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Poésie classique
inconnu1 : Il est tard !
 Publié le 06/10/22  -  20 commentaires  -  1013 caractères  -  378 lectures    Autres textes du même auteur


Il est tard !



Le visage à couvert d’un paisible iroko,
J’espionne, nonchalant, la course d’un nuage
Qui vient s’effilocher à travers le branchage
Avant de se répandre au nord de Bamako.

Il est tard ! Mes tympans vibrent au soliloque
De l’harmattan* léger qui brûle l’horizon.
Les sables du désert étendront leur toison
Sur toute la campagne… et déjà je suffoque.

Il est tard ! Je voudrais m’endormir à présent.
Mais tout autour de moi, les marabouts d’Afrique
Agitent des grigris, alors je leur réplique :
« Est-ce ainsi, croyez-vous, qu’on éduque un enfant ? »

Mon corps sera bientôt recouvert par le sable.
Je sens les premiers grains s’incruster sur mon front.
Les vainqueurs, dans leur camp, ce soir triompheront
Car d’un enfant-soldat, le sort est négligeable.


* Harmattan : vent du désert qui souffle vers le golfe de Guinée, chaud le jour, froid la nuit et qui peut drainer de fortes quantités de sable.


 
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   Jemabi   
22/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
La guerre est une horreur, à plus forte raison lorsque s'y engagent des enfants et qu'ils en sont les premières victimes. Ici, ça se passe en Afrique mais ça pourrait se passer partout ailleurs. Et ce petit soldat qui espionne la course des nuages semble le faire une dernière fois avant de s'endormir à tout jamais sous le vent de sable, conscient d'être un pion soumis à la haine que se voue les adultes, conscient aussi que son sort a été dès le début scellé par plus important que lui. Petit bémol : je n'ai pas compris ce que signifie "le visage à couvert" dans le premier vers.

   Anonyme   
28/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Glaçant, expressif, fort beau je trouve. Le schéma narratif est celui du « Dormeur du val », dans un contexte moderne.
Le dernier vers, j'avoue, me paraît en dessous des autres, sans doute à cause de l'inversion entre le nom « sort » et son complément du nom, inversion qui à mon sens apporte une touche de préciosité dommageable au vu du sujet et affaiblit le propos. En revanche les deux premiers vers de ce dernier quatrain sont parfaits selon moi, je les aurais bien vus clôturer le poème.
Je salue aussi la progression à l'œuvre depuis le premier quatrain trompeusement paisible. Bref, de la belle ouvrage à mon avis.

   Anonyme   
6/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Inconnu 1

Une poésie sur l’Afrique tout à fait voluptueuse dans sa première strophe mais qui nous ramène à une dure réalité ensuite, ça crée une sacrée tension que je n’attendais pas en fait.
Très prenant.

Merci pour la lecture et le temps passé dessus

Mot appris : Iroko

Anna

   Anonyme   
6/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour

Classique ? non, mais ça reste un bon poème que de montrer
l'horreur de ces enfants soldats dans les pays africains.
J'aime bien la course d'un nuage qui vient s'effilocher
La toison des sables du désert

Et le dernier quatrain qui est terrible.

   papipoete   
6/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour inconnu
Maintenant que je suis mort, je voudrais enfin pouvoir trouver le repos la paix : mais l'harmattan souffle sur mes yeux le sable du désert, et ces marabouts qui ne cessent d'agiter leurs grigris !
Mais bientôt le désert aura recouvert mon corps, alors que les vainqueurs savourent cette victoire... d'avoir tué un enfant !
NB un poème tout en délicatesse, pour évoquer la mort d'un enfant-soldat, qui ne peut s'endormir paisiblement, tant que le vent n'a pas rempli son oeuvre, déposer à tout jamais ce linceul de sable sur ce " paisible iroko "
La dernière strophe est très touchante !
On serait tenté de dire au petit " mais, tu ne dors pas encore, alors qu'il est si tard ? "
un classique sans faute

   Lotier   
6/10/2022
La progression narrative est réelle : la paix (paisible iroko, nuage…), l'inquiétude (l'harmattan, je suffoque : pourquoi le narrateur ne réagit pas ?), l'angoisse (je voudrais m'endormir, les grigris), la défaite (mon corps sera bientôt…, enfant soldat). Seule la réplique de l'enfant me semble briser cette progression, peut-être à cause du mot éduquer, peut-être qu'élever dans ce contexte m'eût semblé préférable.
En tout cas, l'ensemble mérite le détour sous l'iroko.
PS : je ne savais pas qu'il y avait des irokos au Mali…

   Donaldo75   
6/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour inconnu1,

Je ne peux même pas dire que je suis étonné mais ça fait toujours un choc de lire de la poésie de ce niveau. Le premier quatrain coule de source tellement la rime et la métrique sont naturels et les images s’ancrent dans la lecture sans difficulté. Il en est de même pour le suivant. Le troisième introduit le titre et aussi de la ponctuation plus active, à savoir les points d’exclamation et d’interrogation, rendant le narratif plus incarné encore. Et le dernier, qu’en dire si ce n’est qu’il éclaire le fond et la tristesse qu’il m’inspire.

C’est fort de chez réussi.

Bravo !

Merci pour le partage.

   Lebarde   
6/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour inconnu1,

Un sujet glaçant souvent évoqué, de ces enfants-soldats embarqués malgré eux dans des conflits tribaux qui les dépassent et desquels ils n'ont aucune chance d'échapper malgré les gris gris agités par les marabouts. Enfin c'est ce que j'ai perçu, peut-être mal après tout?

Y aurait-il une tentative de vouloir changer les choses, annoncée par ce vers? Un peu vaine sans doute...

« Est-ce ainsi, croyez-vous, qu’on éduque un enfant »

Peut-on y croire? "Il est tard!" (trop tard)
L'issue est pour eux fatale et pour le narrateur concerné, sans espoir:

"Mon corps sera bientôt recouvert par le sable.
Je sens les premiers grains s’incruster sur mon front."

Ce poème déprimant est aussi l'occasion, dans les deux premiers quatrains, d'une belle description de ces contrées désertiques étouffantes qui vient atténuer la rugosité poignante du sujet.

"...la course d’un nuage
Qui vient s’effilocher à travers le branchage"

"...au soliloque
De l’harmattan* léger qui brûle l’horizon.
Les sables du désert étendront leur toison
Sur toute la campagne…"

J'aime beaucoup la poésie de ces deux passages en particulier.

Sur la forme, rien à dire: de beaux alexandrins équilibrés et fluides, de belles rimes, un magnifique poème classique comme vous savez les écrire et comme je les aime.

Merci.
Lebarde

   Miguel   
6/10/2022
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
L'intention est bonne, mais tout ne m'apparaît pas clair dans ce poème. Déjà je trouve faible "Sur toute la campagne" (on attendrait un mot moins commun) et prosaïque "alors je leur réplique".
Est-ce la prosopopée d'un mort, ? Est-ce le discours d'un mourant ? Je ne sais.
Le dernier vers semble indiquer que cet enfant-soldat se meurt. Mais alors les marabouts qui agitent des grigris autour celui devraient le faire pour tenter de le guérir ; que vient faire l'éducation à ce stade ?
Un mourant espionne-t-il, fût-ce un nuage ? Et cet enfant est bien raisonneur pour un agonisant. Il y a là une bonne part d'irréalisme. De même, on ne peut parler de triomphe à propos d'un événement négligeable.
Ces difficultés ont un peu gêné ma lecture.

   Anonyme   
7/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Inconnu,

Je suis sceptique concernant le second alexandrin : j'aurais tendance à penser que la diérèse s'applique pour " j'espionne", ce qui ferait 13 pieds.
Mais je le trompe peut-être.
Mise à part ce petit doute, l'horreur des guerres, le sort des enfants -soldats en Afrique sont glaçants et, d'une triste réalité.
L'ultime quatrain est dramatique.
Ça ne devrait pas exister.

   Kemo   
7/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un poème d’apparence paisible, qui nous emporte ensuite, au souffle du vent et du sable volant, vers l’horreur quant au sort réservé à ces enfants soldats.
Votre poème est doux comme une brise, délicate écriture, pour mieux nous glacer de son terrible propos.
Une réussite !

   Anonyme   
7/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,

j'ai bien aimé ce poème. Un Rimbaud tropicalisé, ça parle. C'est efficace pour dire la douloureuse actualité.
"iroko" est un joli mot. Il a la bonne idée de rimer avec Bamako. Mais le pénible se demandera où se situe l'action pour qu'il y ait un iroko, là, au nord du Mali, en pleine savane.
J'espi_onne au vers 2 m'a fait hésiter.
L'harmattan aussi est un mot que j'aime. Pas étonnant qu'une maison d'édition porte son nom.

Grosse émotion en lisant votre texte. Le désert avance. Et pas que...

   fanny   
8/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Outre la qualité de la prosodie dont le rythme et le vocabulaire évoquent bien le pays, ce poème me touche d'autant plus que j'ai voyagé au Mali, bien sur, il y avait déjà des tensions au Sahara, mais je ne m'imaginais pas la guerre quelques années plus tard.
Le ton serein et doux, l'acceptation calme du destin, l'empreinte non vindicative des reproches de l'enfant, me rappellent cette population que j'ai beaucoup appréciée, discrète, ouverte, droite et plutôt unie bien que différentes ethnies la composent.

J'aime particulièrement le dernier quatrain dans sa composition et sa chute ; on entend beaucoup parler des guerres, trop peu du sort des adolescents et des enfants-soldats.

   Cyrill   
8/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Inconnu,

L’anaphore, reprise du titre sur deux quatrains, a quelque chose de désespérant. Je lis : il est trop tard. L’enfant soldat ne sera sauvé ni d’une mort probable, ni d’un sort désastreux. C’est son âme qui a été corrompue, et pourtant vous trouvez le moyen de me le faire aimer dans vos vers où il soliloque avec toute la mélancolie du monde.
Les joli mots, exotiques et chantants, et les métaphores nombreuses rehaussent par la beauté ce poème qui à bien des égards est parfaitement désespérant.
Merci pour le partage.

   inconnu1   
8/10/2022

   Yannblev   
9/10/2022
Bonjour inconnu1

Où on démontre bien que la poésie, amante des mots choisis et de la douceur de vivre, peut tout aussi bien avec les mêmes artefacts et la même sensibilité, sans cris intempestifs, nous projeter dans des dramatiques insoutenables en exacerbant même les indignations intestines qu’un langage ordinaire et trop figuratif ne fait que suggérer avant de passer à autre chose.

Merci de nous le rappeler.

   Anonyme   
9/10/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Vous nous contez avec un rare réalisme relevé par une émouvante poésie l'histoire triste et tellement cruelle d'un enfant-soldat se voyant en train de mourir recouvert par un linceul de sable en terre d'Afrique.

On ne peut que succomber sous les coups de machettes de vos vers magnifiques. Ils glissent avec une sensibilité folle pour dépeindre une ambiance où règne la beauté des paysages à l'égale de la cruauté des hommes.

En lisant on sent passer le souffle puissant de l'Harmattan chargé de vie et de mort, beau comme un sanglot où l'on finit par s'étouffer submergé de peine.

Je ne verrai plus le plancher en bois d'iroko du salon de jardin de la même façon !

   Cristale   
12/10/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Inconnu,

La lectrice que je suis a beaucoup, beaucoup de mal à commenter la teneur de textes qui dénoncent ces réalités atroces et absolument insupportables. Les faits de guerre relatant le sort des pauvres soldats de chaque bord et des civils qui ne demandent qu'à vivre tranquilles me sont douloureux alors, quand en plus il s'agit de gamins innocents enrôlés pour servir de chair à canon, j'explose de rage et d'impuissance et je hais l'espèce humaine capable de telles atrocités.

Si je viens avec un peu de retard pour commenter ce poème, c'est à cause du recul que j'exprime plus haut, je ne pouvais pas apprécier essentiellement la forme mais je tenais à dire à l'auteur que la qualité de ses vers ne m'a pas laissée indifférente et ses progrès fulgurants en matière de versification me sont un réel plaisir.

La petite paille qui fait s'arracher les cheveux ayant été dévoilée je ne reviendrai pas dessus, pécheresse moi-même, mais disons le tout haut, la règle des diérèses mériterait d'être revue et modernisée et je suis contre le fait de déclasser, ce qui n'est pas le cas heureusement, un texte pour une seule diérèse omise.

Les alexandrins diffusent une musique sourde, lourde, et les allitérations marquées sur les "c" majoritaires, les "t", les "l" martèlent de leurs sonorités graves les douleurs lancinantes du corps et de la pensée de cet enfant à l'agonie.
La voyelle "a" également majoritaire, selon la prosodie, sous-entend l'éclat, le vacarme, la gravité, en parfaite adéquation avec le sujet : éclat des bombes, bruit des coups de fusil, gravité de la situation.
Les rimes sont excellemment choisies dans leur genre et leur variété.

Terrible récit mais très bien écrit.

Merci Inconnu.

Cristale

   Myo   
6/11/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un sujet difficile s'il en est...

Une première lecture un peu décousue, qui cherche des repères.
Puis ce dernier quatrain qui dévoile la cruauté de l'instant.

Une 2e lecture avec ce recul, plus profonde, plus intense, plus fluide aussi et cette émotion qui se pose au bord des yeux...

Dire l'indicible .... d'une telle manière montre toute l'étendue de votre talent.

Merci

Myo

   Lavekrep   
19/1/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonsoir, d'abord on s'entend lire un poème sans faille qui invite au voyage et à l'esprit léger qui rêve en regardant les nuages passer et puis pas après pas la rêverie s'agonise jusqu'au coup dans le cœur qui vous cloue le regard sur cet ultime vers.
sur le même thème (si vous ne connaissez pas) écoutez "Petit" de Bernard Lavilliers.
Que dire sur la construction...rien!
À vous relire
Lavekrep Codaraque.


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