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Poésie contemporaine
lucilius : Sourire de putain
 Publié le 09/12/20  -  5 commentaires  -  2071 caractères  -  118 lectures    Autres textes du même auteur

« L'ourlet d'une dérive aux doux points de suture... »


Sourire de putain



J'ai fréquenté des ports où les tripots pullulent,
Leurs hôtesses lorgnant la bourse du marin
Comme un œil de grenouille épie la libellule
Qui s'attarde un peu trop sur son glauque terrain.

J'ai vidé des godets aux givrées amertumes,
Respiré les relents de fumées enivrantes ;
Hoqueté et vomi, face contre bitume,
Lune embaumant mon corps en position navrante.

J'ai coursé les fratries aux ombres chancelantes,
Poursuite indéfinie de camaraderies
Dans des antres d'orgies aux moiteurs purulentes,
Timbres s'égosillant sur les bavarderies.

Par l'âge condamné mieux que pierre de taille,
Je me suis desquamé d'un sordide horizon
Où le cœur appauvri ne bat ni ne bataille,
Étant déshérité d'un semblant de raison.

À l'amorce d'un cours où tout peut disparaître,
Le passé, le présent, les bribes du futur,
J'ai découvert Marie, un espoir de mieux-être,
L'ourlet d'une dérive aux doux points de suture.

Aucune repentance, aucun chemin de croix ;
Juste un souffle léger sur ondes cognitives
Troublant la perception qu'ont noirs oiseaux de proies
À traquer chaque écho de leurs nuits intuitives.

Je me suis travesti dans sa chair frêle et tendre ;
Oubliés les démons aux tridents acérés
S'attendrissant d'une heure où, trop pressée d'attendre,
Ma gorge enflée sans jus rêve de macérer.

J'ai financé ses yeux à défaut de son cœur,
Elle femme créole aux insidieux écarts
Dont les saute-mouton sont plumage arnaqueur
D'une poule gloussant sous les ailes d'Icare.

J'ai calfeutré mon sort des réveille-matin
Stigmatisant mon ouïe au baiser de Joconde,
Trompeuse malfaçon, sourire de putain
N'offrant que froid sursis dans sa vulve inféconde.

Quand s'épanchent mes yeux, tout devient haïssable,
De l'aube vieillissante au mourant crépuscule,
Sauf la vague emportant mon beau château de sable
Avec vénération pour ses grains minuscules.


 
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   Lebarde   
30/11/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une vie d'aventurier, marginal et poivrot, avec ses dérives, ses excès, ses sorties de route qui tente de retrouver sinon une bonne ligne, tout au moins un but, un compromis, en rencontrant et se mêlant à une autre vie tout aussi compliquée: "femme créole aux insidieux écarts".

De quoi sans doute en faire une histoire sombre à multiples rebondissements , une nouvelle, voire un roman.
vous en avez fait un poème peut être un peu long et qui s'essouffle à la fin, d'un réalisme perturbant, frôlant le sordide dans lequel on a du mal à apercevoir une touche d'espoir pour éclairer l'atmosphère.

Ce genre de sujet a du mal à m'enthousiasmer pourtant je sais reconnaitre une indéniable aisance dans l'écriture qui témoigne d'une réelle maîtrise de la part de l'auteur(e).

Le poème est présenté en néo-classique donc a priori rien de grave, mais on peut néanmoins regretter:
- les vers de treize syllabes en appliquant les diérèses sur "position, perception, insidieux, ouïe, vénération"
- le non respect de l'alternance F/M des rimes,
- les rimes F/M ou singulier/pluriel (" pullulent/libellules, ....amertumes/bitume/.......croix/proies...acérés/macérer...).

Dommage car ce poème ne manque pas d'intérêt et j'ai pris plaisir à le lire.
Merci
En EL
Lebarde

   Anonyme   
2/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

Un long poème, présenté en néo-classique, de bon aloi, à mon goût.

Si le sujet est assez convenu en poésie, sous les poètes maudits, son traitement est ici soigné, harmonieux et riche.
Quelque hiatus, admis en néo, est tout de même un peu gênant à la lecture: "Hoqueté et vomi, " surtout que le sons É/É n'est pas très musical.(je n'en ai pas remarqué d'autres).
Le premier quatrain m'enchante.
Le vers servant d'exergue aussi.
L'élision de l'article dans
"Lune embaumant mon corps en position navrante.", me parait plus forcée que dans
"Troublant la perception qu'ont noirs oiseaux de proies.", là, ce serait plutôt les mots" perception-qu'ont-noirs" qui heurtent un peu l'oreille.
Le quatrain final, ne me parait pas vraiment une fin au poème, une "conclusion" nette et percutante, comme je l'attendais.
Un bien bon ensemble.

Merci pour le partage,
Éclaircie

   papipoete   
9/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien
bonjour lucilius
vous voici de retour, à la barre d'un rafiot empli de souvenirs portuaires ! Je crois me souvenir que le monde de la marine est le votre, aussi ce récit ne doit-il pas être trop éloigné d'un fait réel ?
Que de souvenirs de port en port, jusqu'à celui-ci où Marie harponna ce bourlingueur, au point qu'il ne quitta point ce quai, où ça picolait, ça maillochait, ça tapinait...
NB le bilan d'une vie sans code ni parapet, débauche et excès en tout genre, faux semblants et le sourire pourtant d'une femme de " petite " vertu, mais un sourire quand-même...
La première strophe est si lumineuse, qu'on pourrait la dessiner " les yeux fermés ! "
celle-ci " j'ai financé ses yeux... ailes d'Icare " est fort attendrissante
des dodécasyllabes justes, mais la non-alternance des rimes " masculine/féminine " empêche la forme " néo-classique
un bémol sur la grande taille du texte ( je sais bien que lorsqu'un marin se met à table, il a tant à dire ! )

   Wencreeft   
9/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Un poème qui tient le défi de sa longueur, même s'il aurait gagné à se dévêtir d'un quatrain ou deux, pour densifier le discours.

J'ai beaucoup apprécié les trois premiers quatrains même si, comme souligné par mes pairs, je ne goute guère ces élisions répétées de mots de liaisons en milieu de vers : "face contre bitume", "Lune", "Timbres", "ne bat ni ne bataille", "sur ondes cognitives", "qu'ont noirs oiseaux de proies", "sont plumages arnaqueurs" etc... Vous en abusez, et cela dérange la lecture et accentue le côté forcé, comme pour tasser le propos dans l'alexandrin.

J'aime le côté sordide de ce forban des mers, le scabreux des tripots, puis cette semblance de rédemption d'un homme qui a troqué un malheur pour un autre. A ma première lecture, en lisant "Marie", j'ai pensé qu'il parlait de religion, que cet homme avait rencontré Dieu et qu'il tentait de revenir dans le sentier de la repentance. A la seconde lecture, j'ai compris que Marie, femme créole, n'était ni séraphine ni pure, que Marie était en réalité son exact opposé. Je l'imagine voluptueuse, fatale, badigeonnée de céruse, attifée de vêtements criards, fardée et décorée d'affiquets... Une fleur de pavé en somme, à laquelle notre bourlingueur va conter fleurette. Mauvaise idée de s'amouracher d'une "putain".

J'aime votre champ lexical de mauvais garçon, très caustique. Ce style me plait. Le thème se comprend assez bien. Il n'est pas compréhensible immédiatement, mais lu derechef, on saisit mieux l'histoire. J'aime quand un poème n'est pas trop accessible, et n'offre que le nécessaire à sa compréhension, tout en évitant l'excès trop sibyllin. En ce sens, j'ai trouvé que c'était une réussite.

Il parvient également à tenir le défi de sa longueur en émaillant ci et là d'excellents vers qui donnent envie de continuer, comme le petit Poucet sème ses miettes de pain pour inviter à le suivre :

J'ai fréquenté des ports où les tripots pullulent,
--
J'ai vidé des godets aux givrées amertumes,
--
Dans des antres d'orgies aux moiteurs purulentes,
--
Je me suis desquamé d'un sordide horizon (excellent)
--
L'ourlet d'une dérive aux doux points de suture. (même si je ne saisis pas tout à fait, j'aime ce vers, son mystère et ce qu'il évoque)
--
J'ai financé ses yeux à défaut de son cœur,
--
N'offrant que froid sursis dans sa vulve inféconde.

En revanche, je trouve la fin un peu décevante. Pour un poème de sa taille, et mené comme vous l'avez fait, je m'attendais à une fin plus spectaculaire, une fin plus "punchline". Dommage.

Vous avez choisi la synérèse systématique, pourquoi pas, après tout nous sommes en néo-classique, cela ne gène pas la lecture.

Non, j'ai beaucoup aimé, et j'aurai été totalement conquis s'ils n'étaient ces élisions abusives, ce léger passage à vide au deux tiers du poème et certains vers de moins bonne facture :

Lune embaumant mon corps en position navrante.
--
Poursuite indéfinie de camaraderies
--
Où le cœur appauvri ne bat ni ne bataille,
--
Troublant la perception qu'ont noirs oiseaux de proies
--
Stigmatisant mon ouïe au baiser de Joconde.


Mais je vous félicite pour votre enthousiasmant travail.

Au plaisir de vous lire à nouveau.

   inconnu1   
11/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Sur la forme : effectivement une ou deux erreurs pour du néoclassique, mais je ne suis pas d'accord avec les autres commentaires. Sur Oniris, si j'ai bien compris, en néoclassique, l'alternance rime M-rime F n'est pas exigée et les diérèses ne sont pas obligatoires, mais il faut une homogénéité des choix, ce qui est le cas. Pullulent est, il me semble, une rime féminine, le pluriel du verbe ne changeant rien. Par contre, futur-suture est rédhibitoire car il aurait fallu 2 rimes masculines ou féminines. Ceci dit, on doit mettre en avant la richesse des rimes. La longueur ne me gêne pas, cela permet d'entrer dans votre univers. Bierstube Magie Allemande d'Aragon, qui aborde un sujet proche, fait 87 vers, votre poème n'en fait que 40. Donc je valide la forme sauf ce petit manquement au néoclassique

Sur le fond, effectivement ce n'est pas original, mais c'est toujours plaisant de goûter l'ambiance des poètes maudits et s'il n'y a pas d'originalité dans le thème (mais il devient très compliqué de parler d'un thème dont personne n'a jamais parlé), votre manière de l'aborder l'est. Je trouve que vous racontez une belle histoire, et la présentation est soignée, il y a clairement de la recherche pour présenter les situations de manière originale (L'ourlet d'une dérive aux doux points de suture), tout en préservant la richesse des rimes. Beaucoup de vers nous renvoient vers Baudelaire (dans des antres d'orgies aux moiteurs purulentes). Donc je valide aussi

merci à vous


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