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Poésie contemporaine
mitsouko : Lorsque tu me liras, je serai loin déjà
 Publié le 19/11/11  -  11 commentaires  -  1763 caractères  -  228 lectures    Autres textes du même auteur

Remords, rêves et rémanence.


Lorsque tu me liras, je serai loin déjà



Lorsque tu me liras, je serai loin déjà
Et ton ombre suivra la trace de mes pas
Frères humains de galères anciennes
Qui battent le pavé quand le froid les transperce
La bise qui nous mord comme un chien enragé
Et ces lunes blafardes qui veillent sur nos nuits
Nos gamelles fumantes de ce maigre bouillon
Et ce vieux tord-boyaux qui réchauffe nos corps
Richard qui s’époumone sur son harmonica
P’tit Paul au tempo sur des canettes vides


Lorsque tu me liras, je serai loin déjà
En route pour ces ports où se forgent les rêves
Ces cordages mouillés qui lacèrent les chairs
Et ce tendre roulis qui chaloupe le cœur
Sous mes paumes offertes la caresse des blés
Et ces fruits mûrs cueillis qui jutent sur le col
Tout ce temps qu’il me reste, je veux le vivre ailleurs
À compter les étoiles dans le ciel de mes lits
À écouter le vent qui miaule sous les palmes
À peindre avec les mains des soleils métissés


Lorsque tu me liras, je serai loin déjà
Des rives de Paname où le zouave s’emmerde
Ces amours qu’on dégrafe dans des lits de hasard
Ce mépris que l’on jette à la face des gueux
Nos espoirs qui s’étiolent au creux des barricades
Ces copains de la cloche partageant leur pitance
Ces vieux dont les mains tremblent en parlant d’autrefois
Tous ces potes enterrés carré des indigents
Quand la camarde vient réclamer son écot
Et ces chiens qui nous suivent comme des anges gardiens


Lorsque tu me liras, je serai loin déjà
Et sous les cernes bleus maquillant ton visage
J’essaierai d’oublier tes larmes qui accusent
Et cet enfant mort-né sous l’aiguille à tricot


 
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   Charivari   
31/10/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Quand j'ai lu ce vers-ci : "A peindre avec les mains des soleils métissés", j'ai pensé à Gauguin, à son voyage pour les îles du Pacifique, et à Brel aussi. C'est juste une association d'idées, mais je trouve que ce texte a quelque chose, dans l'ambiance, de l'un et de l'autre. Pour Gauguin, un côté Bohème, artiste maudit, des images (très réussies) qui mélangent réalisme, symbolisme et onirisme, très picturales (je pense notamment à l'ombre, dans la première strophe, aux fruits mûrs, aux cernes bleues). Pour Brel, ce mélange d'espoir et de desespoir qui m'a fait penser à la chanson "Jeff", ces clins d'oeils à la musique...
Un texte très réussi, très parlant. Le dernier vers est très fort, il réussit à la fois à conclure le poème (l'histoire d'un amour mort-né) et à nous offrir un angle nouveau pour une seconde lecture.

   Anonyme   
14/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Un parfum de chanson réaliste... Très beau dernier quatrain. Les mots sont forts, âpres, dessinent un paysage peut-être trop convenu (les frères humains, les lunes blafardes, le tendre roulis, les lits de hasard, les copains de la cloche, la Camarde), mais efficace dans sa découpe à l'eau-forte. Une mention pour les étoiles comptées dans le ciel des lits, l'image est simple et forte ! Bon rythme de dodécasyllabes parlés que j'imagine en chanson.

   Anonyme   
17/11/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un texte fort et remarquable de par sa justesse.
En lisant ce poème, je pense un peu à Jean Genêt et/ou Blaise Cendrars (peut-être d'avantage).
C'est sans doute dû au contexte (bien rendu), à une époque où les hommes "perdus" fuyaient en bateau en s'engageant dans la marine marchande.
Il y a un peu d'Aznavour aussi, avec son - Emmenez moi au bout de la terre -
Je ne vois même pas quoi dire de plus tant ce texte tient la route. (Si ce n'est peut-être un manque de ponctuation, mais il y a un rythme et une fluidité qui semblent presque s'être imposés de par une quasi totalité d'alexandrins).

J'aime de plus l'idée d'un poème épistolaire qui apporte ici une certaine sincérité.

   Anonyme   
19/11/2011
Il écrit vachement bien ce SDF
J'aime ce rythme où dominent des dodécasyllabes bien balancés, ces images très justes, très visuelles, cette amertume dans le ton.
Le montage est aussi bien réussi.
Le dernier quatrain fait monter l'émotion d'un cran et rend antipathique ce narrateur auquel on commençait à s'attacher.

Un très beau poème dans la veine du réalisme poétique.

   TheDreamer   
19/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Beau texte sur un sujet délicat utilisant un vocabulaire tour à tour "violent", nostalgique et compatissant.

On ne peut cependant pas parler de rythme dodécasyllabiques puisque les vers sont irréguliers (12 pieds pour les 2 premiers, 10 pour le 3e, 12 pieds à nouveau pour les 4 et 5, puis 13 pieds pour le 6, etc...).

   Anonyme   
19/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour mitsouko ! j'ai bien aimé ce poème à la fois contemporain mais aussi intemporel... Les gueux de Richepin, les misérables de Hugo sans oublier Zola et son assommoir (et j'en passe) ne sont que les prédécesseurs de nos SDF.
On ne peut pas lire ce texte sans émotion et sans se poser de questions...
Un seul point me chiffonne un peu, "Et cet enfant mort-né sous l’aiguille à tricot".
Pratique t-on encore ce genre d'avortement à Paris en ce début de 21ème siècle ?
Il y a là un décalage dans le temps que pour ma part j'aurais évité.
Ca n'enlève rien à l'ambiance générale du poème pour lequel je vous remercie. A vous lire...

   brabant   
20/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Mitsouko,


Oui, c'est de la belle ouvrage.

Le vers que j'ai préféré :
"Et ces chiens qui nous suivent comme des anges gardiens",
pour l'humanité des chiens en même temps béatifiés, mais ne sont-ils pas béats d'amour et de fidélité ces animaux-là ?
J'aurais tenté l'ambiguïté en écrivant :
"Et ces chiens qui nous suivent comme des anges gardés",
peut-être un beau sujet de dispute scholastique...

Je n'ose comprendre :
Et cet enfant mort-né sous l'aiguille à tricot",
chienne de vie, chienne de mort. Tiens, revoilà le chien ! Aux têtes de cerbère cette fois... La bise déjà : "chien enragé" !

Je m'interroge sur :
"ce vieux tord-boyaux" : le gros-cul, un tord-boyaux ? Le mot désigne-t-il le vin rouge en même temps qu'un mauvais alcool fort, type ratafia ? je le voyais mal appliqué au mauvais vin rouge (piquette) mais je dois avoir tort.
"ces cordages... qui lacèrent" : un cordage est épais, les lacérations sont fines. Un cordage ne tranche pas.

J'aime :
"Et ces fruits cueillis mûrs qui jutent sur le col" mangues ? oranges ?...
"A compter les étoiles dans le ciel de mes lits" ciels-de-lit... la voûte étoilée pour baldaquin(s)...
J'aime... le zouave qui s'emmerde... les lits de hasard... et même... les cernes bleus qui maquillent !

Je ne crois pas trop aux copains de la cloche...
Et il est bien lâche, celui-là qui se sauve au soleil pour mourir au soleil après avoir avorté, fait avorter ou laissé s'avorter sa petite amie avec une aiguille à tricoter, lamentable tricot pour qui s'apprête à tricoter des gambettes après avoir tricoté des mêmes gambettes.
ça jette un froid, avant le chaud, un chaud-et-froid...
Ben oui !


De quoi débattre, de quoi réfléchir dans cet écrit (hé cris) filé... à l'anglaise ?

Lol

   Anonyme   
20/11/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Oui. Beau texte, avec du caractère qui n'empiète pas sur le récit. Qui l'accompagne de son choix de mots et de son expérience (?). Bien que les images évoquées suggèrent non pas une, mais plusieurs expériences.
À lire et relire, j'ai tiqué sur une particularité du texte que personne n'a relevé, c'est l'abondance des démonstratifs. (Il y en a un presque à chaque vers). Je me suis demandé si c'était un procédé pour prendre le lecteur à témoin, si c'était une connivence avec la destinataire de la lettre (chose pouvant être prouvée par les noms Richard et P'tit Paul), ou si c'était tout bonnement une afféterie stylistique (puisqu'il s'applique aussi à des choses abstraites comme le roulis du cœur). Je n'en nie pas l’efficacité, mais j'aimerais en savoir plus sur cette astuce (?) choix (?).
Comme dans plusieurs autres textes, j'aurais préféré plus de respect envers la mort (surtout lorsqu'elle commence à s'infiltrer dans l'entourage) en lui donnant de la Majuscule.
Mais le plaisir de lecture est entier.

   zenobi   
20/11/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Ce texte ne me semble pas exempt de qualités mais, à mon avis, bien des défauts l’étouffent. Je vais tenter d’en pointer quelques uns.
Un premier détail : cette virgule indue (parce qu’)isolée dans le premiers vers anaphorique de chaque strophe. (Il y en a une autre, c’est vrai, et tout aussi incompréhensible, dans la deuxième strophe.)
Dans la première strophe j’ai cherché vainement le verbe dont les frères humains (sont-ce les pas ?) seraient le sujet. Puis, je me suis aperçu qu’il en va de même pour la bise, les gamelles… Bref, j’avoue que, grammaticalement et surtout sémantiquement, quelque chose m’échappe.
Le dernier vers de cette strophe, du fait même de l’élision de p’tit, avec ses onze syllabes, me semble bien malheureux.
La deuxième strophe me semble plus fluide et plus construite. Toutefois, les deux « Et » (déjà présents, en duo, dans la première strophe) pèsent… mais moins que les trois « A » et, surtout, le « à écouter ».
Quant à la partie finale, qui coule assez plaisamment, c’est davantage le fond qui pèse. Un petit côté Richepin, daté.

   melancolique   
22/11/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Salut mitsouko,

J'ai beaucoup aimé cette poésie, même si le rythme manque dans certains endroits.

J'ai apprécié particulièrement:
"Sous mes paumes offertes la caresse des blés"

"Lorsque tu me liras, je serai loin déjà
Et sous les cernes bleus maquillant ton visage
J’essaierai d’oublier tes larmes qui accusent
Et cet enfant mort-né sous l’aiguille à tricot"

Merci pour cette lecture.

   Anonyme   
6/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Personnellement, j'aime la poésie pour l'émotion qu'elle fait naître dans mon ventre. Celle-ci m'a touchée et a porté à mes yeux quelques timides perles. Un parfum d'amertume, de tristesse... Mais un rythme et un chant lancinant... A ne pas lire n'importe quand...
Bravo à l'auteur


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