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Poésie contemporaine
giclamon : Le lombric voyageur
 Publié le 29/01/19  -  11 commentaires  -  2453 caractères  -  102 lectures    Autres textes du même auteur

Cette fable est un clin d’œil à Jean de La Fontaine, Darwin, Norge, Chavée, du Bellay… et à ceux que leur profession amène à arpenter la planète. Toutefois, malgré son ton péremptoire, la conclusion est un peu dépassée car à l’heure du téléphone par Internet, on reste en contact étroit avec ses proches et amis même s'ils sont aux antipodes.


Le lombric voyageur



Un jour, au cœur d’un très modeste potager
Soudain naquit un grand désir de voyager.
C’est le récit très alambiqué d’un lombric
Quittant l’ombre et l’humus de son natal bocage
Pour s’embarquer, matin, à Londres ! sur un brick !
En partance pour un très long, très long voyage.

Il n’était pas vraiment malheureux, mais enfin
Faisait à sa façon la grève de la faim.
Tout le monde voyait que petit à petit
Il avait chaque jour un peu moins d’appétit.
Étant lassé du goût du limon de ses pères,
Il voulait savourer les sucs des autres terres.

Traverser l’océan fut un jeûne pénible.
Pardi : même sur un bateau fort conséquent
Le sable et le terreau sont pour le moins manquants.
Puis le ver entreprit un souterrain périple
Perçant du sud au nord toutes les Amériques,
En suivant un trajet d’une audace homérique.

Ushuaïa, puis Lima, l’Utah, la Gaspésie.
Et quelques mois plus tard, Internet annonça
Qu’il creusait ses tunnels aux confins de l’Asie.
Enfin des archipels où l’on sut qu’il passa,
Jamais repu de glèbe, en quête d’autres rives,
On apprit qu’il partait pour Tananarive.

Et puis, après un lustre et encor quelques lunes,
Alors que des journaux, il n’ornait plus la « une »,
Il revint au pays, contant avec faconde
Cent exploits, cent revers, cent périls encourus,
Tant de sols dévorés… Mais on ne l’a pas cru.
« A beau mentir, dit-on, qui vient de Trébizonde ! »

Son retour au pays dérangeait tant de monde.
Bientôt les quolibets fusèrent à la ronde :
– Il voudrait nous faire croire ici, incontinent,
Qu’il a ingurgité quatre-vingts continents !
Peu s’en fallut qu’il ne gobât la mappemonde !

Voyez dans quel pétrin, hélas, il s’était mis.
Parti d’ici laissant frères, parents, amis,
Ne trouvait en rentrant rien que des ennemis.


Moralité :

Voyageur, n’attends pas que héros on te consacre
Et souviens-toi qu’Ulysse a dû faire un massacre
Pour recouvrer son trône et sa femme, et son chien.

Avant de revenir chez toi, soupèse bien
Si finir au pays « le reste de ton âge »
Est dans ton propre cas le chemin le plus sage.

Car selon le dicton d’un marchand de liqueurs :
« Loin des yeux, loin du cœur » macèrent les rancœurs.


 
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   Corto   
9/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est une belle fable, que dis-je ? c'est une saga, un conte, une fiction, une fantaisie,
que dis-je c'est une fantaisie?...c'est un superbe poème !

Que l'auteur soit remercié pour ce délire qui nous fait voyager en riant tout autour du monde depuis un "très modeste potager" anglais.

Ulysse appelé à la rescousse a bien sûr une autre allure qu'un vulgaire tour du monde en 80 jours... Au mieux on aurait pu croiser le ver de Dune (Frank Herbert) mais il faut savoir rester modeste !

Bravo pour l'aventure et tant pis pour les "rancœurs" !

   Gemini   
9/1/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Tout est long dans ce texte : de l’exergue à la morale en passant par le texte.
Je crois que la fable est d'autant plus convaincante qu'elle est percutante, et je trouve qu'ici elle traîne. Peut-être le sujet y oblige pour faire ressentir les dimensions du temps (passé), et de l'espace (parcouru) ou la lenteur de l’animal.
Mais près de 400 mots, ça peut décourager son monde (et est-ce bien utile au propos ?).

Pour dire des généralités, la fable a deux sortes de morales : l'implicite qu’on laisse au lecteur, et l’explicite qu’on lui impose.
Je trouve que le tercet qui précède le mot "Moralité" donne au lecteur une clé qu'il a déjà dans la poche. On pourrait s’arrêter là. Si je colle l’exergue au récit, une morale implicite, pour moi, se dégage dès « mappemonde ». Mais tout dépend du lectorat à qui on pense s'adresser, de la certitude qu’on a de s’être bien exprimé, et surtout dans votre cas de la morale qu’on a choisie.

Concernant sa forme, cette moralité en elle-même (était-il encore besoin de l'annoncer ?) est aussi bien trop longue. Un tercet aurait suffi. En plus de l'évocation de l'Odyssée et du passage de Du Bellay, elle emprunte à un dicton, ce qui ne la rend pas vraiment originale ; La Fontaine disait de ses morales qu'il les plaçait quand la tournure lui semblait heureuse et qu'il s'en abstenait dans le cas contraire…
La morale doit être une formule-choc qui frappe les esprits, et la vôtre (vous la nommez conclusion dans l’exergue) avec ses 8 vers, ressemble à une démonstration par a+b.

Concernant son fond, je la trouve bien étrange à vouloir inciter de se couper ses racines. On dirait une louange de la mondialisation. C’est un choix qui s’oppose à la parabole du retour du fils prodigue par exemple, mais je concède qu’on peut faire dire aux fables ce qu’on veut.
D’ailleurs, le récit rappelle le rapport étroit qu’il existe entre le mot fable et l’expression « a beau mentir qui vient de loin ».
Le distique final est très limite. En le lisant on se dit : "Eh be, tout ça pour ça ?".

Le choix de l’animal ne ma pas convaincu. C’est le pigeon qui est voyageur.

L’écrit est honnête ; quelques fautes dont ce « jeune » sans accent, et ce « qu’héros » sans aspiration. Des jeux de mots, des anachronismes plaisants (Internet), des évocations marrantes (le tour du monde en quatre-vingts continents) ; on sent que l’auteur s’est fait plaisir.
Mais, on a beau dire que plus c’est long, plus c’est bon, je n’en ferais pas une morale.

   Anonyme   
12/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
On suit les pérégrinations de ce ver avec plaisir car le récit est rythmé, l'humour y affleure presque à chaque vers et jusqu'à la moralité. Il est présent par exemple dans la première strophe avec les allitérations en "l". Fable réussie car divertissante et instructive !
Un très bon moment de lecture.

   lucilius   
14/1/2019
 a aimé ce texte 
Un peu
Ce long périple du lombric voyageur revenant à la case départ, ne pouvait pas s'achever sans précepte moraliste. De là à l'appuyer sur la mythologie grecque me paraît pour le moins incongru.
L'ensemble pourrait être très plaisant plaisant, sans quelques petites tricheries sur les rimes pour conserver la métrique, comme par exemple le départ pour la capitale malgache "Antanarive" alors qu'il s'agit d'Antananarivo, ex Tananarive, et la versatilité des strophes (sizain, quintil, tercet, distique…).

   Hiraeth   
29/1/2019
 a aimé ce texte 
Pas ↑
On sent que l'auteur a pris plaisir à écrire cette fable amusante sans plus, mais hélas, cela ne suffit pas à produire un bon poème. Malgré quelques heureux effets de son et de sens, les alexandrins sont souvent laborieux et boiteux ; mais ce qui n'est alors pas du tout passé à mes yeux, c'est ce fléchage pédagogique du discours à la fin ("Moralité :"). La bonne poésie n'est jamais didactique, elle ne vise jamais à faire passer de manière tarabiscotée un message univoque ; ou alors, elle a la pudeur de le masquer.

La Fontaine lui-même explicite rarement la morale de ses fables ; et quand il le fait, il est beaucoup plus intéressant d'écouter leur ambiguïté, voire les éventuelles contradictions entre le texte lui-même et sa morale.

   papipoete   
29/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour giclamon
Tout est source d'inspiration ; l'humain, le végétal, l'animal et votre idée de faire voyager un ver en vers, est pour le moins original !
Et du nord au sud, d'est en ouest on suit ce lombric, dont le coin de terre ici a fait le tour, et brûle de goûter à d'autre humus, tout aussi succulent qu'un autre à part celui du navire sur lequel il émigra, faisant cruellement défaut !
Et tel Tartarin de Tarascon, de retour au pays, aura bien du mal à faire qu'on le crût !
NB un conte pour petit et grand, savoureux par moment, touchant en bien des instants !
Un peu long cependant, mais bien au chaud le lisant, notre lombric nous entortille patiemment ! La moralité est fort spirituelle !
24 e vers : 11 pieds
33e vers : 13 pieds
38e vers : 13 pieds

   Anonyme   
29/1/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le langage utilisé n'est pas tout à fait celui de la fable, mais le récit est plaisant avec quelques images bien trouvées. Entre autres :
" Quittant l’ombre et l’humus de son natal bocage "

" Étant lassé du goût du limon de ses pères "

" Traverser l’océan fut un jeûne pénible ". Subtil.
" Perçant du sud au nord toutes les Amériques "

Je n'ai pas été séduit par la moralité que j'ai trouvée un peu ... laborieuse.

   VictorO   
29/1/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le choix improbable du lombric fait sourire et nous emporte, avec des rimes originales : lombric-brick, Amériques-homérique...
Quelques longueurs à mon sens par contre (strophe 4 et moralité), des alexandrins pas toujours réguliers, même si ça n'était pas forcément le but. Malgré tout, cette fable moderne n'est pas seulement divertissante mais captivante et réussit à nous livrer son message.

   senglar   
30/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Giclamon,

Permettez-moi tout d'abord de saluer votre culture. Convoquer tant d'auteurs et des plus classiques par le truchement d'un simple lombric - fût-il conquérant - n'est pas un mince exploit et invite au respect.

J'eusse à d'autres places disposé certains mots pour fluidifier parfois la lecture mais sans doute étiez-vous contraint par de prosodiques raisons.

Quoi qu'il en soit j'ai aimé le périple - un voyage à la Micromégas - et la moralité en est sage - UNIVERSELLEMENT - qui convoque Ulysse, Du Bellay... et un marchand de liqueur (le père Magloire ?). Voyez-vous c'est ce dernier que je préfère, pour le moins il désaltère, nous distrayant du goût de la terre. Au lombric les glèbes, à nous les terroirs !

Merci

Senglar

   embellie   
1/2/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bravo pour le choix du sujet et pour avoir choisi la fable pour le traiter.
J'ai souri tout au long de ma lecture.
Toutefois je trouve la moralité trop longue, les trois premiers vers étaient suffisants, et pour le premier de ces trois vers, permettez que je suggère : Voyageur n'attends pas que héros on te sacre. On supprime ainsi le pied superflu sans changer le sens de la phrase.

   Robot   
2/2/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Qui va à la chasse perd sa place c'est bien connu. Ici en plus il se trouve des ennemis en revenant à son souterrain natal.

Une incitation à reprendre la route.


Une lecture qui m'a fait passer un bon moment.


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