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Poésie contemporaine
JE : Vandale
 Publié le 26/12/16  -  9 commentaires  -  2149 caractères  -  132 lectures    Autres textes du même auteur

Le graffiti comme expression publique.


Vandale



Gros mal au cœur,
Journée d’labeur
À cent sous d’l’heure,
Plein d’airs moqueurs.
Caquet fermé,
Gueule déformée,
Pas d’quoi s’affirmer.
L’idée a germé :
Ce soir, après bouffer,
J’sortirai graffer.

Besoin d’un rien
Pour jouer l’vaurien ;
Aérosol, cap ajustée,
Et cette peur à délester.
Sûr d’être filmé, épié,
J’cacherai ma ganache
Sous un keffieh.
J’quitterai bravache
Mon triste clapier
Dévalant avec panache
Le grand escalier.
Ce soir, mal attifé,
J’sortirai graffer.

Pas d’place pour moi
Dans les débats ;
Deux, trois bourgeois
Ont la gueule de l’emploi.
Alors, en scélérat,
La rue comme agora,
J’sortirai ma peinture
Pour gribouiller les murs.
Dans tout c’fatras
J’crierai à bout d’bras ;
Y a pas d’censure
Sur les clôtures.
Plutôt qu’d’me taire
J’ferai couler, protestataire,
Ma verve libertaire
Sur les panneaux publicitaires.
Ce soir, pour m’rebiffer,
J’sortirai graffer.

Juste pour flopper
Pas d’temps à perdre
Des mots à peindre
J’en ai une floppée.
J’aime le désordre
Dans cette foutue mélopée,
Sentir l’adrénaline poindre
Quand il faut décamper.
Ce soir, pour m’réchauffer,
J’sortirai graffer.


En grosses lettres
J’graverai sur des mètres
Le fond d’mon mal-être.
Ce sera comme une lettre
Adressée à mes concitoyens,
Histoire d’leur prouver
Qu’dans leur quotidien
Il est possible de s’soulever.
Ils en ont les moyens
Et n’doivent pas s’en priver.
Technique ancestrale,
Faite d’esquisse verbale,
Faisons de cet art illégal
Notre dada ornemental.
Ce soir, pour piaffer,
J’sortirai graffer,
Ma bombe pour pinceau,
Et mon tag en guise de sceau.




Je vous salis ma rue, place de graines,
Les graffeurs sont avec vous.
Vous êtes vernie par toutes nos cans,
Mais les argus, gardiens de vos murailles,
Nous ont bannis.


 
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   papipoete   
15/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
contemporain
le héros en a gros sur le coeur, et pour s'épancher, la nuit venue alors que deux ou trois bourgeois déambulent, il sortira graffer avec sa bombe pour pinceau .
NB ce cri silencieux résonne dans la rue où le mal-être s'exprime en tags rageurs !
La conclusion en forme de " je vous salue Marie " me touche particulièrement !
papipoète

   Anonyme   
26/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
C'est du joli, vouloir salir nos rues à coups de bombe.
C'est du joli, ce poème !
Mais dans la rue, même si je n'y vais plus guère préférant les forêts, j'y ai bien rarement vu ce genre de cri, juste des tags sans aucun sens pour le commun des gens, juste des gribouillis.
Ce poème à lui seul prendrait toute la façade d'un immeuble, et peut-être serait-il lu et apprécié à sa juste valeur, mais en prison finirait tout de même le gars qui l'aurait tagué. L'art de la rue, c'est une chose, mais en cachette ou bien encadré par des traditions, certains jours, certaines années, bien organisé pour que ça rapporte un peu beaucoup quand même.
Pour revenir au texte, j'ai bien aimé " la rue comme agora", la dernière partie même si elle me laisse un brin sur ma fin.
Merci d'avoir essayé.

   Anonyme   
26/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
" Gros mal au cœur,
Journée d’labeur
À cent sous d’l’heure,
Plein d’airs moqueurs.
Caquet fermé,
Gueule déformée,
Pas d’quoi s’affirmer. "
Voilà comment est considérée et menée la plèbe par la prétendue élite (élite ?)
L'idée de traduire ce mal être et cette condition sociale au moyen de graffitis est originale. Mais ce n'est pas tellement le cas de ceux qu'on lit sur les murs.

"Y a pas d’censure
Sur les clôtures.
Plutôt qu’d’me taire
J’ferai couler, protestataire,
Ma verve libertaire
Sur les panneaux publicitaires.
Ce soir, pour m’rebiffer,
J’sortirai graffer."

" Je vous salis ma rue, place de graines, " la contrepèterie est excellente pour traduire l'idée ; ceci vaut la petite flèche +

   Anonyme   
26/12/2016
Le texte est très rapide sauf la dernière strophe, il y a un mordant. Le genre du slam est lié à la contre-culture qui n'en est pas vraiment une. Tu aurais pu parler d'autres situations pour les taggueurs, parfois c'est légal, il y a des murs dédiés aux tags. Ainsi que de l'effet produit sur les spectateurs. Le long de la voie ferrée près de chez mes parents il y avait des dessins impressionnants, dans un style de bande dessinée et un renouvellement du mur. Je ne crois pas que c'était interdit, il ne me semble pas, on voyait les dessinateurs en plein jour.

Tu aurais pu aussi décrire les dessins. Tu t'es focalisé sur le taggeur et al critique sociale, c'est bien aussi. J'aime bien.

   Raoul   
27/12/2016
 a aimé ce texte 
Bien
J'aime bien cette rapidité, ce rythme, ces mots bouffés, faut aller vite pour graffer. Et on les voit comme ça, en passant, dans le train, le long des palissades et terrains vagues.
Moderne, contemporain et pourtant je trouve le vocabulaire parfois un peu cliché, façon Audiard - voir même Tintin -, ("labeur, caquet, ganache, scélérat, bravache, vaut-rien, piaffer"…), ça tire un peu trop (?) le texte du côté Gavroche du Paname des années d'après guerre… L'emprunt fait à Prévert accentue ce trait.
De très belles idées "La rue comme agora", ou "Notre dada ornemental", ou encore " Ce sera comme une lettre
Adressée à mes concitoyens" : y pointe l'idée du Dazibao. Prêt pour la prière finale.
Ce texte est lui-même un graf de pixels.

   Pouet   
27/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bjr, un peu d'histoire si vous le voulez bien:

"Des graffitis remontent de deux millénaires à Pompéi, car il s'agit de l'un des rares sites qui soit suffisamment bien conservé. En effet, les graffitis sont par essence éphémères et disparaissent, soit parce que leur support a disparu, soit parce qu'ils ont été effacés ou recouverts manuellement ou qu'ils ont été victimes de l'érosion naturelle de leur support. L’Antiquité et le Moyen Âge ont laissé de nombreux exemples de graffitis : l'Agora d'Athènes, la Vallée des rois en Égypte, les grands caravansérails du monde arabe, etc. Ces inscriptions ont parfois une importance historique qui est loin d'être anecdotique, en prouvant par exemple que des mercenaires grecs ont servi en Égypte au VIIe siècle avant l'ère chrétienne. Dans la cité d'Éphèse, on trouvait des graffitis publicitaires pour les prostituées, indiquant de manière graphique à combien de pas et pour combien d'argent on pouvait trouver des professionnelles de l'amour."

Du coup le terme "agora" et la référence au "Gardien aux cent yeux" de la fin ne font pas "tâche" (d'aérosol). D'ailleurs cette dernière strophe en forme de prière est très très bien vue.

J'ai bien aimé ce texte notamment pour son thème assez peu traité en poésie me semble-t-il. J'ai un peu côtoyé quelques graffeurs, l'état d'esprit me parait bien rendu. L'esprit de compétition (voire plus...) qui règne entre eux n'est pas forcément évoqué toutefois. On est plus sur un type en solo, il n'est pas question de crew.
Il est bon de rappeler qu'on parle bien "d'art" ici et que certaines fresques valent vraiment le détour.

Quoiqu'il en soit, un très bon moment pour moi.

   Francis   
27/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
"j'sortirai graffer" pour assouvir une double envie : braver l'interdit, l'ordre établi et exprimer mon mal vivre, ma différence, ma révolte. On peut y voir aussi l'envie de laisser sa trace ( son sceau). Une manière de dire " je graffe donc j'existe". Il m'est arrivé de contempler longuement les tags sur les vestiges des blockhaus de ma Côte d'Opale. Certains étaient pou moi de véritables œuvres d'art. Ce texte mériterait d'être mis en musique !

   funambule   
27/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Très chantant pour une poésie, j'entends dans le sens du rythme et je verrais bien une petite déclamation, voire zication. Pas sûr (comme en tout) qu'il y ai un profil type mais j'aime bien ce p'tit gars qui me rappelle tous les gars du monde au même age. Une petite révolte joyeuse comme j'aime, sans vraie haine ni méchanceté, simplement l’incompréhension de ce monde à jamais perdu pour la jeunesse. Que nos exploits bénins soient bénis en attendant la péridurale de la vie.

   Robot   
27/12/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je trouve ce texte intéressant à déclamer comme un slam aux vers inégaux qui ajoutent à la force expressive de l'oralité. Et l'argot mélangé aux contrepets ajoute aux effets oratoires.


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