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Poésie néo-classique
Famineur : Uranus
 Publié le 31/01/24  -  6 commentaires  -  3370 caractères  -  152 lectures    Autres textes du même auteur

J'interpelle la planète.


Uranus



C’est quand je ferme l’œil que je te vois de près,
Toi qui vogues sans lune au-delà de l’Espace.
Ton champ de gravité métamorphose en grès
Tout rayon lumineux et l’agrège à ta face.

Chaque deuil épaissit ton gisement d’engrais,
Car ce qui gît en toi n’est autre que la masse
Des âmes que je pleure et qui n’ont plus de traits.
Chaque larme épaissit ta calotte de glace.

Celui qui, cendre au pied, s’immole pour de vrai
Augmentera d’un cran le fond de tes crevasses
Et la teneur en âme de ton minerai.
Car nul ne peut mourir sans te laisser de traces.

Ton corps s’appesantit de ce qui disparaît
Et chacun de mes deuils décuple ta surface.
Le songe aussi, parfois, succombe à ton attrait :
Ainsi mon propre rêve en fin de nuit s’efface.

Souviens-toi du lépreux dont la vie empirait
Et qui m’a demandé que je l’en délivrasse.
J’ai depuis secoué sa cendre et son portrait,
Mais en vain, tant son âme est prise dans ta glace.

Quant à tous les vivants, dois-je les tenir prêts
À craindre le milieu de ta ronde vorace ?
D’autant qu’à chaque tour tu gravites plus près
Et projettes sur eux une ombre de rapace.

Où que frappe ta proue un abîme paraît,
Alors que pour autrui tu n’es qu’un point qui passe.
Quand le vent qui te meut tout à coup disparaît
Et te laisse au début d’une orbite plus basse.

Ta voilure se penche au moment de l’arrêt,
Comme si tu voulais que ce linceul enlace
Et prenne pour époux les mâts de ma forêt…
Est-ce moi qui délire ou toi qui me fais face ?

Quand un archet te fend de l’ubac à l’adret
Et révèle au silence un ré de contrebasse,
Quand l’unique horizon ressemble au couperet
Et tranche autour de moi chaque épi qui dépasse,

Quand l’unique horizon devient l’un de tes traits
Et que la Lune enceinte attend que tu la casses,
Est-ce moi qui délire ou toi qui fais exprès ?
Mais à quoi bon crier du haut de mes échasses ?

Sans doute que le ciel, qu’il soit ou non concret,
Devra céder sa foudre à ta grande Jorasse,
Ses parfums de printemps à ton flair indiscret
Et ses teintes d’automne à ton tableau de chasse.

Quant à tous les oiseaux que l’azur attirait,
Tu les rends si pesants et leur aile, si lasse
Qu’ils perdent tout espoir de vaincre ton attrait
Et s’ajoutent aux clous qui ferment ta cuirasse.

Tu viens de dérober à l’onde mon portrait
Tandis que le miroir vient de perdre ma face.
Tu viens de dérober tout ce que j’ai d’abstrait
Et, sous l’onde ou le tain, ton double me remplace.

Que ne rends-tu leurs sens à ceux que j’adorais
Et comment ne plus rien te céder de ma race ?
Mais quoique je t’implore en pliant les jarrets,
Ton unique réponse est l’écho d’une impasse.

Le lac et les roseaux désertent le marais
Et la source à présent pleure au fond de ta nasse.
Le vent de mes moulins s’éprend de tes agrès
Et la pluie elle aussi m’abandonne et t’embrasse.

Je vois que tout autour le Monde disparaît
Et que je reste seul au milieu de la place.
Suis-je déjà l’enfant de ton ventre secret,
Moi qui n’existe plus hors de ta carapace ?


 
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   Gemini   
14/1/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Gros travail.

C’est difficile dans une telle longueur de ne pas commettre une faute de prosodie. Faut-il s’appeler Hugo pour cela. J’en ai trouvé une (césure v11), il y en a peut-être d’autres. Ça n’a pas d’importance, on sent la maîtrise du vers. La double rime n’est pas pesante (à part peut-être le peu recommandable paraît/disparaît 25/27).

Pour le titre, j’ai eu, un moment, l’impression qu’on aurait droit à des vers du brave Léopold, inspirés par Racine, avant de m’apercevoir qu’en fait, bien plus que l’interpellation suggérée en exergue, on a une ode (triste) à la planète (qui possède 27 lunes, contrairement à ce que dit le V2), s’appuyant sur le néant symbolique que représente cette planète dans le roman de Marcel Aymé (V1).
Astre vorace, ogre lointain mais implacable, Ouranos, ciel de la Terre et père des Titans qu’il prive de lumière, dévoreur de vie, dépositaire de tous les maux possibles, tu n’inspires que peur, souffrance et mort : (Hadès ou paradis ?) il y a peut-être des interprétations mythologiques qui m’échappent.
Le narrateur place toute sa douleur dans ce corps céleste, comme pour éloigner au plus loin sa peine et toute la rancœur qu’il a envers la mort, qui, il s’en rend compte à la fin, fait partie de la vie. Pour rester dans la rime : Tout passe...

Poème à la fois original, profond, bien écrit, mais un peu long (en fallait-il autant pour en arriver à cet admirable dernier quatrain ?) L’auteur l’a sans doute senti ainsi.

Et pardon si j’ai mal saisi l’intention.

   Mintaka   
31/1/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Famineur,
C'est une parfaite versification légère comme le plaisir et puissante comme la Mort.
Le poème est long mais le sujet mérite de l'être tant il est prégnant en chacun de nous.
Un beau travail - et quel travail ! - servi par un beau talent. Un sujet de tous les temps traité avec l'originalité que confère une belle créativité de l'Auteur .
Chaque quatrain est poème à lui seul sans qu'il puisse pourtant se dissocier des autres. La rareté d'une chaîne sans aucun maillon faible!
Je voterais si celà était possible excellemment abouti avec un j'aime profondément.
Merci Famineur

   Lebarde   
31/1/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Je suis revenu à plusieurs reprises en EL, sans laisser de commentaire comme je le fais souvent, sur ce magnifique poème classique écrit sur deux syllabes, dans lequel j'avais repéré je crois, une petite faute de prosodie que je ne retrouve même pas aujourd'hui.
C'est dire si elle devait être petite? mais elle a pourtant conduit à un bien sévère déclassement. Bien dommage.

J'avais été et je le suis encore aujourd'hui, rebuté par la longueur du texte et une certaine "obscurité" dans le propos dont j'ai un peu de mal à suivre le fil conducteur.
Des arguments qui ne tiennent guère je le confesse, au regard du plaisir que je prends à sa relecture.

Mais alors, quelle poésie, quelle élégance dans l'écriture, quelle musicalité, quelles belles images, quelle perfection dans le choix des mots que la contrainte des deux rimes, sur la longueur, n'arrive pas à contrarier.
Je ne retiens rien en particulier, tant les strophes dans leur ensemble, sont remarquables de poésie.

Vraiment super Famineur quel talent, vous êtes un Maitre et un exemple en la matière.

Bravo et merci d'avoir proposé ce superbe poème classique, une "chose" devenue tellement rare!

Lebarde comblé

   Ascar   
1/2/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Quel travail, 64 vers qui résonnent sur 2 rimes !
J'imagine que le plus dur a été de varier le vocabulaire des mots rimeurs pour éviter les doublons et le sens des 16 strophes pour éviter les redondances.
Sur le fonds, le traitement du décès de ceux qu'on aime et de soi m'a plu.

Bravo

   MonsieurNon   
6/2/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Je salue l'exercice de composer 16 quatrains sur deux rimes, même si je tique un peu sur " paraît / disparaît " et " attirait / attrait ", sans être non plus franchement dérangé par elles.
L'ensemble du poème témoigne d'une grande maîtrise de l'alexandrin, et je note tout particulièrement les vers 8 et 24 que je trouve magnifiques.

Je n'ai rien contre les poèmes un peu longs, et j'aurais même aimé que certaines images soient filées encore d'avantage, mais sur deux rimes c'est trop demander. Je pense que cette attente que j'ai eu vient du fait que, bien que les thèmes soient très différents, ces questions adressées à un astre m'ont évoqué le Charivari à la Lune de Rostand.

Ça vient sûrement de moi, mais le sens de la conclusion me reste un peu obscur pour que je sois complètement emballé.
Merci pour cette très agréable lecture !

   Famineur   
18/2/2024


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