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Récit poétique
MissNode : Le secret
 Publié le 12/11/21  -  5 commentaires  -  4019 caractères  -  66 lectures    Autres textes du même auteur

Exploration intérieure.


Le secret



Le cœur est au cœur du secret. Qu’il se cache derrière un château perdu, un héritage détourné ou une partie de jambes en l’air, le secret tient au cœur.

Le cœur, même s’il est mis en scène par le jeu des sentiments, par le miroir de l’aimé, le cœur tient au cœur de soi. Qu’il soit mis au secret comme feu le chagrin d’amour, ou affiché sur la scène de la vie ordinaire, comme le couple de l’année, le cœur tient au cœur de soi.
On croit que le cœur est mis au secret parce qu’il n’est pas avouable, mais c’est plutôt qu’il est indicible. Le secret est indicible parce qu’il parle du cœur de soi, de l’intimité ténue, tenue au secret par les convenances et les modèles. La vie courante.

Le secret ne se dit pas. En réalité, il est toujours raconté. Seulement il est dévoilé dans un entre-deux de la conversation. C’est une parenthèse dans la vie ordinaire. Une parenthèse de liberté pour soi. On ouvre la porte pour quitter le monde habituel par une formule, on la referme par la formule qui s’emboîte avec la première : « … quelque chose dont je n’ai jamais parlé à personne… » « … je compte sur toi pour ne rien dire ».

Le secret est explosif. Si son histoire circulait librement, elle entrerait dans la vie quotidienne. En débarquant dans l’ordinaire, le secret bouleverse l’ordre établi. Un secret dévoilé au grand jour est un deuil annoncé : rien ne sera plus comme avant. Il y a des dispositions à prendre pour annoncer le secret, et pour l’accueillir aussi ; il y a un protocole à suivre, pour déclencher l’alchimie qui doit transmuter le monde intime en réalité ordinaire.
L’intime est forcément créateur. Le secret est tenu le temps de la gestation de la part d’intime qu’il renferme. Un jour l’être est mûr pour sortir du secret. La naissance au monde est un accouchement qui s’assume, ou ne se fait jamais, ou génère le drame.
Car on ne sera jamais plus le même. Car on prend tous les risques, quand on arrive dans la réalité ordinaire avec une nouvelle tête. Changer d’emploi, changer d’amis, changer de maison, changer d’amour.

Le secret est nourrissant, tant qu’il mûrit. Il est la caverne d’Ali Baba. On prononce la formule magique pour y entrer, qu’on la prononce en soi-même ou devant le confident. Voilà qu’on est transporté à la source de nos choix. On y puise l’onde qui nous fait frémir ; on s’y abreuve du nectar qui perle entre les lignes du souvenir et qu’on sait n’appartenir qu’à soi seul.
Dans cette caverne de tentations et de trésors captivants, il nous faut aiguiser notre flair pour tenir la piste sans la lâcher. Le fil du Minotaure. Car il s’agit de soi seul ; seulement de soi. Il ne s’agit pas de plonger dans le mirage du souvenir : qu’il soit le visage de l’aimé, la voix de l’amant, la jubilation des sens, la déchirure de l’abandon ou toutes les manifestations humaines de l’émotion de soi, le souvenir est un piège… ou une trappe sur l’infini, suivant qu’on s’y laisse couler ou qu’on s’y laisse porter.

Le secret est rongeur, quand il est mûr pour sortir de l’ombre et qu’on l’y laisse pourrir. Si l’on s’imagine l’oublier, il se fait boulet d’une vie croupissante ignorée à tort. On ne choisit pas impunément de mettre le souvenir au secret : s’il est au secret, c’est qu’il a du cœur. Le secret est tout le contraire de l’oubli. Il ne nous oublie pas. Si nous l’oublions, il s’attaque à notre âme. Combustion lente ; le feu est son allié. Par le bouillonnement intérieur, il rogne les angles, il fond la glace, il fait couler les blocs de soi desséchés.
Parfois on oublie le secret, alors il brûle la part de soi qui ne veut pas se laisser attendrir, qui seule pouvait générer une vie nouvelle ; alors il est trop tard : l’être entier y passe.
Quand le secret ronge, c’est que l’on a oublié de lui prendre sa part belle. Mais quand le secret fut notre nourriture, et qu’un jour on parvient à se rendre à soi-même toute la beauté de son secret, cette beauté ne peut plus rester secrète.


 
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   Corto   
6/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'apprécie l'audace et le courage de l'auteur de s'affronter à ce thème.
Le secret est multiforme et à ce titre son caractère secret est plutôt un qualificatif qu'un substantif à la définition irréfutable.

L'exploration que fait ici l'auteur est complexe et ressemble à une introduction de conférence dont il faudrait bien des pages oniriennes pour en débattre avec plus de précision.

A suivre donc...

   Pouet   
12/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Slt,

le secret est au coeur, effectivement.
Parfois pour ne pas blesser le coeur de l'autre, parfois par appréhension ou incapacité à disséquer le sien.
Le plus grand des secrets est certainement celui de la compréhension de nous-même, de sa tentative.
Et puis cette part d'inavouable aussi peut-être que nous n'osons nous révéler, encore moins aux autres. Nous garderons toujours des secrets, même (surtout?) pour les êtres proches et chers, et toutes ces choses que nous entrevoyons à peine ou que nous concevons clairement mais qui demeurent inexprimables, impossibles à couler dans notre entendement et a fortiori dans notre expression. Cet intérieur ne passant jamais la barrière de l'extérieur. Le secret est ainsi protéiforme et les chemins qui conduisent à son hypothétique révélation semés d'embûches certes infranchissables, mais inconcevables car invisibles, sauf parfois, pour le coeur qui...

J'ai bien apprécié cette lecture sur un sujet ma foi inépuisable.

   Anonyme   
12/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour MissNode,

Je ne commente jamais les récits poétiques, et preuve qu'il ne faut jamais dire jamais, j'ai beaucoup aimé votre récit sur le secret , au point de laisser une petite trace de mon passage.
Alors, me voici .
J'ai aimé l'ensemble, mais je retiens surtout ce paragraphe :

"Le secret ne se dit pas. En réalité, il est toujours raconté. Seulement il est dévoilé dans un entre-deux de la conversation. C’est une parenthèse dans la vie ordinaire. Une parenthèse de liberté pour soi. On ouvre la porte pour quitter le monde habituel par une formule, on la referme par la formule qui s’emboîte avec la première : « … quelque chose dont je n’ai jamais parlé à personne… » « … je compte sur toi pour ne rien dire ».

Il ya tant à dire sur le secret...vous l'avez très bien décrit .

Une belle lecture .

   Cyrill   
13/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Le secret au cœur et le cœur du secret, le secret qui nourrit, pourrit, qui ronge et qu’il est impossible d’oublier sauf à brûler son être.
Peut-être ne connaît-on pas soi-même ses propres secrets tant ils sont enfouis, on est simplement obligé de les subir et de les exprimer par le corps qui les expulse.
Il ne faut pas lâcher le fil, dis-tu, la piste qui mène au cœur de soi-même. C’est le boulot de toute une vie je crois. J’avoue que j’ai perdu un peu le fil de cette réflexion, ambitieuse ma foi, mais dont l’aspect affectif m’a plu.

   MissNode   
22/11/2021


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