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Poésie contemporaine
Meaban : Versants (À ceux de Ladrecht)
 Publié le 08/09/11  -  7 commentaires  -  2160 caractères  -  163 lectures    Autres textes du même auteur

Souvenirs que je n'ai pas vécus, le long de l'Auzonnet, houillères Cévenoles.

http://www.cevennes-photo.fr/mines/destival/Mines%201.html

http://www.cevennes-photo.fr/mines/luttes/luttes1.html


Versants (À ceux de Ladrecht)



Au pied de l’escalier que montent les jardins, l’émoi d’une soirée

Plus loin sur l’Auzonnet qui trace la vallée, la rumeur du désert

Les arbres imbéciles étarquent le sillon de crêtes indécises
Un hiver en été qui s’échappe des sources
La strate des collines persillées de charbon.

Aux aubes de la nuit

Je les revois encore les sombres Espagnols enragés de vengeances, s’enquiller vers les puits ces farauds de Castille

Ils creusent au rocher, soldatesques farines, ensuqués de silice

Et ces Maures souriants descendants des Aurès, ils rêvent du djebel aux calcaires équarris

Allongés dans les tailles cognant sur l’anthracite

Et nous fils des hauts déboulant de l’école, foudroyant les déblais de la marque des autres
Partageux des misères de tous ces immigrants.

Déportés des surfaces

Où sont-ils donc partis, dans cette fin de journée ?
Les casernes sont vides au flanc des vieux chantiers.

Et passent les voitures

Et ce cœur taraudé que de t’avoir perdue, aux détours de passés qui meublent mon attente

es-tu donc alors ?

Dans de proches villages jetés comme des cailloux, rêvant la tête basse
À tes jambes fuselées et tes hanches si fortes s’arc-boutant au roc à rouler les stériles

Un joug d’éternités

Un solde d’inventaire, histoires inclinées
Les villas desséchées aux tuiles dérangées et leurs persiennes mortes

Qu’auraient-ils donc à dire !

Tous ces vieux saccagés dans ce magasin d’ombres
Un chevalement rouillé qui supplie qu’on l’achève

Et pourtant

Au fait des solitudes errantes dans les pins, la lampe du matin écaille les versants
L’air s’emplit de résines écrasant les boulets qui rongent mes soufflets

Un silence d’empire émonde les vallées
Une moisson d’absence que récolte l’été.


 
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   Mona79   
22/8/2011
 a aimé ce texte 
Passionnément
C'est beau comme une larme qui tombe sur le passé. Un passé révolu mais toujours bien présent dans ce coeur d'écolier qui a grandi, vieilli, mais encore se souvient. Pleurant ses amours mortes, ces présences enfuies qui furent son enfance, ce sont des mots peut-être, mais plein de nostalgie, dressés sur l'émotion comme une mise en gerbe : une "moisson d’absence que récolte l’été".

   LeopoldPartisan   
30/8/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
voici ma fois un fort beau texte sur les gueules noires d'une région dont le nom et l'évocation ne nous y font guère penser. Personnellement issu du sud du nord (la belgique et vivant à la limite du pays noir, ancien bassin minier carolorégien), si je n'avais dévoré les ouvrages de Jean-Pierre Chabrol, je serais ignorant qu'ait seulement existé ce type d'exploitation dans cette région et ainsi que les conflits sociaux qu'elle a toujours suscités.
C'est ce qui en plus donne un charme très charpenté à cette poésie dont j'applaudi l'ensemble et en particulier :

"Et pourtant

Au fait des solitudes errantes dans les pins, la lampe du matin écaille les versants
L’air s’emplit de résines écrasant les boulets qui rongent mes soufflets

Un silence d’empire émonde les vallées
Une moisson d’absence que récolte l’été"

J'y retrouve la voix du conteur Chabrol que j'avais adoré.

   Raoul   
30/8/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voilà un texte qui, par sa lenteur, son expressionnisme, la profondeur de ce qu'il remue entraîne le lecteur dans des zones rares de la mémoire.
J'aime la vision éclatée, comme ravaudée. C'est senti, intériorisé, on sent la nécessité de l'écrit, de la monstration. Je rapprocherais ce texte du travail d'un peintre comme Fernand Pelez, pas pour le thème, mais pour la justesse et l'exactitude de la focale.
Je ne vais pas détailler tout ce que je trouve bon et superbe, ça serait très long, je dirais juste la petite chose qui m'a gêné (c'est pour faire ronchon) c'est le "persillé" qui pour moi n'est pas du tout minéral mais charcutier.
Beaucoup aimé être remué par ce texte, merci.

   Anonyme   
8/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut ! C'est du grand Meaban, une fois de plus devrais-je ajouter... Il se dégage de ce texte, sans même connaître la région ni le milieu minier, une force et une émotion que restituent ces vers évoquant un passé rude et cosmopolite, et je pense qu'il était bon de rappeler ce point. Je ne ferai pas l'inventaire des points forts de ce texte mais je trouve ce qui suit très beau :
Et ces Maures souriants descendants des Aurès, ils rêvent du djebel aux calcaires équarris
Allongés dans les tailles cognant sur l’anthracite...
Un très bon texte à relire sans modération. Merci Meaban

   brabant   
8/9/2011
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Bonsoir Meaban,


Pourquoi des "arbres imbéciles" ?

TB "La strate des collines persillées de charbon" = le végétal retrouvé. (j'avais pas encore lu ton com, Raoul ; je lis toujours les com après avoir fait le mien)

TB les "soldatesques farines".

Je n'aime pas le "il" du vers suivant.

TB "Déportés.../ casernes...".

Pourquoi "que" derrière "taraudé" ?

Que sont les "stériles" ? Jeu sur les mots ?

Le "solde d'inventaire" est trop marqué en parallèle avec le 'droit d'inventaire'.

TB les "persiennes mortes".

TB "Un chevalement rouillé qui supplie qu'on l'achève"

Formidables les quatre derniers vers !


Vous dites en exergue n'avoir pas vécu ces souvenirs. Que serait-ce si vous les eussiez vécus ?!

Texte majestueux, hiératique. Quelle allure !

   Anonyme   
9/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je m'associe au concert de louanges. La métrique de cette poésie est un enchantement. L'écriture est fluide et souligne et colore sans jamais crisser.

"Un solde d’inventaire, histoires inclinées
Les villas desséchées aux tuiles dérangées et leurs persiennes mortes"

J'aime beaucoup ce tableau qui s'anime et décline ses possibles.

   David   
27/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Meaban,

Je trouve cela exagéré, "tire larme" comme on dit les "Déportés des surfaces" on ne va pas à la mine comme dans un camp de concentration.

Dans ce vers-là, j'aurais plutôt lu "terril" :

"À tes jambes fuselées et tes hanches si fortes s’arc-boutant au roc à rouler les stériles"

Mais je me renseigne et je trouve sur le net : "Un terril est constitué par l'accumulation des « stériles », sous-produits de l'exploitation minière, composés principalement de schistes, et en plus petite quantité de grès carbonifères et de résidus divers (quelquefois pollués)."(wikipédia)

Le vocabulaire ne fait pas forcement barrière, mais là, il faut vraiment le savoir, comme ça parle d'un amour dans le contexte apparemment, d'une femme, on peut lire le vers comme ce mot d'une autre façon. Bon, ça peut être voulu.

J'aime bien sinon, toujours, ce style qui ne laisse pas de doute sur sa singularité, sur sa poésie, qui ne pourrait être celui d'un romancier, d'un journaliste, même d'un conteur, et c'est bien une qualité pour moi, c'en est parce que ça ne peut être que ça.

La trame comme le sujet semble effiloché, donné par lambeaux, ça tient très bien la longueur, sans lasser.


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