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Poésie classique
GiL : Sehnsucht
 Publié le 23/03/24  -  14 commentaires  -  741 caractères  -  419 lectures    Autres textes du même auteur

Selon Wikipédia, « Le sens de die Sehnsucht est un sentiment qui n'est ni foncièrement négatif, ni positif, mais représente un objet du désir inaccessible qu'il n'est pas forcément souhaitable d'atteindre. C'est une émotion en rapport à une certaine incomplétude ou imperfection. »


Sehnsucht



Souvent, par ces longs soirs de l’arrière-saison
Je rêve d’un printemps éternel et sauvage,
Je rêve de partir vers l’idéal rivage
Où vont les grands vols noirs migrant à l’horizon.

Mais l’esprit se résigne aux murs de la raison
Qui sait la chair promise à l’effrayant veuvage.
Ciguë ou népenthès, quel indulgent breuvage
Saurait me libérer de ma double prison ?

Je rêve au rythme lent des étés sans tourmentes,
Aux tons chauds des Gauguin, à des femmes aimantes
Qui dorment les seins nus parmi les floraisons.

La Nuit couvre ma peur de ses ailes clémentes.
À l’heure où le feu danse aux volets des maisons,
Que fais-je solitaire au bord des eaux dormantes ?


 
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   poldutor   
5/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour
Beau poème empli de nostalgie. Oui qui ne rêve pas de "printemps éternels et sauvages", et de partir vers un hypothétique et "idéal rivage". Certains l'ont tenté et réussi, Gauguin, Brel.
L'auteur est soudain pris de pessimisme et souhaite la mort, ne pouvant se "libérer de sa double prison".
Mon couplet préféré est le premier tercet qui évoque avec feu les belles marquisiennes...
Beau poème, ai-je dit, d'un bon classicisme, bien que le septième vers, contenant le mot "ciguë", me parait fautif : qu'en est-il du "ë" ?
Élidé, pas élidé ? Les spécialistes trancheront.
Mais ce n'est qu'une broutille et j'ai vraiment aimé cette poésie.
Cordialement.
poldutor en E.L

   Ornicar   
16/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Joli titre qui m'a intrigué. Je ne connaissais pas le terme, ni ce "spleen" tout germanique.
C'est un beau poème en forme d'introspection mélancolique, mais pas triste, qui traduit bien ce sentiment si particulier, cet état de vague à l'âme naviguant entre deux eaux, celles de la mort ("cigüe") et celles de la guérison ("népenthès"), celles, infinies des aspirations humaines ("printemps éternel", "les grands vols noirs migrant à l'horizon") et celles bornées par "les murs de la raison".
Les vers fluides et musicaux, leur rythme à la fois ample et profond, l'évocation des Marquises chères à Gauguin et à Brel rendent cette lecture très agréable.

   papipoete   
23/3/2024
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bonjour GIL
Sans chercher dans mon dico, je crois me rappeler de mon Allemand de 4e, traduisant " vue de l'esprit "
vue de rêve, quand notre coeur est ou devient libre, et que des femmes qui dorment nues, reposent à notre côté sur un lit d'amour.
" mais l'esprit se résigne aux murs de la raison " laisse entendre, que le rêveur n'est pas seul et qu'à ses côtés, dort celle qu'il aime.
NB ce n'est qu'un rêve, et le cerveau fait ce qui lui plaît...
mieux vaut rêver de cela, plutôt que d'une sorcière aux griffes crochues, imaginaire ou ayant existé...
le premier tercet est mon passage préféré !
alexandrins sans faute !

   Provencao   
23/3/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Gil,


"Je rêve au rythme lent des étés sans tourmentes,
Aux tons chauds des Gauguin, à des femmes aimantes
Qui dorment les seins nus parmi les floraisons"

J'aime ce rêve où il l n’y a nulle illusion à désirer ce que nous croyons désirable , car il serait presque ineffable que nous desirions quelque chose sans que nous l'espérions.
Le "que fais-je solitaire " parait presque souhaitable à réaliser ...

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Myndie   
24/3/2024
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très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Gil,

Rien que le titre est un régal, un pur délice mémoriel qui m'évoque bien sûr les grands poètes romantiques allemands, Schiller... Et bien sûr ce qui m'est venu tout de suite à l'esprit c'est le fameux « Sehnsucht » de Heinrich Heine (« Es schienen so golden die Sterne...).
Mais pas que. A votre rêve «  solitaire au bord des eaux dormantes », j'ai associé le fameux tableau de Gaspar Friedrich « Le promeneur ». Que de merveilles ici réunies !
Autant vous dire tout de suite que c'est la puissance évocatrice de votre beau poème, la force et la beauté de vos vers, subtilement empreints de cet ennui doucereux, de cette mélancolie dont se délecte le narrateur, qui m'emportent et m'enthousiasment.

Sur la forme qu' à l'aune de votre talent je devine parfaite, à quoi me servirait de décortiquer vos quatrains et vos rimes ? Je me laisse juste envahir par l'émotion qui m'est généreusement offerte.

Merci Gil, un passionnément ++ pour moi

Myndie,
verträumt

   Miguel   
24/3/2024
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très aboutie
et
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Comme monsieur Jourdain avec la prose, voilà des lustres que je fais du Sehnsucht sans le savoir. Ce sonnet parfait, aux beaux vers pleins de souffle et de noblesse, ces images fortes me révèlent un peu à moi-même. Je dis donc à Gil à la fois bravo et merci.

   Graoully   
25/3/2024
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Bonjour,

C'est un sonnet élégant, assez distingué, d'un ensemble harmonieux.

L'idée de la mort guide le lecteur du premier au dernier vers : "idéal rivage" peut-être édénique, "vols noirs" des âmes qui migrent des corps des défunts jusqu'aux cieux lointains, évocations botaniques mortifères, "prison" corporelle dont non aimerait se défaire, le sommeil des femmes seins nus, telles des houris ?, la "Nuit" enveloppante, et les "eaux dormantes" finales qui engourdissent et où l'on a la tentation de plonger pour s'oublier définitivement.


Quelques menus regrets, dont l'expression prouve mon intérêt réel pour ce sonnet et ne m'empêche pas d'en goûter les beautés :


- J'aurais ajouté une virgule en fin de premier vers ;

- je regrette le retour de la rime "zon" (commune aux quatrains) aux tercets, ainsi que la surreprésentation de la rime "mantes" dans les tercets, encore que ce manque de variété dans les rimes, ce choix de l'auteur pourrait être justifié par la volonté de traduire une certaine lassitude, une vie monotone, décrite dans les vers ?

Un sonnet proche de la perfection.

G.

   Cristale   
25/3/2024
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aboutie
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Bonjour GiL,
Voici un sonnet élégant aux vers ondulants dont j'apprécie la fluidité.
Une certaine lenteur exprime la langueur inhérente aux propos d'une écriture bien agréable.
Le rythme des mots à la rime (riche en majorité) me semblent un peu plat : rimes appuyées sur deux syllabes (12 sur 14). Le troisième vers des deux tercets répond à la rime masculine des deux quatrains, les deux premières rimes de chaque tercet se font écho. Je sens donc un déséquilibre de l'ensemble dans la résonance des finales.
Mais je suis péniblement tatillonne, je le sais bien et croyez qu'il m'est difficile de vivre avec ce défaut :). J'espère que vous ne m'en voudrez pas trop parce que, nonobstant mes critiques, vos vers délicats et la façon dont vous avez traité le thème m'ont séduite.
Le tercet final est mon préféré.

   jfmoods   
28/3/2024
sich sehnen (nach) : aspirer à
die Sucht : l'addiction

"Die Sehnsucht" se présente comme une forme bien particulière de dépendance : on aspire sans cesse, par la seule puissance de l’imaginaire, à un ailleurs introuvable ici-bas.

L’obscurité est la mère nourricière, la mère protectrice de l’utopie (vers 1 : "ces longs soirs de l’arrière-saison", vers 4 : "les grands vols noirs", vers 12 : "La nuit couvre […] de ses ailes clémentes"). Le locuteur, individu demeuré seul et qui semble bien voir s’approcher le terme de son existence (vers 6 : "l'effrayant veuvage", vers 12 : "ma peur"), est l’objet d’une fantasmagorie (anaphore des vers 2, 3, 9 : "Je rêve") dont il ne peut se défaire. Ainsi revient-il sans cesse, inexplicablement, au même point d'ancrage (vers 14 : "Que fais-je solitaire au bord des eaux dormantes ?"). Certes, l’homme reconnaît qu’il ne pourra jamais rejoindre ce lieu autrement que par l’imaginaire (vers 5 : "l’esprit se résigne aux murs de la raison"), mais sa condition est misérable et il ne sait comment y échapper d’une autre manière (alternative insoluble des vers 7-8 : "Ciguë ou népenthès, quel indulgent breuvage/Saurait me libérer de ma double prison ?").

"N’importe où ! n’importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde !", écrivait Baudelaire. L'ailleurs prend ici la forme des Îles Marquises, paradis végétal accueillant, promesse de plénitude pour les sens (vers 10 : "tons chauds des Gauguins", cliché de la femme-fleur au vers 11 : "parmi les floraisons").

On entrevoit ce qui oppose le monde - ouvert sur l’extérieur - de l'utopie au monde fermé d'ici, où tout se consomme dans le repli du bonheur individuel (vers 13 : "le feu danse aux volets des maisons").

Merci pour ce partage !

   Ithaque   
26/3/2024
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Bonjour,
Du Baudelaire et du Vigny, l'un pour le spleen/idéal et l'autre pour la belle et toujours poignante nostalgie romantique au bord d'un lac.
Le ciselage et les cadences alexandrines remplissent leur fonction : bercement de la vague et du vague à nos âmes. Je présume cependant que vôtreopus a demandé du travail pour parvenir à l'épure ?
Bravo, en tous cas !

   David   
2/4/2024
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Bonjour Gil,

La lecture est vraiment très enchantante, et au-delà de cette harmonie, des passages m'ont vraiment touchés par leur formulation ou leurs mystères.

"La chair promise à l'effrayant veuvage" est stupéfiant, je comprends que cela évoque la mort, mais formulée du point de vue du corps "veuf" de sa propre âme. C'est vraiment nouveau d'intervertir ainsi - je ne sais pas comment dire - la main et l'outil ? l'objet et le sujet ? Du coup une âme périssable et un corps éternel se pense, ça me renvoie au "printemps éternel" précédent, où je verrais la nature, la vie simplement, ainsi idéalisée. Un corps mort ou vif qui ne serait qu'une partie d'un grand ensemble.

C'est "l'esprit" et la "chair", dans les deux vers, qui donne la "double prison". Il n"'y a pas "âme", mais je garde le mot pour son absence justement. Puis loin il y aura la majuscule à "Nuit" qui me laissera aussi une impression spirituelle.

J'aime bien la légèreté presque "touristique" du premier tercet, et le dernier est magnifique aussi. Le poème me laisse la question finale entière, mais sans aucun manque pour autant.

   GiL   
4/4/2024

   Ioledane   
6/4/2024
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très aboutie
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Voici un sonnet élégant, fluide et bien mené. Sur trois rimes, là où cinq se pratiquent habituellement : voilà qui a dû compliquer l'exercice, pour un effet réussi à mes yeux (ou plutôt mes oreilles).
Le premier quatrain est assez sage, le second plus âpre et original, avec cet "effrayant veuvage" et l' "indulgent breuvage".
J'ai apprécié la référence à Gauguin dans le premier tercet, et j'ai trouvé le second très beau, avec les "ailes clémentes" de la Nuit, et ce dernier vers au questionnement poignant.
Mon seul (léger) bémol, ce "rêve" qui revient un peu trop (deux fois dans le premier quatrain et au début du premier tercet). Oui, c'est bien le sujet du poème, mais j'aurais préféré qu'il revienne de manière plus subtile.

   Damy   
6/4/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Je ne sais pas ce que je faisais le samedi 23 mars…
Je viens de savourer votre sonnet et lu le contenu de tous les fils y afférents (j'avoue humblement ne pas avoir été jusqu'au bout de celui de jfmoods qui décortique chaque vers un peu comme le fait l'IA quand on le lui demande, alors que j'ai été charmé par l'atmosphère générale qui se dégage du poème ).
Tout a été dit. Je n'ai aucune culture germanique et je me sens tout petit. J'ai juste un peu entendu parler de Goethe et de Thomas Mann. La référence à Baudelaire est évidente. De ce fait, je rejoins Miguel, ayant malheureusement quitté la scène, pour que vous sachiez que Sehnsucht a touché intimement mon esprit et ma chair.

Merci beaucoup, Gil.


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