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Poésie classique
Ioledane : Ennemi de la Nation
 Publié le 15/04/14  -  7 commentaires  -  2517 caractères  -  129 lectures    Autres textes du même auteur

Sur une inspiration d’ordre généalotico-historique, basée sur des événements réels.
Juste une envie de donner la parole à un personnage de l’époque, sans prétention d’exactitude absolue, et sans que ce soit nécessairement l’expression d’une conviction personnelle.


Ennemi de la Nation



L’an mil sept cent soixante-seize
Fut baptisé par moi, curé
De cette paroisse d’Orchaise,
Louis, fils de Pierre Coudré.

Qu’il était vigoureux, le drôle !
Je m’en souviens comme d’hier ;
Il faillit bien choir de l’épaule
De son parrain Jean Mâchefer.

Il fut le plus doux, le plus sage
De mes jeunes enfants de chœur.
Hélas, la paix de ce village
Connut ensuite un grand malheur

Quand des canailles sans vergogne,
Au nom d’on ne sait quelles lois,
Firent leur sinistre besogne,
Mettant bonnes gens aux abois.

***

L’an second de la République,
Comme l’on doit dire aujourd’hui,
Voici qu’en la place publique
De Blois s’en vient vers moi celui

Que je connais depuis l’enfance.
Il arbore les trois couleurs
Dont on a rhabillé la France,
Comme pour parer ses douleurs.

Je me tiens debout dans la presse,
Ennemi de la Nation,
Ne pouvant plus dire la messe
Depuis la Constitution.

Devant Dieu je suis toujours prêtre !
Mais Louis Coudré serait-il
De ceux qui viennent se repaître
De ce spectacle triste et vil ?

La colère, que Dieu condamne,
A manqué me monter au nez :
Il a craché sur ma soutane !
Puis ses yeux se sont détournés ;

Il a rejoint dans un grand rire
Le groupe de nos tourmenteurs.
Il ne me reste plus qu’à dire
Des prières pour ses erreurs.

Je plains beaucoup son pauvre père,
Lui qui fut toujours bon chrétien ;
Mais aussi la gent ordinaire
Qui n’a plus de respect pour rien.

***

Dès l’aube nous prendrons la route
En direction d’Orléans,
Où l’on nous jugera sans doute
Au tribunal des mécréants.

On nous promet la mort certaine :
Soit, Seigneur ! Mais sur ces chemins,
J’aiderai les âmes en peine
À se remettre entre Tes mains.





Notes :
- La presse : la foule.
- Contexte historique : les prêtres furent tous sommés de jurer fidélité à la Constitution civile du clergé, votée par l’Assemblée constituante en 1790, qui réorganisait complètement l’Église en la rattachant à l’État et non plus au pape, donnant aux membres du clergé un statut civil. Ceux qui refusèrent (les insermentés, ou réfractaires) se virent interdire l’exercice de leurs fonctions. Ceux qui passèrent outre cette interdiction furent persécutés.


 
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   LeopoldPartisan   
3/4/2014
 a aimé ce texte 
Bien
restauration, restauration... Pauvre clergé comme il était mieux traité sous les monarques absolus, au moins on le respectait mais surtout on le craignait lui et toutes les supersitions qu'il drainait pour empêcher toute émancipation.

Une cure de pauvreté voilà qui n'a pas eu l'air de lui plaire, pourtant de connaître la faim aurait du lui permettre de mieux connaître ce troupeau dont il était le berger.

Pour le style, c'est clairement et bien exprimé, pour la vérité historique c'est le retour du berger à la bergère car qui sème le vent récolte la tempête...

   Robot   
4/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il n'y aurait pas de honte à avoir la conviction qu'une atteinte aux libertés soit contraire aux droits de l'homme. La révolution française de 1789 a connu ses avancées "démocratiques" mais aussi des dérives oppressives condamnables.
Difficile de "juger" les évènements du passé avec le regard d'aujourd'hui et de cela vous vous gardez heureusement. La notion de laïcité n'était pas entièrement acquise d'un côté comme de l'autre. Voila pour le fond.
J'apprécie que votre texte utilise le paradoxe: C'est de l'enfant dont on espérait qu'il prendrait une certaine voie que va se révéler l'oppression. Il y a une tolérance dans l'exposition de ce moment cruel de l'histoire . Beaucoup apprécié ce passage expressif:
"La colère, que Dieu condamne,
A manqué me monter au nez :
Il a craché sur ma soutane !
Puis ses yeux se sont détournés ;"

   Anonyme   
15/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Ioledane. Voilà un épisode de notre Histoire parfaitement traité à travers des personnages que je suppose imaginaires... vu que mes recherches sur wiki n'ont rien donné.
Ca m'aura permis de retrouver ces réfractaires fidèles à leurs engagements et qui le paieront parfois de leur vie... alors que 1905 verra de nouveau la séparation de l'Etat et de l'Eglise.
J'ai bien aimé le monologue de ce curé de campagne qui ne renie rien et marche au supplice la tête haute.
Un travail sérieux, fort bien mené et soutenu par une écriture classique sans faille... Vraiment un très bon texte ! Merci...

   Anonyme   
15/4/2014
Bonjour Iolédane

S'il a sa place, méritée, en poésie classique, je ressens plutôt ce texte comme une complainte chantée à la veillée pour l'édification des auditeurs.

Elle en a toutes les qualités. Une écriture fluide, narrative, à la fois simple (pour être comprise de tous) et recherchée (pour impressionner l'auditoire)

"L’an second de la République,
Comme l’on doit dire aujourd’hui,
Voici qu’en la place publique
De Blois s’en vient vers moi celui

Que je connais depuis l’enfance.
Il arbore les trois couleurs
Dont on a rhabillé la France,
Comme pour parer ses douleurs."

Au delà de ses qualités d'écriture, ce texte a le grand mérite de sortir des sentiers battus. Évoquer les états d'âme d'un prêtre réfractaire aux idéaux de la République, fallait oser. Même s'il va à contre-sens le saint homme est sincère et dévoué à sa tâche.

"J’aiderai les âmes en peine
À se remettre entre Tes mains."

Bien que ne partageant en rien les convictions du narrateur, je ne puis qu'applaudir à cette idée dépaysante dans tous les sens du terme.
J'ai adoré.

Merci Iolédane pour cette lecture inattendue et bravo

   senglar   
15/4/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Ioledane,


Bien entendu j'ai pris note de l'exergue :)


"...
Mais aussi la gent ordinaire
..."
... dit bien la mentalité rétrograde de ce curé fidèle à la hiérarchie Clergé/Noblesse/Tiers Etat et dans ce Tiers Louis Coudré, quelque vigoureux drôle qui aura la méséance de quitter sa place assignée, ouvrier ou paysan.

Servir la République lui aurait apporté l'humilité dont il semble avoir manqué ici :)

Il tenait pour acquis inébranlable l'ordre immuable établi par Dieu en personne :
Ceux qui se battent
Ceux qui prient
... et ceux qui travaillent à genoux et en rangs d'oignons à l'église et dans les champs pour nourrir les deux autres en attendant un monde meilleur où il pourront prier le Grand Autre. C'est qu'ils ne seront pas quittes pour autant ;) Serviteur tu es serviteur tu restes ;)

Fort heureusement et fort opportunément il y eut le bon docteur Guillotin pour l'envoyer prier ailleurs.

lol

brabant

   Miguel   
15/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il n'est pire imposture que de se faire persécuteur au nom des libertés, et trop de régimes autoproclamés progressistes s'y sont joyeusement livrés. La Révolution française, avec quelques autres révolutions, est un triste exemple des exactions de ces charmants amis des droits de l'homme. Ce texte a le mérite d'exprimer un point de vue aujourd'hui au mieux négligé, au pire regardé comme condamnable. La parole donnée à ce prêtre persécuté (car dans ce contexte on la voit trop souvent donnée à la bonne conscience des persécuteurs : Saint-Just , "Pas de liberté pour les ennemis de la liberté") nous le montre dans son humanité, dans sa fidélité, dans sa détresse et dans sa dimension christique de victime offrant son pardon. Le présent de narration, employé pour un temps fort du récit, ajoute à l'aspect saisissant de la scène. La fin rappelle "Le Dialogue des Carmélites", de Bernanos, où les religieuses, victimes des mêmes criminels, montent à l'échafaud en chantant le "Veni creator".
On doit souligner le caractère actuel de ce texte, puisque aujourd'hui encore, sans parler des pays où le christianisme est persécuté par une autre religion, les chrétiens de Chine fidèles à Rome sont en prison, pour les plus chanceux. Il faut, pour pouvoir vivre en paix, adhérer à l'église officielle de Chine soumise au régime : autres temps, même meurs.

   Charivari   
16/4/2014
Bonjour Iolédane.

Voici donc les chroniques d'un curé de mauvaise foi. Mauvaise foi, dans le sens où il dit "Ne pouvant plus dire la messe depuis la Constitution", ce qui est faux, puisqu'il pouvait parfaitement la dire, sa messe, comme vous faites remarquer dans vos notes en fin de texte, s'il avait renoncé aux privilèges de l'Eglise et accepté la constitution civile du clergé. Ce genre de raccourci était monnaie courante à l'époque, comparable au célèbre "l'école sans Dieu c'est l'école contre Dieu" de l'époque Jules Ferry. Bref, ce texte a vraiment des qualités, rimes bien troussées et contextualisation historique excellente ; par contre, ce qui me chiffonne un peu - beaucoup en fait-, c'est le but du texte, son message : l'auteur nous dit que ce ne sont pas forcément ses idées, mais un texte en principe vaut par lui-même sans besoin d'introduction, et là, on a quand même plus l'impression d'un argumentaire réactionnaire en faveur de l'ultramontanisme qui choque avec les valeurs des droits de l'homme et laïcisme, que d'un texte poétique ou un exercice historique.

Si vous aviez vraiment voulu dénoncer les persecutions religieuses, pourquoi ne pas avoir situé l'action à l'époque de la Terreur, pendant les chouanneries, dans ce cas-là, l'indignation de votre curé aurait été tout à fait justifiée. Mais là, non, ses jérémiades personnellement, m'ont insupporté et je comprends parfaitement ce Louis qui lui crache dessus.


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