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Poésie contemporaine
Luz : Voyage de cendres
 Publié le 26/05/15  -  11 commentaires  -  2501 caractères  -  133 lectures    Autres textes du même auteur

Un peu d’humour de mort.
« L’éternité n’est guère plus longue que la vie. » René Char


Voyage de cendres



Ils m’ont jeté du pont du Diable.
Ma carcasse en fines poussières
S’est dispersée dans la rivière,
Vers les galets noirs et le sable.

Dans l’indifférence de l’onde,
Des ablettes et des barbeaux,
J’étais nuage entre deux eaux,
Parti pour mille tours du monde.

Sous un ciel de Lune en éclats,
Une larve « petite bête »
Goba un bout d’os de ma tête
Posé sur l’argent des micas.

Elle apprécia ce mets de choix.
Puis, mastiqués et digérés,
Mes atomes furent soudés
Aux facettes de son œil droit.

Quelques saisons se succédèrent,
Puis un joli matin de mai
La larve quitta ses galets
Et prit ses ailes d’éphémère.

Il dansa sous le feu du ciel
Dans la lumière en poudre d’or,
Danse de vie et puis de mort
Par l’éclair bleu d’une hirondelle.

Mes quelques traces s’en allèrent –
Œil gris pour œil noir – aussitôt
Habiter celui de l’oiseau,
Artiste en arabesques d’air.

Après avoir longtemps nourri
Trois grands becs sans cesse affamés,
L’oiseau bleu, juste après l’été,
Pris son envol vers le midi.

Des milliers d’ailes crépitaient,
Jetant leurs ombres sur la mer
Puis sur les vagues du désert –
Course sans boire ni manger.

Aux abords du fleuve Congo
Les oiseaux reprirent leur danse.
Les insectes en abondance
Poudroyaient dans les marigots.

Mon hirondelle à contresens
Rasait l’eau brune d’un étang,
Lorsqu’un crocodile en bâillant
L’avala par inadvertance.

D’un coup de fusil un braco
Provoqua un nouveau transfert,
Et mes vieux restes s’incrustèrent
Tout au fond d’un sac en croco.

Mes miettes d’os ont voyagé
Au côté d’une belle dame,
Des quartiers rouges d’Amsterdam
Aux grands hôtels du monde entier.

Puis le sac finit au fossé –
Passé de mode faut-il croire.
Mais arrêtons là cette histoire
En chemin pour l’éternité.

Ils m’ont jeté du pont du Diable –
Corps sans âme – au pourpre du soir,
Et la rivière de mémoire
Me vagabonde entre ses sables.


 
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   Vincent   
3/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ils m’ont jeté du pont du Diable.
Ma carcasse en fines poussières
S’est dispersée dans la rivière,
Vers les galets noirs et le sable.

sur un ton léger qui a eu tout de suite raison de ma morosité

Sous un ciel de lune en éclats,
Une larve « petite bête »,
Goba un bout d’os de ma tête
Posé sur l’argent des micas.

votre texte continue sur un ton badin

Mon hirondelle à contre-sens
Rasait l’eau brune d’un étang,
Lorsqu’un crocodile en baillant
L’avala par inadvertance.

D’un coup de fusil un braco
Provoqua un nouveau transfert,
Et mes vieux restes s’incrustèrent
Tout au fond d’un sac en croco.

et les images nous emmènent dans un monde léger

continuant à me donner sourire et bonne humeur

je pourrais tout citer tant j'ai aimé votre texte

vous avez raison il faut tordre le coup à ce fantasme odieux

   Myndie   
10/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Humour noir ou rire jaune, peu importe le terme et peu importe que vos vers aient pour fonction d’amuser le lecteur ou d’exorciser vos angoisses métaphysiques: c’est un vrai régal !
Rien de morbide ni de macabre dans cette extrapolation fantaisiste du dernier voyage (qui n’a de dernier que le nom finalement).
Ici, les acrobaties visuelles, le jeu de l’écriture et la vivacité du rythme (le choix de l’octosyllabe est idéal) tordent le cou à la gravité du motif et donnent un joyeux coup de torchon à des considérations qui seraient autrement bien moroses.
J’aime beaucoup cers vers qui font circuler la dérision à tout crin :
« goba un bout d’os de ma tête »
« mes miettes d’os ont voyagé ».
Bravo pour ce poème subtilement loufoque qui prouve s’il en était encore besoin que la parole poétique s’accommode fort bien de l’humour.

   Anonyme   
12/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Superbe. Riche, léger et profond, sensible dans l'humour désabusé.

   papipoete   
26/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
bonjour Luz; quel voyage fantastique pour un peu de cendres funéraires, jeté du pont du Diable! Du fond de l'eau, un " bout d'os " régalant " une petite bête " mutera jusqu'aux ailes, après bien des aventures, d'une hirondelle qu'un crocodile gobera " en baillant "! Du marigot au sac d'une " Belle Dame " , le reste de feu le héros ballotera devant les vitrines d'Amsterdam. Un jour, passé de mode, le noble bagage finira au fossé, achevant ainsi l'odyssée partie du pont du Diable.
Que de péripéties pour " qui devrait reposer en paix "; que d'aventures où l'on ne reprend son souffle, tant cela tangue et tangue!
C'est si bien écrit, si facile à suivre, qu'un enfant s'en régalerait!

NB Je n'ose dire qu'une petite faute de conjugaison s'est glissée au milieu de la merveille ( pri/s son envol vers le midi )

   CalamusInscius   
26/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Moi qui voudrais bien boire à l'océan de l'Etre, j'avoue tout de même que tant d'humour m'incite à souhaiter à ce poème, si ce n'est l'éternité, au moins une postérité digne des plus grands espaces...
Chapeau pour ce "transfert" et toute la dynamique qui le précède et le suit. Impossible de s'ennuyer!
Bien atomiquement,
C.I.

   Anonyme   
26/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Luz... Super ! Comme quoi il y a bien quelque chose après la mort... Un voyage très imagé conté avec beaucoup d'humour.
Une longue série de courts quatrains pour mon plus grand plaisir !
Merci et à la prochaine, dieu sait où...

   Anonyme   
26/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Tout a été dit, enfin beaucoup, sur votre poème donc j'ajoute juste que j'ai aussi apprécié cette balade post-mortem bien envolée.

Bravo ! Ça me donne presque envie de voyager...

   Francis   
27/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un voyage très singulier, une épopée parsemée d'humour rythmée, riche en ricochets. Une manière très originale d'aborder la vie après la mort.

   Anonyme   
29/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Un texte très original doté de belles images, si je puis m'exprimer ainsi.

Ce voyage de cendres après la vie est bourré d'aventures et de rebondissements en tous genres, et ne manque pas de vie, pourrait-on dire.

C'est ici toute l'ambiguïté : celle d'une autre vie se poursuivant après la mort, peut-être encore plus vivante que la vie précédente...

Mais je m'éloigne peut-être un peu.

Bien à vous,

Wall-E

   Anonyme   
30/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir

De l'humour et encore de l'humour pour ce voyage funéraire qui relativise la mort ( enfin si on peut ) !
J'ai aimé ce parcours (qui n'est plus celui du combattant ) mais celui de la survie des cendres dans un monde hostile ! :-)

"Et mes vieux restes s’incrustèrent
Tout au fond d’un sac en croco.

Mes miettes d’os ont voyagé
Au côté d’une belle dame,
Des quartiers rouges d’Amsterdam
Aux grands hôtels du monde entier.

Puis le sac finit au fossé –
Passé de mode faut-il croire.
Mais arrêtons là cette histoire
En chemin pour l’éternité.

Entre autres , ce savoureux passage ! super ....

   Roxanne   
3/7/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Construction très originale sous la forme d'un marabout du type "trois p'tit chat". Malgré la gravité du propos qui ne présage rien de bon tout espoir reste permis puisque rien n'est prédestiné dans ce cycle de renaissance hindouiste. On peut alors à loisir poursuivre ce "chemin vers l'éternité" en choisissant chacun pour soi son propre "karma".

Bravo


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