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Poésie contemporaine
Gemini : Le dépositaire
 Publié le 18/03/24  -  6 commentaires  -  1593 caractères  -  128 lectures    Autres textes du même auteur

Fables entrecroisées.


Le dépositaire



Un berger éleveur, pour la foire au village,
Déposa sur l’étal d’un voisin son fromage.
« Place-le bien, dit-il. Tires-en un bon prix,
Car c’est une fine fleur parmi mes favoris. »
Confiant, il revint en fin de la journée
Pour empocher le gain de sa tomme affinée.
Il trouva le marchand, en pleurs, mais à l’œil sec,
Qui jura tous les dieux que d’un grand coup de bec
Un fabuleux corbeau drapé de robe noire
Avait volé le mets qui précède la poire.
Nul besoin d’un grand flair pour voir que le vendeur
Malmenait durement sa parole d’honneur.
« Eh bien, fit le berger, la mine débonnaire,
Je mettrai, dès demain, un limier sur l’affaire. »
Il fut aisé de retrouver par son fumet
Le fromage coulant victime du forfait :
Ses effluves sortaient de la cave voisine
Et, le rapatriant au fond de sa cuisine,
L’éleveur y grava, par différents couteaux,
Des marques du long bec typique des corbeaux ;
En face, il imita des empreintes dentaires,
Canines de goupil tout à fait ordinaires
Puis, conviant au soir son brigand de voisin,
Il lui dit, désignant l’objet de son larcin :
« Un corbeau l’a volé. Petit larron sans doute,
On peut le distinguer aux traces sur la croûte.
Mais celles du renard qui me l’a rapporté,
Paraissent en secret dire qu’il l’a flatté. »
Son hôte, déconfit, qui connaissait la fable,
Hissa le pavillon des rougeurs du coupable.
Souriant, le berger lui dit : « Sache l’ami,
Que pend à tout malin son malin et demi. »


 
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   Lebarde   
18/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une jolie fable à plusieurs faces d’inspiration dont on imagine rapidement au fil de la lecture le déroulement et puis la fin et sa morale.
La Fontaine que tout le monde connaît évidemment n’a pas écrit pour rien.
Le récit est animé, fluide et plaisant à lire même si la surprise n’est pas présente.
Qu’importe c’est bien écrit et j’aime bien l’art et la manière.

Les rimes sont riches et correctes, en jouant sur l’alternance et le genre des mots.
Je n’ai pas repéré, ni de hiatus ni de e non élidé mais, un ou deux vers bancals et le même nombre de défauts a la césure que transforment de beaux alexandrins en dodécasyllabes.

Dommage car ce poème aurait mérité la catégorie classique que l’auteur(e) curieusement ne revendique pas… de la timidité de sa part sans doute ou pour ne pas qu’on le lui reproche?

Il n’y avait pourtant pas grand chose pour l’atteindre.
A sa place j’aurais fait un effort et tenter la chance et puis trouver un titre plus …porteur.

J’aime bien quand même!

En EL
Lebarde

Ed: pour un verbe mal orthographié!!

   Geigei   
18/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Mais LOL !

Bonjour Gemini.

Cet objet poétique est très original.
Le style est bien celui des fables.
Le fond, lui, peut être contemporain s'il s'agit du commentaire de la situation conflictuelle entre nos éleveurs et la grande distribution.
Au final, ma seule réserve porterait sur un seul vers :
"Avait volé le mets qui précède la poire."
Et encore. Pas sûr si l'action est contemporaine. Sinon, quand on parlait sur le ton de la fable, le fromage se mangeait après la poire, en dessert.
Merci pour ce divertissement critique :-)

   Corto   
18/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
La démarche est belle. Sur une inspiration toute simple avoir construit une telle fable, que du bonheur !
Le déroulement est tout d'abord sans surprise mais vous avez marqué de votre empreinte malicieuse le dénouement où corbeau et goupil participent symboliquement à la farce.
La fable a bien sûr sa morale et la vôtre est bien plaisante.
Du style et de l'humour, Bravo.

   Cox   
18/3/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Rigoulou ! L’éleveur a de l’esprit et j’ai bien aimé sa plaisanterie.

Une amie étrangère á qui j’expliquais un jour la fable du corbeau et du renard m’a dit « c’est vraiment l’idée la plus pathologiquement française que d’imaginer qu’un oiseau, même parlant, puisse avoir le moindre intérêt pour votre lait pourri ! »
Elle n’a sans doute pas tort et l’excuse bidon du marchand malhonnête est remise á sa place par le berger qui lui dit « c’est aussi abracadabrant que du La Fontaine ton truc ! »

je me hais pour me joindre en cette occasion à la foule monotone de ceux qui répètent sous chaque poème contemporain « c’est mignon mais c’est dommage que ce ne soit pas du vrai classique ». Promis, ce n’est pas dans mes habitudes, mais dans ce cas précis, j’aurais tendance à rejoindre leur opinion parce qu’une fable toute classique aurait été bien sentie pour parodier gentiment du La Fontaine. C’est visiblement par choix, parce que votre maîtrise des rimes suggère qu’il vous aurait été facile d’élider ces quelques « e » surnuméraires si vous l’aviez voulu, mais je serais curieux de savoir pourquoi vous avez choisi cette catégorie, si vous faites un retour.

Quelques formulations cheloues qui m’ont fait tiquer :
« en fin de la journée » -> je n’ai jamais guère entendu que l’expression « en fin de journée ». On dirait une bidouille pour gagner une syllabe mais ça m’étonne vu le reste du poème parce qu’il n’aurait pas été trop dur de tourner le vers autrement
« en pleurs, mais à l’œil sec » -> il y a là quelque chose qui m’échappe. Je pense que vous essayez de traduire l’idée que ses jérémiades sont hypocrites. Mais ça reste bizarrement formulé : s’il y a pleurs, l’œil est humide non ?
« L’éleveur y grava, par différents couteaux » -> On grave « au » couteau ou bien "avec un" couteau, non ? graver « par » des couteaux ne me parait pas juste (ce serait plutôt la construction grammaticale adaptée pour faire référence à une technique de gravure, pas à un outil. Par ex : gravure par électrolyse. Enfin je crois). La précision des « différents couteaux » est un peu étrange aussi, ça fait remplissage de vers.
En règle générale, quelques tournures dispensables, ou pas des plus naturelles peut-etre pour se plier à des rimes exigeantes ?

L'écriture pourrait être plus fluide et naturelle, mais j'ai vraiment bien aimé ces fables imbriquees qui font sourire sans prétention !

   papipoete   
18/3/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Gemini
Sur la foire du village, là où croassent ( c'est bien connu ) les corbeaux, où traînent ( à coup sûr ) des renards, il ne fait pas bon quitter son étal et faire confiance à tout le monde... surtout face à un fromage appétissant !
Et ce qui devait arriver, arriva à ce berger qui ne prit point précaution, devant ces voleurs aussi connus, que diaboliques étaient buse ou chouette !
Mais, c'était sans compter sur la flair de l'éleveur fromager : maître corbeau n'était que celui chargé de la vente aux chalands...
NB c'est fort bien dépeint avec force couleurs, et effluves odorant... du côté de chez le voisin.
le stratagème que le berger monte en épingles, est très bien amené, et le final mêlant l'innocent corbeau, comme le " tout blanc " renard, est fort cocasse.
" il trouva le marchand, en pleurs, mais l'oeil sec " est l'amorce de mon passage préféré.
techniquement, nous étions partis pour lire des alexandrins parfaits... quand au 4e vers " boum ! 13 pieds !!

   Cornelius   
18/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Voilà une fable que La Fontaine lui-même n'aurait pas désavouée. Je suis pour ma part un inconditionnel du fabuliste et j'ai apprécié cette version légère et croustillante inspirée par "le corbeau et le renard".

L'auteur aurait pu en faire tout un fromage
Mais ce plaisant poème tient sur une seule page
Et s'il n'est pas ici question de flatterie
Le thème de la fable reste la tromperie

Et un bon moment de lecture.


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