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Poésie en prose
Ethimor : Un vert de blue-djinn
 Publié le 25/07/15  -  6 commentaires  -  7046 caractères  -  70 lectures    Autres textes du même auteur

Attention. Ce que vous vous apprêtez à lire contient un contenu implicitement implicite pouvant ne pas heurter la sensibilité des plus jeunes. À moins de ne pas être, n’essayez pas de lire ce qui va suivre chez vous.


Un vert de blue-djinn



« Qu’est-ce qu’il a ?
Il est paragraphe.
Et il va s’en sortir ?
De par Dieu ce que j’en sais. »

« Vous prendrez un verre de Scotch ?
Non merci, mes papiers sont en règle.
Je prendrai votre manteau.
Je vous en prie.
Allons-y, parlez, j’écoute.
Voilà, j’arrive. »

« On se plaint souvent des ouvriers qui sifflent de bon matin, mais que dire de l’homme que ses propres chants agacent ? Chaque matin, quand j’ouvre les yeux, je suis allongé dans un lit. L’incendie sonne rouge – je fais violence à mon réveil. Gorge en feu, pupilles éclatées, gyromitre en ripopée. Le diagnostic intrigue. J’entends des tambours de satin battre à tue-tête contre mes tempes. Un œil à l’appart’, un homme à la mer : les champignons croquent le parquet craque l’aquarium dérive. Sur mon cahier quelques lignes se bidonnent comme des gribouillis d’enfant – Incoming transmission.

À l’ombre des bars en ébullition, sous les remous de la nuit, les lumières de la ville s’éclipsent par vagues vaporeuses. C’est au croisement d’un trou à rat et d’un trou à rien que j’ai tourné. Une odeur nauséabonde roule à plein régime sur mon autoroute nasale. Le noir me garde envie, verre à la main et goutte au nez. Il y a aussi la pluie qui pisse dans ma pinte et me tape la discute. Je l’écoute baver le long de mes reins. Vite une envie pressante m’oppresse.

(là je m’accoude contre le mur pour dessiner une rivière)

Alors que la grâce divine vient de me toucher – je remonte ma braguette – une illuminée qui transpire le gaz d’échappement s’approche. Surpris, un rot m’échappe, puis deux pas incontrôlés, un juron ; tout est flou, je tangue, encore un Ro, je balbutie et manque de passer par-dessus bord. Mais je suis poli, alors je mets ma main devant ma bouche. Devant moi un bijou mécanique se dresse fièrement. Son moteur fume, elle remue ses formes et grogne comme une fauve. Je la dévore encore dix secondes. Et au moment où, je le jure, j’allais lui bondir dessus, dans la nuit ses phares à paupières s’éteignent et une paire de 48 met le pied dehors. C’est un homme [insérez une description]. Je me siffle un petit remontant pour cacher ma déception. Alors, avec toute l’adresse d’un mauvais clown je lance un « ô non ! » dans le ciel comme on lance une béquille dans les airs. J’attends. J’attends encore. Rien ne retombe. Je n’aurai pas d’Oscar cette année.

La Lune écoute son rire cosmique, l’autre m’imite un singe et balance ses membres désarticulés au rythme des marées. Dans la lumière vagabonde il papillonne à droite, à gauche, partout. Ou peut-être est-ce là las l’artifice de mes yeux. Il pointe vers moi deux de ses doigts joints et son pouce levé vers le ciel ; son annulaire et son auriculaire plus timides restent cachés au creux de sa paume. La terre à central, la terre à central : le suspect est armé et déterminé.

Je n’ai jamais été très croyant, mais curieux de savoir ce que ça fait, j’adresse à cloche-pied une prière à Dieu.

(splash mais rien ne se passe)

Il a pitié et baisse son revolver. Dans sa bouche un cigare fumant se dresse comme une usine. On dirait un hornito perché sur son volcan. J’implose de rire quand un Cornetto© dégoulinant me taquine les côtes. Les yeux rivés sur moi l’autre il ne comprend pas tout alors je tousse comme un moteur.

(quelques secondes s’écoulent durant lesquelles je me sens profondément nu)

Il me dévisage, et c’est étrange parce que voilà. D’un coup d’œil je balance mon corps en avant et vérifie le zip de mon jean, manquant au passage de m’étaler sur le bitume façon jam on toast. Je pousse un soupir de soulagement, braguett’s all right, I repeat, braguett’s all right. Et tandis que je relève la tête, je vois ses lèvres s’entr’ouvrir. Un silence d’abord, puis elles se mettent à vibrer par saccades, tantôt tenuto, tantôt staccato.

(une gorgée d’éthanol glisse par mégarde dans mon larynx bien huilé)

« •••− −−− ••− ••• •− •−•• •−•• • −−•• −••• •• • −•, −− −−− −• ••• •• • ••− •−• ? », il me demande.

Ayant étudié le morse pendant cinq ans à l’institut zoologique de Séoul, je parviens à déchiffrer : « Excusez-moi, c’est où la banquise ? ». De son vibrato ont émergé de prodigieux filets de baves desquels aucune carpe n’aurait pu s’extirper, si talentueuse fut-elle. Une mare en surpêche se forme à mes pieds. La scène est comique, je reste muet. Il faut le dire, à ce moment-là, j’ai le cerveau sous formol. Je lève mon verre à rien, ou à quelque chose, et je bois. Il attend. Ses yeux clignotent avec insistance, comme des néons débranchés. Il appelle Scott mais personne ne répond. Personne et surtout pas moi. Je tombe, il me relève.

(à défaut d’être cardinal je lui indique la piscine)

Je tombe, il me relève puis s’envole. Je continue à errer dans l’imaginaire, rampant avec discrétion sous les serpents à roulette.

Sur le chemin, dans le bois voisin, je croise un chat voluptueux, un écureuil en fuite, la mer et deux lampadaires, des falaises, un port, une grande dame, peut-être deux, des gnous, des genoux, des joujoux, des hiboux, des cailloux, une centaine de miroirs et quelques mains. Je vois rouge, je vois vert, je vois bleu et je dors. Quand je me réveillerai, rien ne m’aura plu et les génies auront rassis dans leur lampe à pétrole.

Je me réveille, l’esprit en vrac dans l’appartement. Ça n’était qu’un exercice. Je pue l’alcool et les cendres. Dans ma poche un crayon en pic à glace me pince la cuisse. Le retour au réel est toujours difficile.

À la fenêtre, des crayons-poubelles lèchent toujours les taches d’encre que j’ai semées à coup de poing. Ce délire imprécis me taraude depuis longtemps. Une idée au début, une obsession le lendemain. Je suis incapable de me fixer à l’improviste dans le tableau. Je nage une brasse dans une eau trouble au souvenir de Léviathan baveux. Pourtant chaque soir, chaque soir, je recommence à boire. Et chaque soir, chaque soir, je me retrouve seul au milieu d’esquisses inabouties d’où roule l’orage grondant des mots égarés.

Au réveil, je dors et danse sur un fil de vermeil. »

« Mon cher Bérenger, vous êtes alcoolico-bucolique.
Je ne comprends pas.
Aimez-vous les fleurs ?
Beaucoup.
Ça se voit.
C’est grave docteur ?
Vous mourrez juste.
Et mes histoires ?
Elles n’en seront que plus belles.
Mais je ne les ai pas encore écrites.
Mais vous me les avez contées.
Je croyais que vous n’aviez que deux oreilles.
Deux oreilles et une bourse, certes.
Silence.
Vous prendrez un verre de Scotch ?
Non merci, mes papiers sont en règle.
Je prendrai vos chaussures.
Puisque vous m’y forcez. »


 
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   Vincent   
27/6/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Vous prendrez un verre de scotch ?
Non merci, mes papiers sont en règle.
Je prendrai vos chaussures.
Puisque vous m’y forcez. »

je ne comprends pas le choix de laboniris

mais bon

ce sont des élucubrations

qui partent dans tous les sens

une prose surréaliste

que j'ai suivie avec un certain plaisir

votre monde est attirant

mais je ne saurais dire vraiment pourquoi

j'ai beaucoup aimé vous lire

   Anonyme   
25/7/2015
Bonjour Ethimor

Comment commenter un tel foisonnement d'images, toutes plus insolites et plus jubilatoires les unes que les autres ?
Vous avez manifestement pris un pied d'enfer à les aligner (vous en précisez la pointure : 48 !) mais vous avez la générosité de communiquer votre folie douce au lecteur.
J'ai apprécié le passage en anglais et surtout, surtout, celui en morse.
J'en profite pour vous citer (ce sont des choses qui se font quand on ne sait pas trop quoi dire)

Ayant étudié le morse pendant cinq ans à l’institut zoologique de Séoul, je parviens à déchiffrer : « Excusez-moi, c’est où la banquise ? »

Merci Ethimor et bravissimo
Je vous laisse pour m'offrir une nouvelle rasade de vos coquecigrues.

   Robot   
25/7/2015
Est-ce là le délire d'un écrivain alcoolique relatant les visions qui traversent son délirium tremens ?
C'est loufoque, c'est incohérent et c'est cette incohérence qui pousse à la lecture jusqu'à la lie de cette divagation dont je retiens aussi une écriture de haute tenue.
Félicitations !

   Anonyme   
25/7/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une sacrée biture relatée dans les moindres détails éthilo-comateux. Humour noir et auto dérision sont au rendez-vous, avec des images qui situent bien l'incohérence de cet état.

   Pussicat   
31/7/2015
j'ai lu un texte qui m'a scotchée et pour le reste, j'en sais pas grand chose... je fais une pause ;)
à bientôt de vous lire,

EDITION :
Le lecteur semble embarqué dans une séance de psychothérapie du genre sevrage alcoolique caractérisé par les deux paragraphes qui ouvrent et ferment le texte, texte dont le moins que je puise dire est qu'il est enlevé, onirique, une écriture singulière et un style qui mérite qu'on s'y attarde.
Je me suis cassée les dents sur le titre puis j'ai d'abandonné, je tiens au peu qu'il me reste.
L'introduction est une indication de l'auteur sur son projet : écrire quoi que ce soit, mais écrire, quel que soit son état...
Vient le second paragraphe dont le style absurde déroute : le personnage est-il dans un bar ou chez un médecin ?
La confession fait partie du barda de l'alcoolique... raconter sa vie dans ses moindres détails à l'inconnu qui vous fait face... un inconnu imaginaire parfois... une page blanche...
Elle est pratique la page blanche, elle permet tous les excès...
Et voilà notre personnage de commencer à raconter sa vie à l'heure la plus dure, la plus horrible pour tous ceux qui en pincent pour l'eau de feu : le réveil !

"Chaque matin, quand j’ouvre les yeux, je suis allongé dans un lit. L’incendie sonne rouge – je fais violence à mon réveil. Gorge en feu, pupilles éclatées, gyromitre en ripopée. Le diagnostic intrigue. J’entends des tambours de satin battre à tue-tête contre mes tempes."

Impossible de relever toutes les trouvailles merveilleuses, les images étincelantes de cette errance alcoolique - si c'est bien cela (?).

Le thème se mêle à l'écriture... "Pourtant chaque soir, chaque soir, je recommence à boire. Et chaque soir, chaque soir, je me retrouve seul au milieu d’esquisses inabouties d’où roule l’orage grondant des mots égarés."... à l'acte d'écrire, comme si, après avoir passé la nuit à écrire ce que vous pensez être un... (modération)... de bon texte vous vous réveillez "seul au milieu d’esquisses inabouties d’où roule l’orage grondant des mots égarés."
Qui n'a pas connu ces envolées nocturnes alcooliques à croquer la lune, à dévorer les étoiles, à bouffer l'univers tout entier pour le recracher merveilleux dans une prose illisible le lendemain, où viennent s'inviter dessins et autres signes incompréhensibles...
mention pour :

"« •••− −−− ••− ••• •− •−•• •−•• • −−•• −••• •• • −•, −− −−− −• ••• •• • ••− •−• ? », il me demande. "

"Je prendrai votre manteau.
Je vous en prie." sonne comme une invitation à se débarrasser d'un poids, à se confier...
"Je prendrai vos chaussures.
Puisque vous m’y forcez." ressemble au prix à payer pour cette écoute.

J'ai pris un grand plaisir à lire ce texte dont le style danse avec l'absurde, le surréalisme, et dont la poésie est digne d'un grand auteur... Bravo !
à bientôt de vous lire,

   Pouet   
18/2/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
On en trouve des perles en se promenant sur Oniris...
Un texte plutôt boudé au niveau lecture et commentaire ce qui n'est pas forcément le signe d'un manque de qualité, bien au contraire en l'occurrence... Le genre qui donne un coup de fouet, qui nous (me) rappelle pourquoi on aime l'écriture et c'est pas rien.

Un Las Vegas parano littéraire, une plongée en apnée dans un onirisme déjanté, je me suis régalé, bien sincèrement.
Un texte foisonnant, très bien écrit, surréaliste à souhait.

Je n'ai rien de bien précis à dire à l'auteur si ce n'est de marquer mon passage et de l'inciter à continuer d'écrire ainsi, bravo.


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