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Poésie contemporaine
Ithaque : Rosie et Jean
 Publié le 14/04/18  -  8 commentaires  -  1768 caractères  -  129 lectures    Autres textes du même auteur

À vous... mes deux héros que je n'ai pas connus !...


Rosie et Jean



Plume Sergent-Major, j’entrais en poésie
À l’âge où les garçons jouent à l’arc et au sabre,
Ma vocation naquit d’un soldat sous un arbre,
Photo d’un caporal et sa femme Rosie.

Elle, main sur l’enfant qui grandit dans sa peau,
L’autre sur la vareuse où court la fourragère,
Dans ses cheveux de jais l’argent d’une fougère
Symbolisant l’espoir brille au coin d’un chapeau.


L’homme, à peine vingt ans, me regarde sans voir,
L’esprit déjà perdu sur le Chemin des Dames
Où l’attendaient, pauvret ! les charniers et les drames,
La mort fardée de gloire et de sens du devoir.

Jeune artiste dont l’œuvre a péri sur le front,
Poème inachevé griffé sous la mitraille,
Jean m’écrit : « Petit-fils qui naîtra des entrailles
De ma fille orpheline, un jour, lave l’affront !

Forge tes plus beaux vers au service des gens,
Ouvre un puits de clarté dans la sombreur humaine,
Combats l’idolâtrie, l’ignorance et la haine,
Les dogmatismes vils et donne aux indigents

La force d’espérer un meilleur avenir !
Témoigne du destin que le sort nous prépare,
Nos jeunesses volées, la faim qui nous égare
Dans la boue des tranchées, la peur du devenir...

Poète ! fais jaillir des fleurs dans les canons ! »
Puis... le texte se tait sur l’ultime apostrophe,
Dernier trait de crayon, incipit d’une strophe
Au moment où l’obus détruisit le chaînon

Qui liait mon grand-père au monde des vivants...
Le chagrin emporta près de lui sa déesse,
Égérie de toujours, épouse et poétesse !
Fraîches pousses fauchées, ils ont, dorénavant,

Pour composer leurs vers... l’écritoire éternel !


 
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   papipoete   
28/3/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
contemporain
je vous vois tous-deux Jean le soldat et Rosie qui l'attend, et cet enfant qui pousse en elle . Il mourra au champ de bataille et sa mie de chagrin s'éteindra . Mais de leur fille orpheline, je naîtrai pour pouvoir vous parler d'eux en ce jour !
NB un message de paix que ce grand-père avait commencé d'écrire, mais qui ne put le finir sous l'obus d'un canon ! Son voeu est toujours d'actualité, avec l'assassinat d'innocents près de Carcassonne, et l'acte de bravoure d'un vaillant soldat sans vareuse, mais couvert d'honneur !
la 5e strophe est belle et malheureusement intemporelle ! l'ultime vers réunit ces 2 êtres qui s'aiment pour toujours ! très beau !
vous avez opté pour la forme " contemporaine " , aussi n'est-il pas nécessaire de vérifier votre métrique ?
papipoète

   Anonyme   
4/4/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
EL
Très bel hommage à ceux qui n'existent plus que sur une photo sépia posée sur une étagère.
J'aime la mise en scène, la mise en images, l'histoire. Le poème est rythmé, la lecture avance toute seule.
Je n'aime pas quelques images ou mots ou tournures emphatiques. L'écueil si fréquent de la versification.

   troupi   
14/4/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Ithaque.

Simple goût personnel le poème est un peu long mais c'est un bel hommage à ces gens qui ont été sacrifiés et pas seulement au front mais aussi dans les familles. A-t'on un jour compté les dépressions provoquées par les guerres ; sûrement pas.
L'écriture est fluide et j'ai particulièrement apprécié l'envolée du dernier vers.

   Anonyme   
14/4/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour

La fleur au bout du fusil : ce texte dur et peut-être un peu simpliste
dit bien ce qu'il veut dire mais ce n'est en réalité jamais aussi simple.
Combattre l’idolâtrie, l’ignorance et la haine, Les dogmatismes vils
avec des poèmes est plus un leurre qu'une matérialité. Hugo est bien loin derrière nous.
Reste, bien sûr, de bonnes intentions et ce poème est dans l'ensemble
bien écrit : nous sommes en contemporain.

   Anonyme   
14/4/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
" Ma vocation naquit d’un soldat sous un arbre,
Photo d’un caporal et sa femme Rosie." Une simple photo, un poème inachevé, et le vent de la poésie vient souffler sur le jeune garçon.

" Elle, main sur l’enfant qui grandit dans sa peau" j'aime beaucoup cette image.

Joli poème et bel hommage à l'un de tous ceux qui ont eu leur " jeunesse volée " "dans la boue des tranchées ".

Un petit + pour ce quatrain :
" L’homme, à peine vingt ans, me regarde sans voir,
L’esprit déjà perdu sur le Chemin des Dames
Où l’attendaient, pauvret ! les charniers et les drames,
La mort fardée de gloire et de sens du devoir. "

   Annick   
14/4/2018
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Je cite votre poème :

"Jean m’écrit : « Petit-fils qui naîtra des entrailles
De ma fille orpheline, un jour, lave l’affront !

Forge tes plus beaux vers au service des gens,
Ouvre un puits de clarté dans la sombreur humaine,
Combats l’idolâtrie, l’ignorance et la haine,
Les dogmatismes vils et donne aux indigents

La force d’espérer un meilleur avenir !
Témoigne du destin que le sort nous prépare,
Nos jeunesses volées, la faim qui nous égare
Dans la boue des tranchées, la peur du devenir...

Poète ! fais jaillir des fleurs dans les canons ! »"

Dans l'ensemble, quelle puissance évocatrice ! Les vers ci-dessus en sont le point culminant. J'aime cette idée romantique qu'on peut témoigner de la barbarie, de l'idôlatrie, et ainsi, même si c'est une goutte dans l'océan, contribuer à changer le monde ou entretenir la Mémoire de ceux qui ont payé de leur vie le prix de la liberté. Même si c'est une utopie, l'idée est tellement belle. Du reste, on étudie dans les écoles des poèmes engagés comme "l'Affiche rouge" d'Aragon.
Pour ergoter un peu, une tournure que j'aurais aimée différente : "qui grandit dans sa peau".
Je trouve également qu'il y a un peu trop de compléments circonstanciels commençant par sous, dans, sur, où, comme "où les garçons", "sous un arbre", "sur l'enfant", "dans sa peau", "sur la vareuse", "où court la fourragère", "dans ses cheveux", "sur le chemin des Dames", "où l'attendaient", "sur le front", "sous la mitraille", "dans la sombreur humaine", "dans la boue des tranchées", "dans les canons", "sur l'ultime apostrophe", "où l'obus". Mais comme le poème est assez long, cela ne semble pas avoir des conséquences réelles quant à la fluidité ou la poésie qui se dégage de ce texte. Je voulais donc juste souligner ce point.

J'aurais aimé écrire ce beau poème. J'en ai écrit un sur ce sujet, d'ailleurs.

Merci et bravo.

   Anonyme   
16/4/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Il y a du romantisme à foison dans ce poème. Les deux prénoms du titre d'abord, puis l'histoire rapportée par ce petit garçon qui, à partir d'une photo "d'un soldat sous un arbre, photo d'un caporal et sa femme Rosie" voit naître sa vocation pour laisser divaguer sa plume Sergent-Major autour du drame de la guerre qui a laissé ses traces indélélibes.

Tel un vaillant et doux héros, il imagine ce que ce grand-père qu'il ne connaîtra jamais lui demande : de "faire jaillir des fleurs au fusil", là où d'autres répondraient aux armes par les armes, et à la violence par la violence... Sa façon à lui de rendre hommage à son héros "jeune artiste dont l'oeuvre a péri sur le front", et on imagine sans peine "l'oeuvre" dont il s'agit.

L'ambiance propre à cette période de l'Histoire, avec ses drames, grands ou "petits", est très bien rendue sur le tableau que tu nous proposes. J'y ressens pour ma part, tout ce qui a pu briser des familles entières sans que jamais personne ne remette vraiment en question la guerre et ses atrocités. Une sorte de résignation fataliste...

Merci, Ithaque, d'avoir "ouvert un puits de clarté dans la sombreur humaine".


Cat

EDIT : j'ai oublié de parler de l'impression que me donne aussi ce poème, à savoir comme une réhabilitation consciente ou pas, du poète envers "l'orpheline" comme un geste de tendresse émouvante de l'enfant pour sa mère...

   jfmoods   
16/4/2018
Ce poème, composé de 8 quatrains et d'un monostique, est à rimes embrassées, suffisantes et riches, majoritairement féminines. Le dernier vers ne propose pas d'écho à la rime.

La seconde strophe ne me semble pas épouser le rythme de la lecture. Je la ponctuerais plutôt ainsi...

Elle, main sur l’enfant qui grandit dans sa peau,
L’autre sur la vareuse où court la fourragère ;
Dans ses cheveux de jais, l’argent d’une fougère
- Symbolisant l’espoir - brille au coin d’un chapeau.

I) Le terreau de l'écriture

1) Deux figures tutélaires

Les grands-parents du locuteur, poètes (lui : "Jeune artiste", elle : "Égérie de toujours, épouse et poétesse"), scellèrent son destin ("Ma vocation naquit d’un soldat sous un arbre, / Photo d’un caporal et sa femme Rosie").

2) Deux victimes

Ils comptèrent parmi les millions de morts de la Première Guerre mondiale ("l’obus détruisit le chaînon / Qui liait mon grand-père au monde des vivants", "Le chagrin emporta près de lui sa déesse", métaphore : "Fraîches pousses fauchées").

II) L'héritage dévolu au poète

1) Un passeur de mémoire

Il doit savoir tirer les leçons du passé (énumérations à rythme ternaire : "l’idolâtrie, l’ignorance et la haine, / Les dogmatismes vils", "Nos jeunesses volées, la faim qui nous égare / Dans la boue des tranchées, la peur du devenir").

2) Un constructeur

Il doit donner la force de croire en un avenir meilleur pour l'humanité (impératifs : "Forge tes plus beaux vers au service des gens", "Ouvre un puits de clarté dans la sombreur humaine", "fais jaillir des fleurs dans les canons !").

Merci pour ce partage !


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