L'idée est bonne, mais je la trouve maladroitement traitée, de manière trop alambiquée. Par exemple, j'ai du mal à démêler le sens de
"Pour effacer l'intime d'une peur trop ancienne,
A l'effluve pareil à celui que j'expire."
Les rimes me paraissent assez faciles : "temps"/"ans", par exemple, une association plutôt évidente.

Au final, un poème que je qualifierais de banal par faute d'avoir cherché une expression épurée, simple. La simplicité est difficile.

Que de grains, que de grains dans ce texte! Trop, beaucoup trop de choses veulent être exprimées en à peine 21 vers, et cela donne au poème un immense lourdeur; même le fond en pâtit en devient peu compréhensible à la lecture.
Je pense qu'il y a de bonnes choses au milieu de fatras, mais il faudrait considérablement alléger le propos pour qu'elles s'épanouissent.

"Rêver sa vie plutôt que la vivre encore que la vivre soit aussi la rêver" disait Proust (de mémoire)
Sympathiques ces maraudages que l'on engrange pour une vieillesse hypothétique quand le quotidien peine à nous satisfaire.

J'aime particulièrement :

"Je pille, maladroit, d'un cœur qui persévère
Quelque rêve à vau-l'eau, égaré d'une enfance,"

"Je friponne à tout-va, pour déjà m'oublier,
Vieillissant de dépit d'avoir grillé le temps,"

Bien qu'on soit ici en néo-classique le vers
"Qu'elle sache me chérir, ou seulement le dire," (13 syllabes)
me gène parce qu'il casse le rythme des alexandrins

Il me semble aussi que la ponctuation est un peu alléatoire (beaucoup de virgules inutiles) mais je ne suis pas spécialiste et d'autres commentateurs plus avertis vous feront peut-être la même remarque.

Dans le dernier vers l'usage de "en" ne me paraît pas nécessaire

Personnellement, j'ai beaucoup aimé. Une réflexion désabusée sur le temps qui passe, avec une belle chute, qui contraste avec le mot "prier" antérieurement mentionné. Une belle manière de traiter le sujet, une belle construction, et un style parfois un peu trop complexe : je suis persuadé qu'avec des phrases plus simple, le poème aurait gagné en efficacité. Il est néanmoins très mélodieux.

J'ai particulièrement aimé les tournures suivantes, tant pour leur sonorité que pour leur sens, et pour leur rôle dans la structuration du texte :

-Quelque rêve à vau-l'eau / Je friponne à tout-va / Je butine, à l'envi.

Un texte qui, sur le fond, me rappelle un peu le "Journal d'un voleur" de Jean Genet : faire de sa vie une oeuvre en s'adonnant aux bassesses morales, aux fourberies, au vol,... Le tout adoptant la posture fantasmatique, un brin romantique, du martyr volontaire.

Cependant, le vol et la friponnerie dont il est ici question semblent particuliers dans la mesure où, ce qu'il s'agit de voler, de dérober, ce sont des instants... Instants volés au temps qui s'écoule, essayer de sauver ce qui peut l'être par une sorte d'immoralisme presque nécessaire. Un semblant de culpabilité se fait jour dans ce texte, laquelle ne s'apaise que la nuit qui refait le plein d'insouciance (et d'innocence ?) et par la considération que nul dieu n'attend, donc que la morale n'a guère lieu d'être...?

Un texte intéressant donc, et réfléchi. Sur la forme, pas grand chose à redire, les images sont pour la plupart bien tournées et originales, les vers rythmés et cohérent. J'ai du mal, cependant, avec celui-ci : "Qu'elle sache me chérir, ou seulement le dire". J'aurai bien vu, rythmiquement, "ou seulement me le dire".

Mais, sinon, un très bon texte.

Préparé en espace lecture:
Éminemment philosophique, malgré ce « thérapeutique » de l’incipit, qui m’a laissé songeur ; se soigne-t-on de vieillir ? Ou alors, s’agit-il d’hypocondrie ?
Mais la bonne question est ; est-ce vraiment mal de se mentir ? de se raconter des histoires ? de faire un peu l’autruche ?, tandis que la plus belle réflexion est : « je ne peux que prier… j’en sais… (d’évidence) que nul Dieu ne m’attend », même si le « d’évidence » est de trop. C’est cette faculté qu’ont les hommes de se retourner vers le divin lorsqu’ils sont confrontés à l’inéluctable. Lorsqu’ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir, et que la situation les dépasse, il ne leur reste plus qu’à se tourner vers le pouvoir surnaturel, même s’ils n’y ont jamais cru tout au long de leur vie. C’est le dernier recours. Et je crois que nous sommes tous les mêmes à ces moments là. C’est peut-être un réflexe conditionné. Un peu comme un enfant qui a foutu le feu à la baraque et qui cherche le bouton pour tout remettre en ordre. Sans y croire…Mais.
C’est à mon sens là que naît la foi, entre le doute et l’espoir.
J’ai bien aimé les coupures aux alentours des césures des premières phrases de strophes : « rares », « maladroit », « à l’envi », « à tout va »,
Quelques formulations m’ont semblé délicates ; deuxième strophe « je pille… quelque rêve… et j’attends que le soir le sommeil me libère » vous libère des rêves pillés ???
« Je détourne le sens de mes gestes épars, qu’ils soient dans mes pensées ou mes désirs frustrés… » J’ai du mal à cerner le sens de : des gestes de mes pensées ou de mes désirs. Des réflexes ? Donc détournés… ?
Je ne rentre pas dans ces métaphores, s’il en est.
J’adore « l’inertie des ans », cet effet capacitif que produit tout mouvement réactionnaire (ou plutôt, conservateur), et qui contient les effets opposés du progressisme. Pensée fortement politique.
Je doute du « de dépit » du « vieillissant », mais je le trouve bien trouvé.
Dans l’ensemble, excellent sujet plutôt bien traité, mais je trouve que certaines formulations se méritent.

Bonjour Fanch,

Le poème m'a dessiné un personnage de Dandy, et le titre pourrait assonait avec "marivaudage". Il y a une joli courbe dans les débuts de strophe, ascendante puis descendante dérobe/pille/butine/détourne/friponne, le mot centrale est le plus "doux", "pille" est le plus violent mais ça ne ressort pas tant le contexte. C'est les muses qui seraient trop absentes peut-être, si je ne me trompe pas sur l'image, il faut parler des femmes pour cette narration-là il me semble.