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Chansons et Slams
Luniknat : Je suis...
 Publié le 21/06/07  -  4 commentaires  -  5467 caractères  -  29 lectures    Autres textes du même auteur

Création, immortalité, destin ? Qui sait ? et surtout, qui fait ?


Je suis...



Je suis cette feuille blanche, posée là sous tes yeux
Et prête à accueillir le moindre de tes aveux.
J’attends que tu me donnes une confession plus qu’osée
Ou bien n’importe quoi, même juste une pensée.

Tu peux faire de moi ce que tu veux, rien ne t’est imposé,
Sauf de me donner une quelconque raison d’exister.
Pour cela, tu as toute ma surface à transformer,
Alors désinhibe-toi et laisse ton crayon aller.

Timidement, tu griffonnes quelques traits succincts.
Ils s’entremêlent, les petits sont absorbés par les grands,
Puis tout doucement, des formes prennent leur élan.
Le dernier trait meurt, et de ta main, naît alors un dessin.

Maintenant, je ne suis qu’un personnage sans destin,
Un croquis en noir et blanc, qui ne demande qu’un peu de couleurs,
Pour estomper les contours trop noirs et incertains.
En espérant que chacun de tes traits saura faire battre mon cœur.

Il faut que tu t’appliques et que tu ne dépasses pas !
Commence donc par mes cheveux, allez :
Peigne-les doucement d’un marron glacé sournois
Et irise mes boucles de reflets délicatement ambrés.

Laisse courir le crayon le long du cou,
Pour enrouler les mèches de cheveux fous,
Comme si le vent s’amusait à les dompter
En sachant qu’il ne parviendra qu’à les emmêler.

Après, donne à ma peau une couleur ensoleillée, chocolat au lait,
Avec un grain digne de celui d’une poupée.
Il faut que tu aies une envie folle de la caresser
Et que son odeur vienne presque enivrer ton nez.

Fais ensuite de mes yeux les plus profonds qui soient,
Épaissis mes cils et mes contours de noir, pour me donner un regard de soie
Juste, pour que quiconque puisse voir mon âme sans effort.
Puis enfin, transperce mes iris d’un vert lagon d’or.

Descends ton crayon jusqu’à ma bouche ronde et pleine,
Remplis les moindres recoins de mes lèvres.
Donne-leur l’éclat d’un rouge immaculé
Qui saura m’illuminer d’un sourire des plus parfaits.

Tu as achevé mon visage et en t’éloignant du papier,
Tu te dis que tu pourrais certainement m’aimer.
Mais il reste encore la suite,
Ne prends donc pas encore la fuite !

Tu prolonges la couleur chocolatée de ma peau
En descendant doucement dans le cou,
Tu t’attardes sur les formes de mes pectoraux
Et sous ton crayon, mon corps prend un aspect ferme et doux.

Tu recouvres de couleur mes bras croisés,
Et ce, jusqu’au bout de mes doigts entremêlés.
Ma peau est comme veloutée,
Elle te donne presque envie d’y goûter.

Lentement, ton crayon descend encore le long du ventre,
Les ombres où tu t’attardes, laissent apparaître
Mon ventre d’un profil, à peu près bien dessiné.
Enfin, de ton crayon noir tu approfondis mon nombril enfoncé.

Il te faut maintenant continuer la route sinueuse,
Descendre un peu plus sans que ta main semble vicieuse.
Laisse courir le crayon marronné,
Pour achever ma peau à ta volonté.

La teinte recouvre la blancheur du papier,
Mes cuisses retrouvent leur tonicité,
Puis c’est au tour de mes mollets, de mes chevilles et de mes pieds.
Voilà, ton œuvre est presque terminée.

Il faut maintenant que tu trouves un décor
À ta créature hors du commun.
Tu écoutes tes envies les plus profondes et colore
Mes contours, d’une forêt aux senteurs de pins.

Tu peaufines les détails du dessin en sourdine
Cette page, qui au départ était blême,
N’a plus aucune trace de sa couleur d’origine,
Tu l’as recouverte de bonheur et d’un peu de ta vie même.

Tu m’as imaginée tellement souvent,
Aujourd’hui tu m’as donné la vie sur un bout de papier.
Il n’en faudrait pas beaucoup pour que je sois ce que tu attends,
Juste un peu de fantaisie, de rêve et de volonté.

Pour que de ce papier, mon cœur se mette à battre,
Pour que de ce papier, mon esprit se mette à penser,
Pour que de ce papier, je réveille mon être,
Il faudrait que tu aies le pouvoir de me propulser hors de l’éternité.

Maintenant que j’existe, je ne demande qu’à respirer
Mon rêve le plus cher serait de t’aimer.
Puisque tu m’as créée suivant ta volonté,
Tu ne devrais pas avoir trop de mal à m’accepter.

Je suis ce que tu es, une partie de toi défendue,
Je pense ce que tu penses, nous avons le même esprit saugrenu.
Je respire ce que tu respires, une odeur d’amour,
J’aspire à ce que tu aspires, vivre et être aimée en retour.

Ce soir-là, tu m’as créée de ta propre main,
Tu m’as presque donné la vie avec trois fois rien,
Mais comment me donner ces tant convoités volumes,
Pour qu’enfin mon corps ne soit plus celui d’une plume ?

Ta main m’a donné l’immortalité sur ce papier,
Mais tout ce que je veux au plus profond, c’est…
…Être. Pourvoir sentir, ressentir bouger et vivre,
C’est paradoxal j’en conviens, mais de la vie, je veux être ivre.

L’homme peut créer, innover, inventer,
Mais avec son stylo, il ne peut donner que l’éternité.
Moi je rêvais d’une vie, pas forcément celle que j’aurais choisie,
Mais pas non plus celle de finir mes jours, accrochée au-dessus de ton lit.


 
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   Cyberalx   
21/6/2007
Chouette évolution d'un dessin décrite de façon sympathique, j'aurais même aimé le lire sous forme de récit, pas forcement en vers, à essayer ?

   roxyleen   
21/6/2007
j'aime la métaphore... ce n'est pas le texte de toi que je prefère mais il est tres bien ecrit

   Maëlle   
15/5/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
C'est un texte qui prends de la puissance en cours de route... le probléme c'est que quand il a commencé a m'interresser j'avais décrocher plusieurs fois.

L'idée d'interpeller le lecteur dessinateur est interressante, mais elle est timide au départ. Cette progression (la voix du personnage de plus en plus pressante au fur et a mesure qu'il existe) est vraiment bien, mais tellement diluée au départ que j'ai peiné à la saisir. Le texte aurait gagné à être resseré.

Les vers sont moins rythmiques que dans d'autre production de l'auteur, mais ça n'est pas génant.

   Anonyme   
26/4/2016
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
J'ai pensé, comme ce texte est bien long, je n'irai pas jusqu'au bout, eh bien, non ! vous avez su me captiver, vous apportez strophe après strophe, une envie, celle de voir naitre sous vos traits de crayon, ce "je suis ...", c'est très réussi.

Il me semble que peu à peu, il y a cette envie de s'apprivoiser, de l'un à l'autre, une relation d'abord timide, puis grandit pour enfin se construire en un lien fort . Vous donnez l'impression habilement que le dessin conduit la main, ce dessin devient "vivant", je me suis laissée prendre au jeu, tout attendri par ce curieux mélange. Donc il fallait toute cette profusion de mots, pour que la vie soit ... Mais hélas si éphémère.

Je ne me suis pas attardée sur la forme, qui ne m'a d'ailleurs posé aucun souci au cours de ma lecture, trop accaparée par le fond, qui mérite une attention sans faille.


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