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Poésie contemporaine
LenineBosquet : Filet de port, sauce aigre-douce
 Publié le 23/04/19  -  15 commentaires  -  846 caractères  -  243 lectures    Autres textes du même auteur

L'enfer, c'est moi-même.


Filet de port, sauce aigre-douce



Dans mon port de fortune
J'aime autrui mais pas trop,
Et tout un m'importune
Quand je traîne au bistrot.
Si l'intrus me tracasse,
J'entre en stress, c'est foutu,
C'est fané je fracasse,
Je disloque en fétu.

Sur l'estran si tranquille
Le touriste a trouvé
Mon marteau, ma faucille,
Son vélo tout crevé.
Le quidam m'incommode,
Badaud, tu m'abrutis ;
Je cuisine à la mode
Du cru vos abattis.

Ma haine tout entière
Confine à l'addiction
Et, plus je bois la bière,
Plus j'ai la conviction
Que le con c'est bien l'autre,
Des sols jusqu'aux plafonds.

Tout le jour je me vautre
Et faufile au tréfonds
Des failles et fissures
Des fosses de l'esprit ;
Je suis les flétrissures
Que seul l'amer m'apprit.


 
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   Corto   
29/3/2019
 a aimé ce texte 
Un peu
Quand on s'essaie à un tel thème on devrait vérifier que chaque proposition ne peut pas se retourner aux dépens du narrateur.

C'est vrai que déjà "aigre-douce" dit tout et son contraire.

"j'ai la conviction Que le con c'est bien l'autre", voilà qui se discute surtout si "Le touriste a trouvé Mon marteau, ma faucille,".

"Ma haine toute entière Confine à l'addiction", c'est noté.

Tout cela est conforme à l'exergue mais on n'en redemande pas...

   Queribus   
8/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Voilà un texte direct sans mots et phrases alambiqués, de plus avec une certaine drôlerie et une bonne pratique de la poésie néo-classique. Le tout se lit facilement avec plaisir. Personnellement, j'aurais toutefois également mis huit vers aux troisième et quatrième quatrain pour faire un ensemble plus "carré" mais chacun fait comme il le sent. Je pense aussi que ce texte pourrait facilement se transformer en slam ou chanson mais ce qu'une idée à moi.

En conclusion, j'ai passé d'agréables minutes à vous lire.

Bien à vous.

   BlaseSaintLuc   
8/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
"Que seul l'amer m'apprit."

Ah l'esprit se colle dans de ces trous !
J'aime le titre tout d'abord, et par tribord aussi et à vent tout !

Même si l'humeur est moribonde, l'humour est mare à bout ,

"Et, plus je bois la bière,
Plus j'ai la conviction"

"de" plutôt que "la" vu qu’après deux bières ...

   Provencao   
9/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
"Je suis les flétrissures
Que seul l'amer m'apprit."

J'ai beaucoup aimé cet engagement du corps et de l'âme dans cette poésie. Ce milieu qui vous entoure, presque inhabitable et qui semble être fait pour vous, est fortement enraciné dans votre être même de ces failles et fissures qui ne peuvent suppléer à cette béance par ces mots utilisés: "Je fracasse, je suis les flétrissures..;"

Votre écriture établit entre votre réel et l'autre un rapport assez intimiste et proche...et personnellement j'ai trouvé cet exercice particulièrement difficile.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   papipoete   
23/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien
bonjour LenineBosquet
J'aime bien mon prochain, mais faut pas trop m'chercher ! Un rien de lui me met en rogne, alors j'dégomme, je hache menu !
NB un texte qui me rappelle les " tontons flingueurs " et le permis de conduire de jean Yanne ( ça m'donne envie d'envoyer des mandales dans la tronche à tout c'qui r'mue ! )
L'avant-dernière strophe est savoureuse ; les 2 derniers vers emblent à double sens ? ( l'amer=amertume et l'amer=picon )
Sûr qu'avec ce personnage, il vaut mieux être son " ami " !

   Davide   
23/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour LenineBosquet,

Je suis mal à l'aise avec cet univers de bistrot, de familiarités, d'alcool... un univers qui ne me plaît guère.

Ce que j'apprécie pourtant dans ce poème, c'est l'atmosphère, que je trouve bien rendue, notamment par le vocabulaire familier, voire vulgaire, mâtiné d'une nonchalance délectable mémorable.

La forme, avec ces hexasyllabes, est très plaisante à la lecture.
Quelques belles allitérations, dont une savoureuse en [f] (et [s]) sur la fin, dont on pourrait facilement trouver une signification :
"Et faufile au tréfonds
Des failles et fissures
Des fosses de l'esprit ;
Je suis les flétrissures"

Un petit "-" pour le vers "des sols jusqu'aux plafonds." que je trouve un peu forcé (mais c'est un détail).

Même si le fond ne m'enchante guère, je vois là un poème bien écrit et qui tient la route (pas comme le narrateur...).
J'ai plutôt bien aimé !

Merci pour la lecture,

Davide

   Annick   
23/4/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Vous avez brossé le portrait d'un c-n avec brio.
Votre personnage est détestable, violent et enfermé dans ses certitudes. Il pratique une sorte de misanthropie épidermique. Sans doute, se trouve-t-il dans un cercle vicieux de rejet de l'autre, induit par les déceptions et boosté par la bière :

...Je suis les flétrissures
Que seul l'amer m'apprit.

...Et, plus je bois la bière,
Plus j'ai la conviction
Que le con c'est bien l'autre...

Je retrouve le péché mignon de l'auteur, à savoir les belles allitérations, ici en t en s en f.... qui donnent au style un effet haché, stressé comme le personnage.

Quand je traîne au bistrot.
Si l'intrus me tracasse,
J'entre en stress, c'est foutu,
C'est fané je fracasse,
Je disloque en fétu.

Merci pour ce poème bien écrit, ce portrait si peu orthodoxe où la poésie a su trouver sa place.

   senglar   
23/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour LenineBosquet,


Voilà ce que j'appelle une très grosse déprime, seul problème : elle est vague (pas fait exprès LB) comme toutes les très grosses déprimes.
J'aurais aimé...
Mais le narrateur n'aime pas les intrus !
Et pourtant...
J'aurais aimé...
- en savoir un peu plus sur le port (d'angoisse. lol)...
- ce marteau, cette faucille : c'est en rapport avec votre pseudo évidemment. Un communiste dans un port, c'est pas un lointain descendant d'un rescapé du Potemkine tout de même ?
- ...Tient bien la bière, pas de l'alcool russe ça !

Curieusement ce "laissant-pour-compte" ne me semble pas avoir tant de fissures que cela, c'est un bloc échoué sur un estran de luxe, une épave de luxe, mais un bloc avant que d'être une épave, aigrement épris de lui-même.
Superbement isolé, isolément superbe.
Un misanthrope quoi.
Lol

Donc me manquent des détails que l'auteur ne peut pas me donner sans se renier. Terriblement post sartrien tout ça !...

Infernal


senglar

   STEPHANIE90   
23/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour LenineBosquet,

mais ou est la rectte de cuisine que le titre me promettait ?!?
J'avais déjà préparer mon filet pour le cuisiner aux petits oignons de fortune. Et pffffT... pas de recette savoureuse à me mettre sous la dent.

Un bistrot avec vue sur le port, une sauce aigre-douce (j'étais prévenue) et un homme quelque peu détestable et perfide qui fracasse la rascasse avec délectation si elle s'approche de ses filets.
Un texte noir qui m'a amusé par sa nonchalance et sa verve indélicate. Les rimes collent bien au contexte.

Bon, j'ai une langue de bœuf savoureuse qui m'attend. C'est moins risqué. Rire...
Merci pour le partage, car c'est bien connu on est toujours le c-n de l'autre !

StéphaNIe

   Pouet   
23/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Slt,

Un dernier vers en mode nous nous allerons de requin qui n'est pas pour me gâcher ma soupe aux nids d'hirondelle...

Avec sa faucille et son marteau, Lénine marave velu; disloque en fétu façon scrabble, ça assone dans tous les sens, des maux dits qui chatouille les mollets, ça molli pas, ça moissonne, ça crise de foie et ça foisonne, ça allitère les alités, ça désaltère les désaxés, ça ferraille, ça joue aux dés avec des os, ça défouraille les asticots...

Vilain, méchant, pas beau.

   Anonyme   
23/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un portrait bien tracé du personnage.
En plus d'être un beauf de haut niveau, il est méchant, haineux, avec une très haute opinion de lui-même.
" Plus j'ai la conviction
Que le con c'est bien l'autre,
Des sols jusqu'aux plafonds."

"J'entre en stress, c'est foutu,
C'est fané je fracasse,
Je disloque en fétu." un passage dans le style Audiard.

Une lecture amusante ; plus sérieuse au second degré.

   Donaldo75   
24/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Sacré LénineBosquet,

Je me suis laissé allé à lire les commentaires et je constate que ce poème n'a pas laissé indifférent. Moi, je trouve que rien que pour ça, il mérite largement sa lecture. En plus, la satire qu'il contient ne me déplait pas - va, je ne te hais point - et s'avère franchement d'actualité.

"Je disloque en fétu."

Marrant comme ça m'a fait penser à une phrase de Bernard Blier dans "Les tontons flingueurs". Imagée. Forte. Parisienne.

Bravo !

Donaldo de Paris.

   hersen   
24/4/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Ah, que j'aime bien ce poème !

Un rythme presque joyeux pour un narrateur qui se plaint des autres;
Des sons qui fracassent, qui enfoncent le clou de l'addiction, c'est net carré, les cons c'est les autres et les sons le claironne !

Mais

Je vais me le faire, comme diraient les cons, je veux dire de me payer le luxe d'un petit reproche tout personnel sur un poème de leninebosquet :

en stress, c'est foutu : ess, c'est n'est pas facile à dire et détonne dans les sons environnants dans le texte.
Et aussi, pourquoi "plus je bois de la bière" en incise ?
Rien de grave, donc, comme dirait l'autre qui est ...

Merci pour cette lecture !

   jfmoods   
24/4/2019
Ce poème, composé de 2 huitains et de 2 sizains en hexasyllabes, à rimes croisées, suffisantes et riches, tour à tour féminines et masculines, consonantiques et assonantiques, se présente d'abord comme un bel exercice de style par la palette des allitérations (b/p, d/t, f/v, k, m, r, s) et des assonances (grande variété de voyelles).

Le jeu homophonique ("Filet de port" / Filet de porc, "autrui" / aux truies) met d'emblée en perspective l'aspect peu reluisant du locuteur. Il est le fruit d'une éducation à la dure, dépourvue d'empathie ("Des failles et fissures/ Des fosses de l'esprit ; / Je suis les flétrissures / Que seul l'amer m'apprit"). La relation aux semblables est difficile ("J'aime autrui mais pas trop") et il en faut bien peu pour que le personnage se sente agressé ("m'importune", "me tracasse", "m'incommode", "m'abrutis"). En vérité, le moindre élément perturbateur obstruant le champ de vision ("tout un", "l'intrus", "Le touriste", "Le quidam", "Badaud", "le con") devient prétexte à l'exacerbation d'une violence gratuite ("J'entre en stress", "je fracasse, / Je disloque en fétu", "Mon marteau, ma faucille, / Son vélo tout crevé", "Je cuisine à la mode / Du cru vos abattis", "Ma haine tout entière / Confine à l'addiction") que l'inactivité ("Tout le jour je me vautre") et l'absorption massive d'alcool ne font qu'attiser ("je traîne au bistrot", "plus je bois la bière, / Plus j'ai la conviction / Que le con c'est bien l'autre", "Des sols jusqu'aux plafonds"). Fatalité d'une vie (entête : "L'enfer, c'est moi-même.", "c'est foutu, / C'est fané") livrée à l'abandon, à l'ignorance et à la solitude.

Merci pour ce partage !

   Robot   
27/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Sous l'éclairage du pilier de bistrot que l'alcool rend agressif, ce texte vient nous dire que, si l'enfer c'est les autres, il faut bien reconnaître que si les autres n'existaient pas il n'y aurait pas moyen de passer sa rage, pas moyen de détester, à moins que de retourner cette intolérance contre cet autre qui est nous même.


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