J’ai été l’avant-dernier d’une famille de sept enfants Je n’avais même pas demandé la vie à mes parents Petit, j’ai vécu des choses qui m’ont marqué Et qui, aujourd’hui, font que je suis un homme blessé. Depuis toujours ma vie a été rythmée par la certitude Que j’étais plein d’amour et je me réveillais et m’endormais seul avec cette solitude. Je n’ai jamais pu recevoir ce que j’avais tant à donner Et jamais pu donner ce que je voulais tellement partager. J’ai vécu terriblement seul alors que j’étais pourtant entouré… Mais cet amour que j’attendais, personne ne me le donnait.
Je me suis fait une raison, j’ai grandi mais mon cœur s’est noirci J’avais envie de faire payer l’attitude des adultes et je me suis endurci. Je ne voulais pas montrer ma fébrilité, Parce que je savais qu’ils se seraient tous moqués. Et puis j’ai grandi comme ça, seul, avec ce trop plein d’amour et de haine. Ma vie, j’ai tenté de la faire mais même heureux c’était toujours la même rengaine, Je vivais sur des mensonges, en sachant que je blessais les gens autour de moi. Mais moi aussi j’ai été blessé et qui s’est soucié de mon cas ? Tout le monde me voyait, me parlait, mais personne ne m’aidait pour autant, Tout le monde m’aimait mais ne voulait pas forcément voir que je souffrais en dedans. J’ai tenté de tourner des dizaines de pages, mais le livre sur lequel j’écrivais Était toujours le même, donc rien ne pouvait vraiment changer.
Puis un jour, j’ai rencontré une fille pour qui je n’éprouvais pas grand-chose Sinon beaucoup d’amitié et depuis, malgré moi, ma vie est bloquée sur pause. Elle est devenue plus proche de moi, n’a pas hésité à changer sa vie pour moi Et elle n’attendait pas grand-chose, juste de l’amour en échange de tout ça. Je pourrais lui en donner puisque depuis toutes ces années, mon cœur en déborde, Mais j’ai peur… peur du futur et de perdre mes repères monocordes, Peur au bout du compte, de ne voir plus qu’elle et de vouloir finir mes jours avec elle Comme si elle avait ce fameux pouvoir qui enrôle les hommes et les ensorcelle ! J’ai peur de la faire souffrir, parce que je suis aussi quelqu’un qui doute, Qui n’a pas confiance ni en lui, ni en les autres et qui a peur du temps qui court et de sa foutue route.
Et ça, ce n’est que ce dont j’arrive à m’avouer et dont j’ai conscience… Parce qu’il y a pire que ça au fond de mon âme qui ronge ma patience. Je détiens un secret tellement bien gardé, Que parfois, je me demande si c’est moi qui en ai la clé pour m’en délivrer ! C’est une chose terrible qui m’empêche d’avancer, Quelque chose qui fait que je suis irrespectueux et un véritable danger Pour quelqu’un qui cherche à m’approcher et qui cherche à me connaître mieux. Et forcément, c’est dans mon cœur qu’est allé se loger ce douloureux pieu. Je n’arrive pas à m’en défaire, je n’arrive pas à l’arracher de mon corps Je ne peux pas en parler et parfois, je m’étonne encore, Que tant de gens daignent vouloir me regarder, voire même m’aider ! Je suis comme cette chose m’a fait : méchant et laid. Oui, c’est cette chose qui m’a élevé, cette chose qui fait qu’aujourd’hui, Je souffre encore de ne pouvoir construire ma vie. Elle n’a pas de nom, ce n’est qu’une souffrance endurante et persistante Qui dure depuis toutes ces années et qui me hante… C’est un coup du sort que je ne sais pas comment déjouer C’est une haine que je ne peux plus faire reculer. Je sais au fond de moi qu’il faut que j’en parle à quelqu’un, Que c’est la meilleure façon pour que je guérisse de cette emprise néfaste, c’est certain. Mais qui pourrait comprendre ? Qui saurait entendre ? Qui après ça, aimerait la bête que je suis ? Comment parler de ce que l’on n'accepte pas, de ce qu’on rejette ou de ce qu’on a banni ? Pourquoi se refaire souffrir à nouveau en redonnant vie à ce mal par des mots, Alors qu’il dort silencieusement depuis longtemps dans mes maux ? Qui ne me jugerait pas après ça ? Et qui ne me fuirait pas ? Qui prétendrait m’aimer une fois que cette chose sera anéantie ? Tout le monde me tournerait le dos et me regarderait d’un air ahuri. Je suis un monstre, je n’intéresse personne et je fais du mal à tout le monde, Je n’ai aucune confiance en moi et je ne suis qu’un être immonde. C’est ce que je me répète souvent, en sachant que je ne suis pas très loin de la vérité. Si seulement elle savait…. Mais si je lui en parle, je sais que je la perdrai, Si j’arrivais à prononcer ces mots que je me suis promis d’oublier, Elle ne voudrait plus de moi parce que comme moi, elle aurait peur de mon reflet. Qui aimerait vivre avec le diable, En tentant de le faire devenir ange ? C’est inimaginable ! Je blesse la chair de ma chair, je la blesse et je me blesse aussi. Ne rien dire jusqu’à présent n’a pas arrangé le cours de ma vie. Elle a l’air réceptive, gentille et compatissante, L’oreille que me tend cette fille. Elle n’a jamais été blessante. Peut-être a-t-elle raison ? Et si pour une fois j’essayais une autre voie ? Celle du dialogue pour enfin plaider coupable de ce mal qui a pris possession de moi ? Qui sait ? De toutes façons qu’est-ce qui est pire ? La perdre en me disant qu’elle ne saura jamais pourquoi je cherche à la fuir ? Ou la garder encore un peu, en sachant qu’elle partage jusqu’à mon intime secret ? La balle est dans mon camp, elle m’aime et je ne pense pas qu’elle réagira comme je l’ai souvent fait….
Telle est la vie d’un Ghetto Youth : blessures, ruptures, conflits, Tous les ingrédients, qui réunis, font que je suis un être maudit.
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