Ma fille,
Si sa femme est jolie, c’est que l’homme a du goût, Mais si elle ne l’est pas, c’est l’amour qui rend fou. L’enfant a de l’esprit ? C’est le portrait du père, La mère n’intervient que s’il a des travers.
Un homme est souvent beau quand il est en colère, La femme doit sourire, elle ne peut déplaire. Il peut bien crier fort, il défend son honneur. Quel motif aurait-elle à montrer de l’humeur ?
Un homme reste calme, c’est preuve d’énergie, La femme reste calme, ça c’est de l’apathie. Car l’homme est opiniâtre et la femme têtue. Monsieur est olympien quand elle est abattue.
À moins qu’il soit victime d’aliénation majeure, La raison du mari est toujours la meilleure. Un homme rentre tard, c’est un dîner d’affaires, L’épouse rentre tard, c’est toute une autre affaire !
La femme admire l’homme qui sait taire un secret, Il est comme oublié, effacé, aux arrêts. Si c’est à une femme qu’il est jamais confié. À toute oreille ouverte… il sera dévoilé !
Un homme, détendu, mérite son repos, Car lourdes sont les charges cumulées sur son dos. La femme, reposée, ne doit pas oublier, Le linge à repasser, la soupe à préparer.
S’il revêt un costume qui comporte un gilet, On dit alors de l’homme qu’il possède un « complet » Devant sa garde-robe, pourtant pleine à craquer, La femme ne voit rien qui puisse l’habiller.
Les exemples foisonnent, mais je dois m’arrêter, Délaissant les défauts, j’ai pris les qualités. Je crois avoir ici, vous l’aurez tous compris, Défini les deux sexes sans aucun parti pris.
Papa
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Ma fille,
Ton père a de l’esprit, mais trop d’autorité Pour que j’ose, en ce mot, même un peu, le blâmer. On pourra cependant démentir tout cela, Sans qu’il soit capital d’en faire tout un plat. Tout ceci, forcément, n’en déplaise à ton père, Sera, fatalement, distillé par ta mère.
Parlons du goût de l’homme, qui nous veut mince et belle, Bien qu’il soit rondouillard, décoiffé, en bretelles. De son calme olympien, quand il est en colère, Jurant comme un païen et flanquant tout par terre. De ses fréquents dîners, se terminant la nuit, Où là, curieusement, il rentre sans un bruit.
Son fiston lui ressemble et c’est presqu’en tous points, Sous les traits du visage, on voit poindre le groin. Car il peut exiger, trépigner puis bouder, S’il n’a pas, sur le champ, ce qu’il a demandé. C’est étonnant, vraiment, le peu de différence, Séparant l’âge mûr de celui de l’enfance.
Rien ne se fait sans lui, il faut qu’il soit présent. Pourrait-on réussir sans guide compétent ? Ce bricoleur hors pair prendra les choses en mains, À condition, bien sûr, qu’on attende à… demain. Il sait de quoi parler, quand il nous dit « repos », Ce valeureux guerrier plus souvent sur le dos.
Il n’a qu’un seul habit, les autres, que veux-tu, On les a tous donnés, depuis qu’il est ventru Et comme il croit pouvoir retrouver ses vingt ans, Depuis plusieurs années il sort comme un mendiant. Tu pourrais croire, ici, que je fais de l’esbroufe, Tu vois, trop peu souvent, ce héros… en pantoufles.
Je n’ai pas toujours su, naïve que j’étais, Obtenir de papa tout ce que je voulais. Cependant, malgré tout, je ne peux que l’aimer, Le pendant masculin que la vie m’a donné. Car il croira toujours, dans sa naïveté, Être le maître à bord… Pourquoi le détromper ?
Maman.
Et si « Maman » paraît comme une signature, Lecteur sois assuré, que c’est une imposture !
Jean S.
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