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Poésie contemporaine
Impadhacor : D'hiver et d'aujourd'hui
 Publié le 15/05/24  -  7 commentaires  -  2732 caractères  -  72 lectures    Autres textes du même auteur

Quand la nostalgie de l'enfance rencontre l'anxiété liée au changement climatique…


D'hiver et d'aujourd'hui



Nos bouches locomotives chargeaient l’air d’une brume argentée.
L’herbe vitrifiée crissait et cassait sous les rudes semelles de nos bottes fourrées.
Les fougères pâles et les cornes des cerfs en furie
Se croisaient sur les carreaux de l’antique buanderie.
Le jour se carapatait trop tôt
Et la nuit sortait ses tréteaux
De bateleur pour les hiboux,
Les pipistrelles et les téméraires matous.
La cabane bancale au fond du jardin,
Bâtie de branches et de rondins,
Affichait une mine réjouie
Sous la caresse de l’immense hermine endormie.
La buée, s’échappant du linge pendu
Sur la corde qui souriait au-dessus
Du poêle, nous enveloppait de sa torpeur,
Nous conférant un frisson de peur :
Qu’elle se brisât sous le poids de sa charge,
Comme la glace emprisonnant la barge
Au loin hier encore et qui avait cédé aujourd’hui
Sous les palmes d’un canard ébahi,
Se dandinant hâtivement pour éviter la boule
Espiègle lancée par l’enfant anonyme sous sa cagoule.
La graine ne savait pas encore qu’elle serait fruit,
Dans la matrice de terre et d’ombre endormie.
Créateur de miracles et de fééries, brillant orfèvre
Usant d’argent, d’émeraude et de fièvre,
L’hiver nous confiait la certitude
De quatre-vingt-dix jours d’une douce hébétude.

Nous ne l’avons pas assez aimé, ce vieillard sage,
Nous avons trop peu considéré ses présages
Et ses conseils, puis lassés du partage,
Nous avons abandonné nos hommages.
Comme le forçat dénutri jamais récompensé,
L’hiver bâcle son œuvre désormais.
Dans la dernière convention collective dénoncée,
Il applique la tactique annoncée.
Il annule son trimestre d’hostilités.
Le givre fantassin et les flocons aéroportés,
Las du regard versatile des bambins éblouis
Par les prodiges exponentiels de la technologie,
Désertent les pentes et les monts noircis.
Sur la nappe sale de boue et d’herbes, réjoui,
Un couple de colverts qui arpente l’étang
Accueille dès janvier l’arrivée du printemps.
Le froid ne négocie plus, il a perdu la partie ;
Mais, débordant sans vergogne de leur lit,
Les ruisseaux et les fleuves ont compris
Que les hommes sont les premiers punis.
L’air tiède devient roi. Demi-mesure,
Plus de lèvres gercées ni d’engelures,
Immense mare dans laquelle on barbote,
La planète est devenue une marmite de compost
Contenant le bouillon fade et tiédasse
Dans lequel nos jours moroses passent et repassent.
Jetons nos pulls et nos manteaux,
Nos doux souvenirs et nos idéaux.

L’hiver ne reviendra pas.


 
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   Robot   
25/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Deux visions opposées des hivers d'autrefois et d'aujourd'hui qui nous propose images et métaphores originales. Des le premier vers j'ai reconnu cette vapeur qu'enfant nous lancions volontairement ou non, pfff pfff jouons au train.
L'une comme l'autre, les visions ancienne et actuelle sont toutes deux riches d'imaginaire et de réalité.

   Polza   
15/5/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Un poème libre mais en presque rimes (récompensé/désormais/barbote/compost), bel exercice s’il en est.

Même si je commence en général mes commentaires par le début, je dois dire que j’ai beaucoup apprécié la chute qui tombe comme une sentence « L’hiver ne reviendra pas. »

Si ce récit fourmille de bonnes idées, j’ai le sentiment qu’il y avait parfois un trop plein de recherche de l’esthétique nuisant à la fluidité de l’histoire.

« Nos bouches locomotives chargeaient l’air d’une brume argentée » « Nos bouches chargeaient l’air d’une brume argentée » m’aurait suffi.

« L’herbe vitrifiée crissait et cassait sous les rudes semelles de nos bottes fourrées. » idem « L’herbe crissait et cassait sous les rudes semelles de nos bottes fourrées. » me semble plus simple et ne nuit pas à la poésie du texte je pense.

Ce ne sont que deux exemples, la liste n’est pas exhaustive.

« Sous la caresse de l’immense hermine endormie.
La buée, s’échappant du linge pendu
Sur la corde qui souriait au-dessus
Du poêle, nous enveloppait de sa torpeur,
Nous conférant un frisson de peur :
Qu’elle se brisât sous le poids de sa charge, » je n’ai pas compris l’arrivée de « Qu’elle », j’aurais mieux saisi si dans la phrase d’avant il avait été écrit « Nous conférant un TEL frisson de peur/Qu’elle se brisât… »

L’idée de départ est excellente, mais comme je l’ai déjà dit, j’aurais aimé plus de simplicité pour évoquer l’enfance. J’ai malgré cela apprécié votre poème.

Polza en EL. Après relecture de votre poème je pense toujours que « L’hiver ne reviendra pas » est une excellente conclusion, néanmoins, sans trop savoir expliquer pourquoi et bien que la différence soit infime, j’aurais encore plus aimé « L’hiver ne reviendra plus ». Quant à mon appréciation, je la trouve un peu injuste en y réfléchissant à deux fois, cela mérite mieux que aboutie et aime bien sûrement, mais j avoue que je suis moins à l’aise avec le nouveau système d’appréciation qu’avec l’ancien. Avec ce dernier, j’aurais dit j’aime beaucoup tout en gardant les quelques réserves évoquées…

   Donaldo75   
5/5/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
J’ai vraiment aimé ce poème que j’ai relu à plusieurs reprises pour m’imprégner de sa tonalité. Il y a vraiment par le chant lexical utilisé et les images déployées une peinture poétique au service d’un thème, d’un fond qui ne colle pas dans la poêle. C’est une manière intéressante de traiter ce sujet en racontant une histoire et en exposant des tableaux tout en conservant la dimension poétique. La forme est au rendez-vous et je ne peux que saluer cette réussite.

Bravo !

   Ornicar   
5/5/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
J'aime beaucoup. C'est vraiment un beau poème.
Je trouve superbe la première strophe, un brin nostalgique. Ce texte fourmille d'images, de poésie, de formules heureuses et inventives, façon "en veux-tu, en voilà". La rupture de ton dans la deuxième partie ("convention collective dénoncée", "trimestre d'hostilités") n'est pas moins intéressante et rend palpable l'opposition marquée entre les deux époques, les hivers d'aujourd'hui et ceux d'hier. Lançant au passage un clin d'oeil au titre en forme de jeu de mots, "d'hiver et d'aujourd'hui". On y voit aussi, au jeu des comparaisons, les différences de modes de vie et de confort, la marche inéluctable du progrès, pour le bon et le moins bon ("regard versatile des bambins éblouis par les prodiges exponentiels de la technologie").
Que ce soit dans la première partie teintée de merveilleux au prisme du souvenir, ou dans la seconde, plus contemporaine et pessimiste, les mots simples enchantent notre imaginaire et font alors oeuvre de poésie.

C'est drôle, mais en découvrant ce texte, j'ai tout de suite senti que c'était du bon, dès le premier vers, avec ces "bouches locomotives" que je trouve très imagées puis, arrivé à la "corde qui souriait au-dessus du poêle", à mon tour j'ai souri. Sauf gros accident sur le reste du parcours, je savais que c'était gagné pour ce texte. Et je n'avais plus qu'à me laisser aller, confiant et heureux, jusqu'à la fin. Tout schuss !

   papipoete   
15/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Impadhacor
Un thème hélas d'actualité, depuis que ne se font plus les saisons ; l'hiver en particulier sans la neige de Noël, les eaux de mare et d'étang plus jamais gelées, et le froid qui ne tue plus la vermine !
aujourd'hui, nous avons un semblant de saison, avec la pluie comme pansement sur la nature somnolant plus que s'endormant, et ça patauge dans la boue ; on ne sent plus crisser l'herbe glacée sous nos pas...
NB d'une part le temps froid d'avant qui faisait s'endormir plantes et hibernants ;
" 90 jours d'une douce hébétude "
maintenant,
" plus de lèvres gercées "
mais tant de pleurs devant inondations, et rus devenant torrents.
l'une partie nous fait sourire, avec des souvenirs
" une mine réjouie, sous la caresse de l'immense hermine endormie
l'autre bien amère devant ces dérèglements, dont l'homme ( pas lambda respectueux depuis toujours ) est responsable
de fort jolies lignes même celles teintant de NOIR le désastre !
difficile de relever parmi ces phrases en assonances, de plus belles que d'autres tant l'ensemble resplendit !
" la buée, s'échappant du linge pendu/sur la corde qui souriait au-dessus du poêle "
et
" comme le forçat dénutri jamais récompensé/l'hiver bâcle son oeuvre désormais "
des images si parlantes...

   jeanphi   
15/5/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Impadhacor,

Le thème de la solastalgie mérite évidemment le traitement fort poétique que vous en faites, à cette époque où même les climato-septiques reconnaissent à demi-mot la nécessité de la cause écologique.
Mon seul regret est le report des dénouements de vers en vers. On a par endroits la sensation d'une plus longue phrase découpées par rimes.
Je crois que ce procédé est couramment évité. Mais peut-être cela ne tient-il qu'à mes goûts personnels, et est-ce un choix de l'auteur que d'user de cette forme évoquant les boucles de rétroaction ?

   Provencao   
16/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Impadhacor et bienvenue,

Mon passage préféré :

"Nous ne l’avons pas assez aimé, ce vieillard sage,
Nous avons trop peu considéré ses présages
Et ses conseils, puis lassés du partage,
Nous avons abandonné nos hommages.
Comme le forçat dénutri jamais récompensé,
L’hiver bâcle son œuvre désormais.
Dans la dernière convention collective dénoncée,
Il applique la tactique annoncée.
Il annule son trimestre d’hostilités."

J'ai beaucoup aimé cet "intérieur" et " extérieur" du langage qui se renvoient l’un à l’autre dans une même énergie, dynamique de conciliation, conciliation entre ce vieillard sage et les hommages ,entre le forçat dénutri et l’hiver baclant son oeuvre...

Au plaisir de vous lire
Cordialement


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