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Poésie contemporaine
Mokhtar : L'étrangère
 Publié le 25/04/19  -  14 commentaires  -  1507 caractères  -  318 lectures    Autres textes du même auteur


L'étrangère



Qui s’invite chez nous, quelle est cette étrangère ?
Parle-t-elle français, a-t-elle ses papiers ?
Est-elle dans son droit en vivant sur nos terres ?
Serait-ce par calcul qu’elle est à marier ?



Si je suis née ailleurs, j’ai pu grandir en France,
J’ai mon cœur et mon âme ici depuis toujours,
Mon enracinement est ma seule défense,
Qu’on me laisse en ces lieux trouver joies et amours.

Seul mon destin me pousse à m’unir sans attente,
Et ma douce déclive aspire à ce moment,
Sage et prude je suis, de mon lit me contente,
Ma vie est un long cours sans un débordement.

J’ai su charmer Vincent et séduire Camille,
Mon humeur est constante et ravit les chalands,
Aux princes de Condé j’ai fait don de ma fille,
Et j’offre bienveillance aux venants et allants.

La langue de Molière a bercé mon enfance,
Et des terres d’ici j’aime plaines et bois,
Et ne serais-je point, pardonnez-moi l’offense,
Plus française que vous si je l’étais par choix ?




Et comme enfin la belle émut par ses élans,
On voulut sur le champ célébrer son hymen,
En hâte on fit quérir les cloches de Conflans,
Et l’enfant de Chimay put épouser la Seine.


Et s’unirent leurs bras comme ceux des amants,
Dans leurs eaux on ne vit aucune différence,
Et leurs flots réunis rejoignirent Rouen
Pour voyage de noce en l’océan immense.


 
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   Corto   
30/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il est rare de trouver une aussi belle poésie faisant vivre une rivière avec ses tourments et ses qualités.

Un beau piège est tendu dès le début avec "quelle est cette étrangère ? Parle-t-elle français, a-t-elle ses papiers ?" On s'oriente spontanément sur la problématique des humains errant sur notre terre.

Les descriptions qui suivent s'apparentent à un jeu de piste, et les étapes décrites avec poésie comme "Aux princes de Condé j’ai fait don de ma fille" sont un régal pour celui qui s'y laisse prendre. Un audacieux aurait presque pu jouer de l’ambiguïté de Nonette.

On s'amuse encore avec "Sage et prude je suis, de mon lit me contente".

On aime l'image amoureuse de "l’enfant de Chimay" qui épouse la Seine et ce "voyage de noce en l’océan immense".

Bravo pour le fond comme pour la forme.

   Anje   
4/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Contemporain.
Le titre suivi à brûle-pourpoint de quatre questions précises semble orienter le sujet sur l'immigration et son cortège d'idées préconsues mêlées de craintes. Mais on comprend à la fin que l'auteur nous parle en réalité de la rivière Oise. Si le but était de traiter d'une immigrée, ou de l'immigration en général, en utilisant la métaphore de la rivière, il me semble que çà manque de réussite. Et d'un autre côté, s'il s'agissait de parler de l'Oise, le résultat est identique. C'est ma modeste analyse qui peut être discutée.
Néanmoins, l'écriture est sympathique et ma préférence coule vers les deux derniers quatrains qui décrivent très joliment "l'enfant de Chimay" (en Wallonie presque française...). Le clin d'oeil aux deux grands peintres, d'origines étrangères s'il s'agit bien de Van Gogh et Pissarro, est parfaitement placé.
Je crois, mais ce n'est que mon avis, que le texte aurait gagné à rester sur les bords de l'Oise.
La poésie contemporaine se moquant des hiatus et autres diérèses, je dirais simplement que le rythme de ce poème est bien respecté, régulier.
Anje.

   papipoete   
10/4/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
contemporain
" non mais, tu as vu celle-là ! d'où vient-elle ? nous prendre notre travail ; toucher nos alloc' ; ravir des coeurs à prendre... dans son intérêt !
- non rien de tout cela ; je suis d'ailleurs mais mon pays est ici et ma langue est celle de Molière, et mon amour bat à Conflans... "
Et, ils vécurent heureux et eurent beaucoup...
Un texte remarquable sur un sujet éternel " l'étrangère " ; mais quand elle parle, on ne peut que ployer face à une concitoyenne aussi exemplaire !
La 3e strophe m'enchante, mais tout l'ensemble est si vrai, ne peut qu'être un cri du coeur qui vous chamboule !
Je ne vois pas ici un texte " contemporain ", mais un " néo-classique " aux alexandrins sans faille, et d'une beauté...
papipoète

   Anonyme   
25/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour

Le parallèle entre l'Oise qui nait en Belgique et l'étrangère est étonnant et en surprendra plus d'un.
Les quatrains se succèdent joliment et tout est bien fait pour
non pas abuser le lecteur mais le diriger sur une pente tout autre :
immigration et intégration notamment.

Un bon texte, finalement, tout en demi-teinte jusqu'à cet océan final.

   Anonyme   
25/4/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

Le principal sera dit en un mot : Magnifique !
Votre poème est de toute beauté et créé la surprise , avec, au fil de ma lecture, un final dont je ne m'attendais pas et qui m'a plu.
Très belle écriture
Bravo !

   senglar   
25/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Mokhtar,


Inattendu ! Mokhtar ! Astonishing !... Comme vous avez réussi à mener le chaland que je suis en bateau. Je me préparai aux grands et nobles sentiments, magnanime j'allais présider à l'ouverture du lit tel un chambellan...

Le lit d'une rivière ! La belle affaire !

"sans un débordement" ? Je demande à voir. Vais aller consulter les archives de Conflans moi. Priez pour que Sainte Honorine ne vous démente pas sinon je demanderais à Vincent de venir vous tirer les oreilles pendant votre sommeil. Ah ! Hiver 1993-1994 : Crues de grande ampleur, de septembre à janvier, crues remarquables. Pissaro ! Tenez donc ce mec par les pieds dans un lit de Procuste que Vincent puisse faire ça proprement... Comment ça vous voulez du sang partout, couper tout ce qui dépasse. Ah vous m'impressionnez Camille!

N'empêche ! M'a bien eu Mokhtar :) Pourrait p'têt' m'offrir une Chimay pour la peine ?... :))


senglar :)))

   Cristale   
25/4/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
En des temps très lointains, Isara était son nom et puis la phonétique évoluant, voici celle qui nous conte son parcours en toute modestie sous la plume d'un poète.
Prosopopée est le nom curieux de cette forme où l'auteur fait parler une chose, un animal, un élément de la nature, comme ici cette rivière.

"J’ai su charmer Vincent et séduire Camille,
Mon humeur est constante et ravit les chalands,
Aux princes de Condé j’ai fait don de ma fille,
Et j’offre bienveillance aux venants et allants."

Des épousailles de rêve :

"Et s’unirent leurs bras comme ceux des amants,
Dans leurs eaux on ne vit aucune différence,
Et leurs flots réunis rejoignirent Rouen
Pour voyage de noce en l’océan immense."

La belle est bien trop éloignée mais si le destin les avait rapprochés, je suis sure que mon Adour lui aurait ouvert ses bras, et son lit, pour l'emmener en croisière dans l'Atlantique ^-^

Contemporain, donc pas de critique sur la prosodie, ça coule, ça chante et c'est ce qui fait la poésie telle que je l'entends.

Quand je n'aime pas, je ne le dis pas, mais quand j'aime je le clame alors oui, j'aime ce poème et même plus encore.

Cristale

Edit : J'hésite....j'aime beaucoup + ou passionnément ?
Voilà....la décision est prise :))

   Davide   
25/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Mokhtar,

J'aurai quelques réserves sur la forme utilisée, avec ce premier quatrain isolé et les deux derniers qui marquent une cassure après le monologue du cours d'eau. Pardonnez-moi l'expression, mais je trouve que ça ne coule pas de source.

Deuxièmement, quelques formulations m'ont gêné, juste un peu, comme, à la fin, ce "on" disgracieux dans "Dans leurs eaux on ne vit..." ou ce "en" de "en l’océan immense.", de même que le "mari-er" en diérèse au premier couplet.

Pourtant, l'histoire de ce fleuve personnifié, cette métaphore filée, toutes les images véhiculées, tout cela m'a beaucoup touché.
Un poème émouvant pour ce double-sens auquel il nous invite au fil de l'eau, au fil de la lecture.

Pour la créativité et la beauté de ses images, j'ai beaucoup aimé ce poème... et tant pis pour la forme. Je dis bravo !

Merci du partage,

Davide

   Anonyme   
25/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bien sûr, comme tout un chacun, les questions du premier quatrain m'ont orienté à penser au problème de l'immigration.
Et l'on se laisse bluffer - comme on dit à présent - par les quatrains suivants qui répondent à ces questions avec réalisme.

Puis voilà que c'est l'union d'un fleuve et d'une rivière dont il est question.
Et quand on relit, tout colle absolument.

" Et s’unirent leurs bras comme ceux des amants,
Dans leurs eaux on ne vit aucune différence,
Et leurs flots réunis rejoignirent Rouen
Pour voyage de noce en l’océan immense. " Une chute qui clôt cette poésie de façon magistrale.

Belle réussite !

   Pouet   
25/4/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Slt,

une métaphore savamment filée, une certaine maestria, il faut bien dire.

Ce passage particulièrement savoureux, entre deux eaux:

"Sage et prude je suis, de mon lit me contente,
Ma vie est un long cours sans un débordement."

Et celui-ci d'une plus prosaïque vérité:

"Et ne serais-je point, pardonnez-moi l’offense,
Plus française que vous si je l’étais par choix ?"

..............................

Quand la frontière fluide s'empourpre de sang mêlé.

Ce n'est pas si souvent mais là, tant sur le fond que sur la forme, je ne peux qu'évaluer...

   Curwwod   
26/4/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Quelle belle métaphore si porteuse de sens et de raison, quelle belle écriture aussi capable d'exprimer avec brio l'émotion sincère et la tendresse profonde. Je suis admiratif Mokhtar de cette fable si bien tournée et tellement signfiante.

   Lebarde   
27/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Mokthar

Joli texte joliment écrit.

Après un premier quatrain qui égare sur un sujet banal tristement d'actualité: l'immigration et les sans-papiers, vous nous embarquez insidieusement dans l'histoire de cette rivière que tout le monde croit bien française mais qui pourtant a des racines étrangères ( c’est sans doute une découverte pour bon nombre !!) Elle traverse les Hauts de France pour s'unir à la Seine en un mariage heureux après avoir goûté aux charmes de Vincent et Camille et fait don de sa fille aux Condé de Compiègne. Bel échange des cultures.

La métaphore est subtilement développée et j'en conclus que des eaux ( et pourquoi pas des os) de toutes origines peuvent harmonieusement s'unir et se mélanger pour former un océan (ou une Humanité) intégrant toutes les différences.

Voila un poème comme je les aime avec un sujet original, une idée correctement aboutie et une versification et des rimes maitrisées (ou presque Hymen/Seine?)

Une remarque géographique, parce qu'il faut en faire une!!
La Seine ne se jette pas dans un océan mais dans la Manche!

Quelques beaux vers:
" En hâte on fit quérir les cloches de Conflans
Et l'enfant de Chimay put épouser la Seine".

Bravo encore, de la poésie comme celle la, j'aime et j'en redemande.

   STEPHANIE90   
27/4/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Mokhtar,

une poésie contemporaine qui a tout du classique.
J'avoue, pour une fois, n'avoir ni compter les pieds, ni chercher la petite bête en creusant la prosodie. Je me suis laissé bercer la vivacité et la douceur de votre plume qui m'a enchanté. A ma première lecture, j'ai même ressenti des frissons à l'avant dernière strophe qui est ma préférée ; pour finir charmer par l'union de leurs bras réunis pour voyage de noce en l'océan immense...
Une mixité littéraire et culturelle charmante, travaillée avec finesse.
Que les hommes vous entendent...

J'ai adoré, et je vous note en conséquence d'un passionnément. Merci à vous pour cette vivifiante lecture,

StéphaNIe

   Mokhtar   
30/4/2019


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