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Poésie néo-classique
Lagomys : Le rat et les cerises
 Publié le 16/01/12  -  11 commentaires  -  1294 caractères  -  230 lectures    Autres textes du même auteur

Fable…
… dans les sabots du Maître.


Le rat et les cerises



Oyez le dit du rat perdu dans le désert
Qui rêve d'entrechats, perclus d'ample misère.
Ne récoltant pitance
Qu'en un soleil intense,
Il tait vaine espérance
De moindre délivrance.

Quand fortuite jaillit, se libérant du sable,
L'apparition bénie du salut improbable :
Sous des branches graciles,
Promesse d'un asile,
Une ombre délicate
Parsemée d'écarlate.

Les fruits gras et juteux enchantent ses papilles,
Puis le gourmand repu dansoie sous les ramilles.
Le lendemain alors,
Et chaque jour encor,
Au rat, échu du ciel,
L'en-cas providentiel.

Mais dans les jours qui vont grandit soif de profit
Et l'impatient glouton de prudence fait fi,
Grimpant sur son sauveur
D'une féroce ardeur,
Gauchi de convoitise
Engloutit les cerises.

Le charitable ami navré de cet outrage
N'offrira plus jamais ses mannes en partage.
Pour la bête affamée
Plus de fruits essaimés,
De l'arbre desséché
Nul ombrage où nicher.

Puis sans son bienfaiteur
Le rat décline et meurt
Ne laissant que néant
À d'autre mécréant.

Planèt', ô planète, prodigue guigne bleue,
Restera loin des rats l'abondance des cieux.


 
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   Anonyme   
9/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien
J'aime beaucoup la "prodigue guigne bleue", l'image est parfaite ! Sinon, j'apprécie le rythme sautillant, allègre pour dire des choses plutôt sinistres, mais regrette la morale assez lourdaude (par exemple que le cerisier soit qualifié de "navré" ; c'est trop anthropomorphique à mon avis). Beau dernier vers pour moi, cela dit.

   Lunar-K   
9/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Une fable écologique plutôt plaisante, avec un véritable travail formel, ce qui est plutôt rare dans ce genre de texte. Non que les fables soient généralement mal écrites, bien sûr que non, mais, en général, l'histoire y prime sur la forme, souvent très dépouillée dans le but, précisément, de faire passer le récit au premier plan sans le concurrencer. C'est en tout cas l'expérience (certes un peu mince) que j'ai de ce genre poétique bien particulier.

Mais ce n'est pas du tout le cas ici, bien au contraire. Heureusement même... C'est que tant l'histoire que la morale et la chute me paraissent finalement assez simplistes. Pas mauvaises, non, mais simplistes (quoique j'apprécie beaucoup le parallèle avec l'histoire du péché originel, l'arbre et le fruit défendu... parallèle assez implicite qui me semble ajouter une dimension supplémentaire assez bienvenue ; il me semble également, sur le même registre, déceler un parallèle avec l'Exode et l'épisode des mannes dans le désert, non ?).

Par contre, si le fond, lui, ne me séduit qu'à moitié, la forme, quant à elle, me plaît vraiment beaucoup. Le style est fort élégant, avec quelques formulations et images tout à fait originales. Pour n'en citer que deux, je retiens essentiellement : "Oyez le dit du rat perdu dans le désert" et "Planèt', Ô planète, prodigue guigne bleue"... J'aime aussi beaucoup cet espèce de décalage "ironique" entre fond et forme, tragique et légèreté. C'est pour moi un "bon" décalage (tous ne le sont évidemment pas...), qui apporte vraiment un plus à ce texte.

Bref, un bon texte selon moi, malgré une histoire un peu trop simple à mon goût (bien que, à cet égard, les références bibliques, volontaires ou pas, parviennent à en rehausser l'intérêt et la portée). C'est ainsi surtout la forme qui vaut le détour, ce qui est plutôt étonnant pour une fable. J'ai bien aimé.

Merci à vous !

   Anonyme   
16/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Ô Lagomys ! J'ai trouvé ce texte extra, surtout pour ce qui est de l'écriture ; quelques jolies formulations comme par exemple le premier vers :Oyez le dit du rat perdu dans le désert... ou encore
Puis le gourmand repu dansoie sous les ramilles.
Quelques touches de "vieux françois" qui ne sont pas pour me déplaire comme ce "dansoie" fort bien amené... et aussi
Planèt', ô planète, prodigue guigne bleue,.
Dans ce vers je pense que le premier planèt' pouvait s'écrire en entier car le ô élide le e final.
Une fabulette vraiment sympa à laquelle je reprocherai simplement les deux vers de chute, un peu tordus à mon goût.
En fait c'est un peu la poule aux œufs d'or revue, corrigée et adaptée à notre vieille guigne bleue ! Que tous les rats du monde vous entendent !

   brabant   
16/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Lagomys,


Beaucoup d'humilité dans l'exergue... mais La Fontaine lui-même a beaucoup marché dans les sabots des autres, pour ne pas dire essentiellement, et pourtant quel talent ! Alors ne complexe donc pas et savourons à sa juste valeur cette manne écarlate, la planète est plus douée que Jéhovah, qu'Allah et Bouddha.

"Chic planète" glapissait l'autre.

Mais... je frémis ! Suggérerais-tu que nous sommes des rats ? des gourmands repus... des gloutons !

Outrage !


Je viens justement de planter (à la Sainte Catherine) un cerisier... Bon, c'est entendu, j'en laisserai les fruits aux oiseaux. Peut-être que le désert fleurira malgré tout si je m'y perds ! Saint François, priez pour moi !


Merci pour cette fable cependant prémonitoire !

   funambule   
16/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte "souriant" parce qu'il épingle presque joyeusement l'humaine contradiction de nos comportements et le paradoxe des instants d'opulence que trop peu nous apprécions... ou après, lorsqu'ils ne sont déjà souvenirs. Étrange est l'homme qui veut se "refaire la cerise" une fois l'arbre à terre. La forme aussi est délectable... mais je n'en abuserais point, mes pupilles gustatives sont prudentes ce soir!

   Charivari   
16/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour.

J'ai plutôt aimé. Une fable écolo assez sympa au niveau du fond (un peu facile ceci dit), même si j'ai dû m'y reprendre à deux fois pour la comprendre.

Un peu plus de mal à cerner la dimension "biblique" recherchée dans ce texte, par contre...
"Ne laissant que néant
À d'autre mécréant."
-> j'avoue ne pas bien avoir compris... Le rat était mécréant ? Le cerisier serait le don de Dieu et que les hommes ont gaspillé ? Ou alors "Mécréant" ne servait qu'à faire une rime ? Dans ce cas-là, ce n'est pas très heureux, parce que ce mot, assez fort et connoté, placé en fin de texte juste avant la conclusion, nous donne à penser qu'il y a une autre lecture, religieuse, pour ce texte.
Après réflexion : si à la fin on a "l'abondance des Cieux", ce n'est pas pour rien... Mais je pense que tu en dis trop ou trop peu, là, en abordant la thématique religieuse.

La forme est originale. Du vieux français, mais surtout un vrai rythme... De la même manière que pour le fond, j'ai dû m'y reprendre à deux fois pour apprécier ces 4 rimes coup sur coup sur chaque strophe (au début je trouvais ça trop, et puis finalement, non, c'est du tout bon!).

Donc, heureusement que j'ai lu avec attention, sinon, je serais passé à côté... Mais cette fois-ci, mon peu de talent de lecteur, je vais aussi le transformer en reproche : je pense que dans une fable, qui finalement est comme un petit conte rimé, c'est important d'être facile à lire, direct...

Sinon, j'ai beaucoup aimé : Oyez le dit du rat perdu dans le désert / le gourmand repu dansoie sous les ramilles /Planèt', ô planète, prodigue guigne bleue -> ça, c'est très fort !

Et beaucoup moins :
"Qui rêve d'entrechats, perclus d'ample misère" -> pas du tout compris les deux tournures, qui me paraissent très maladroites... Que viennent faire les entrechats (petits pas de danse) ici ? Et comment peut-on être perclus de misère et surtout si cette misère est "ample", quand "perclus" signifie prisonnier, immobilisé. C'est ce deuxième vers, d'ailleurs, qui m'a rebuté et empêcher pendant un petit moment à apprécier le reste de la lecture.

Le charitable ami, navré -> alors, là, le problème, c'est que je n'ai pas tout de suite compris qu'il s'agissait de l'arbre ! Je suis revenu en arrière... Non, le rat est tout seul, ok. J'ai compris, après cette hésitation, mais je trouve toujours que cette personnification de l'arbre ne sert à rien, juste à nous perdre en route.

Bref, un bon texte mais à mon avis, qui se complique pour rien à certains endroits... Au niveau du fond, un petit message écolo sympa, mais c'est une fable, pas une parabole, le côté religieux est en trop (ou pas assez ?)

   Anonyme   
17/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Hormis quelques réserves pointilleuses, je trouve l'ensemble très bien.
Toute histoire comporte une morale et celle-ci ne déroge pas à la règle. Je trouve simplement dommage d'avoir fait mourir le rat. Il n'est, après tout, coupable que du pêché de cupidité/avidité, infirmité typiquement humaine dont on peut guérir, et donc pêché véniel. La mort est une sanction trop lourde à mon sens. Il faut bien faire attention, en tant que fabuliste, à ne pas enfiler le costume du juge redresseur de torts à tort. Lamartine, qui n'appréciait guère La Fontaine, lui reprochait un manque d'humanité. Si l’on prend avec cette fable la métaphore d’Ève et du fruit défendu, avec plus d’humanité, Boris Vian aurait dit : « Erreur de Genèse »…
Pour revenir au texte, j'ai particulièrement apprécié la structure des strophes. Je crois qu'on n'écrit pas une fable comme ça, en passant. Je vous souhaite d'écrire un recueil qui conserverait cette structure et imposerait un format. Je remarque au passage qu’avec 36 lignes personne ne vous a trouvé « longuet », comme quoi l’alternance des vers a un impact sur la monotonie.

   Miguel   
17/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Quel charme que celui de ce vieil langage françois ! Il ne détourne pas l'attention du lecteur de la préoccupation contemporaine du contenu. Un seul animal, ici, personnifie tous les hommes, et l'arbre symbole de la planète nous la représente sous l'aspect "nature" le plus attachant, et aussi le plus fragile. Nous ne pourrons pas dire que nous n'avons pas été prévenus.
Bravo et merci.

   David   
22/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Lagomys,

Dès le "Oyez" du début on voyage dans un autre temps, et rien jusqu'à la fin ne détournera cette première impression, en passant par le "dansoie" rappelant les conjugaisons moyenâgeuse, encore plus anciennes que les fables animalières. Ça restait compréhensible pour une lecture contemporaine néanmoins, et la fin ramènera activement le thème au présent, aux impasses écologiques que l'avenir dessine.

Les strophes alternant les vers longs et plus courts, 12 et 6 syllabes rappellent les origines de l’alexandrin. Les rimes sont très présentes du coup mais sans lourdeur, leurs jeux variera un peu, deux ou trois rimes par strophes, pour un effet assez musical à mon goût.

Il y a des contrastes ou contradictions, comme au début "Oyez le dit du rat (... ) Il tait vaine espérance" ça reviendrait à écouter le rat se taire, mais ça reste un effet "théâtral" je ne saurais trop dire autrement. Le cerisier jaillit du sable aussi, d'un désert, plaçant de toutes façons le texte dans une ambiance fantastique et allégorique.

   Meleagre   
25/1/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Je prends le temps de relire un peu mieux ce texte.
J'aime assez l'histoire, qu'on pourrait presque trouver dans La Fontaine (sauf qu'il ne parle pas, je crois, de désert, et pour cause...).
J'aime beaucoup le premier vers, qui sollicite l'attention du lecteur et met dans un contexte médiéval assez réussi.
Mais je trouve que le reste est un peu longuet, et pas à la hauteur du début. Et ce, surtout, à cause de quelques expressions pas très justes, pas très harmonieuses, pas très grammaticales.

1e strophe :
- "qui rêve d'entrechats" : je comprends le jeu de mots chat / rat ; mais de le contexte (faim), ne rêve-t-il pas plutôt d'entremets ?
- "Ne récoltant pitance / qu'en un soleil intense" : on dirait plutôt qu'il ne récolte en pitance qu'un soleil intense.
- "De moindre délivrance" : pourquoi "moindre" ?

2) Je pense que les " : " sont mal situés. J'écrirais plutôt :
"L'apparition bénie du salut improbable, / Sous des branches graciles, / Promesse d'un asile : Une ombre délicate / Parsemée d'écarlate." (en faisant de "promesse d'un asile" une apposition à "apparition", et de "une ombre délicate" l'explication de cette promesse).

3) "Les fruits gras et juteux" : il faudrait peut-être donner plus d'indices qu'il s'agit de cerises (un cerisier dans le désert ?).
"dansoie" : cette forme n'est-elle pas de l'imparfait (je ne sus pas sûr) ? Je verrais plutôt du passé simple ou du présent.
"échu" : il faudrait utiliser le verbe échoir (sinon il n'y a pas de verbe principal) : "échut". Et je ne mettrais pas de virgule après cet "échut".

4) "dans les jours qui vont" : ça veut dire quoi ?
Je verrais bien une ponctuation forte ( ":" , ";" ou ".") avant "Grimpant", pour en faire une nouvelle phrase, en rappelant le sujet par un "il". En l'état, on se demande comment se construit la phrase.

5) "navré de cet outrage" :si "navré" est utilisé au sens de "blessé", ne faudrait-il pas mettre "navré par cet outrage" ?
Ensuite, je reverrais encore la ponctuation :
"Pour la bête affamée, Plus de fruits essaimés ; De l'arbre desséché, Nul ombrage où nicher."
L'inversion "De l'arbre desséché / Nul ombrage où nicher" est un peu maladroite à mon goût.

7) Là encore, je mettrais une virgule après "meurt", voire des virgules aussi pour encadrer "sans son bienfaiteur".

8) Il n'y a pas besoin d'élider le premier "planète" devant un "ô". Le 2e met un "e" muet prononcé à la 6e syllabe, ce que je trouve assez maladroit, même en néo classique.
Je ne comprends pas cette morale : "Planèt', ô planète, prodigue guigne bleue, / Restera loin des rats l'abondance des cieux."
Faut-il comprendre, grammaticalement "L'abondance des cieux restera loin des rats" ? Normalement, après une apostrophe ("Planèt', ô planète, prodigue guigne bleue"), on trouve une 2e personne, le sujet étant la personne qu'on a interpelé : ici, on devrait s'adresser à la planète, ce qui ne semble pas être le cas.

Bref, une bonne idée, un bon début. Mais ce poème est à mon goût trop maladroit, et pas assez fluide.

   Anonyme   
23/2/2018
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Quel plaisir cette lecture, quelle dextérité dans votre plume.

Cette fable se laisse lire et relire, le fond et la forme sont de belles factures. Rien ne manque dans ce récit pour attiser notre attention, notre curiosité.

Tout petit bémol ce "Planèt", cela ne convient pas dans ce contexte, c'est inapproprié.

J'ai trouvé à cet écrit de l'élégance, de la fluidité, me permettant alors de savourer pleinement le discours rondement mené à l'aide d'un phrasé judicieux et subtil.


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