-là sur des événements unanimement déchirants. C'est émouvant dans la retenue, comme une brève rapporte un drame par les faits, toujours des faits, et déclenche une réaction émotionnelle.
Des perles enfouies encore recelées dans ce tombeau ? "Tant que la couleur de peau d'un homme aura plus d'importance que la couleur de ses yeux (...)" selon Sélassié.
La mère ne pourra-t-elle se prémunir de son cœur malade par concrétion de nacre, on le voudrait.
La similitude dans la structure des 1er et 5ème quatrains est un indicateur de filiation.

À l'instar de Voltaire qui se serait arrêté de mourir s'il lui était venu un bon mot, la volonté, même infinie ne peut toujours suffire.

   Cyrill   
12/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Salut Eskisse,

J'ai trouvé dans ces vers beaucoup de délicatesse. Les deux premiers quatrains me ravissent par leurs images éthérées. Seule ombre au tableau pour le moment : "la douleur des mirages". On comprend vite que tout ne sera pas scintillant sur la route de ton protagoniste.
Le quatrain central est un pivot, il arrive avec brutalité.
Puis on retrouve de la douceur avec la perle de bakélite pour symbole d'un enfant perdu et de beaux parallèles avec les oiseaux migrateurs.
Je pourrais citer beaucoup, je m'en tiens à ce merveilleux :
"Et la mère se fige en une âme debout" où on sent vaillance et fierté malgré la douleur de la perte.
Les parties du poème mettant en scène le barbare m'ont paru, par moment, moins aisées dans la formulation. Cependant très bien vu ce soudain "Le coup frappe et s’abat sur la tête meurtrie".
Pas de sensiblerie, ici. Une histoire comme tant d'autres. Ici, elle est incarnée.

Merci du partage

   Pouet   
12/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Slt,

d'emblée j'aime bien « son rire, une vétille », joyeusement désespéré. J'aime aussi « l'allure tenace ». De mes préférés s'échappent aussi « Le crépuscule scie sa silhouette en lambeaux » ainsi que « Et la mère se fige en une âme debout » qui sont, à mon goût, de sacrés bons vers.

Concernant le fond ou les abysses, j'y vois un naufrage avant l'heure. Le désespoir d'une mère face à ce et/ou "ses" corps et cette absence de mer (salvatrice, qui sait ? ) Le fils ne parviendra pas en tout cas à l'orée du départ, à cette lisière folle d'un ailleurs improbable. La perle est cet enfant de bakélite...

J'ai lu ce texte comme un moment « d'actualité », un « migrant » comme on dit y paraît, du coup je me suis interrogé sur l'utilisation du terme « barbare » répété. Une question d'intemporalité ? Ou tout simplement dans son acception étymologique d'étranger ou bien alors dans sa signification actuelle plus "sanglante"? Le terme est suffisamment ambivalent pour interroger, ou pas en fait.

Et puis j'ai peut-être mal interprété le propos.

Enfin, bref, j'ai beaucoup aimé l'ambiance posée, cette fable qui n'en est pas une.
Le "mysticisme" n'aura rien pu faire contre la « réalité », mais peut-il en être autrement ?
Peut-être.
Sinon, y a l'espoir.

Au plaisir

   apierre   
13/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Eskisse,

Un très élégant poème que j'ai beaucoup aimé !
Son charme a opéré sur moi dès le premier vers:
" Sur la route des vents , son rire , une vétille "
Des images délicatement exposées puis la brutalité de la vie surgit
Le premier vers du troisième quatrain frappe le lecteur et le dernier quatrain clôt superbement le poème.
Merci pour cette lecture et bravo !

   Keanu   
14/2/2023
Bonjour Eskisse,

Très heureux de découvrir l'un de vos poèmes aujourd'hui.

Une écriture qui ne manque ni d'ampleur, ni d'inventivité, ni de dignité, et dont je trouve le pouvoir d'évocation parfois très fort, par exemple au vers 12. Toutefois, le lexique me paraît çà et là assez monumental, désuet, saturé par l'usage poétique (« firmament », « âme », « crépuscule », « barbare », « Malin »), et certaines tournures plutôt convenues ou précieuses (« la douleur des mirages », « river la lune », « une perle sur son coeur »), quand d'autres expressions ressemblent, je trouve, à des lieux communs, à des généralités (« la route des vents », « Il a fui son pays avec pour tout bagage/La couleur de ses yeux », « joindre un radeau », « les oiseaux migrateurs »). J'aime bien que l'« espoir » soit personnifié, divinisé. Pour moi, les vers les plus réussis sont les plus directs et les moins abstraits (« À côté de son corps, un simple sac de lin,/Renfermant un collier de perles bakélite » ; « Le soleil disparaît au fond des acajous »).

La migration forcée est un sujet de société complexe et douloureux et c'est votre droit le plus strict de vous en saisir poétiquement, mais j'aurais préféré que la description soit plus précise, plus incarnée : le personnage s'apparente davantage à mes yeux à un archétype, à un être de papier, à une figure diaphane et prétexte qu'à une personne, et les scènes me semblent représentées de manière trop vague et ex nihilo pour m'émouvoir, comme des images fabriquées et figées par et pour l'esthétique, là où j'aurais aimé que le texte me donne à voir de la singularité, du vivant. Où sont les noms, les pays, les paysages, les cultures, les langages, les biographies, les trajectoires ? Qui est ce personnage ? D'où vient-il et où va-t-il ? Que fuit-il et qu'espère-t-il ? Quelle est cette « route des vents » qu'il emprunte ? Pourquoi « son phrasé scintille » ? Qui est ce « barbare » (un terme chargé que je me garde personnellement d'utiliser) et quels « rites » bafoue ce dernier ? etc. Toutes les migrations ne se ressemblent pas et toutes les personnes migrantes non plus. Il est certainement possible de parler de la Migration avec une majuscule, mais en réhydratant sans plus de contextualisation et de nuances certains topos (le migrant souriant et rieur et chantant et plein d'espoir qui n'a pour seul bagage qu'un sac de lin et la couleur de ses yeux, sa mère qui le pleure en pressant une perle sur son coeur au fond des acajous...), vous courez à mon sens le risque de subsumer la diversité et l'épaisseur d'une réalité géopolitique sous des imaginaires un peu creux.

Bien sûr, un poème ou un texte n'a pas à expliquer ou démontrer l'ensemble de son monde, et je préfère souvent les œuvres suggestives faites d'interstices dans lesquels m'engouffrer ; j'aurais simplement apprécié que le poème inscrive dans sa chair des indices — or je trouve qu'il lâche dans le vide des symboles. En l'occurrence, malgré la belle tenue de l'écriture, le fait que je perçoive sans conteste de la musique et du souffle dans ces alexandrins, un savoir-faire narratif dans la progression des strophes et une sensibilité picturale dans l'ensemble, je n'ai donc pas réussi à être touché, car un lyrisme quelque peu hors sol me paraît capturer et donc réduire à l'intérieur d'une statuette exotique la densité et la pluralité des corps qui subissent la migration forcée ; il ne s'agit là, bien sûr, que de mon point de vue, et ce commentaire critique et sincère ne préjuge en aucun cas de votre intention, que je pense très noble.

Au plaisir de vous lire à nouveau !

   Donaldo75   
16/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonsoir Eskisse,

J’arrive un peu après tout le monde mais ce poème apparait encore en première page alors je me permets de le commenter. Cela me fait bizarre de ne pas te lire en libre mais plus dans un format rimé, certes pas du classique. Et c’est réussi. Il y a du rythme dans ces vers, et ce dès le premier que je relis avec plaisir. Les images sont très bien supportées par le champ lexical – je ne dis pas ça pour apposer une moindre dimension technique à mon commentaire – ce qui les renforce dans ma lecture à tendance néo-classique. La progression narrative rend l’ensemble fluide – ce qui était déjà le cas avec ces vers bien rythmés – et du coup relire l’intégralité du poème passe tout seul.

Une belle réussite.

Bravo !


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