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Poésie contemporaine
Nehohemeih : Duel hivernal
 Publié le 01/03/19  -  8 commentaires  -  713 caractères  -  201 lectures    Autres textes du même auteur

Tableau générique d'un affrontement révolu.


Duel hivernal



À l'orée d'un bois nu, dans un champ de dentelle,
Où choient inanimés des astres de coton,
Chronos même s'est tu ; invités, écoutons,
Le règne assourdissant du silence mortel.

Sur la toile de lin, pointent deux sombres grains,
Trahissant l'unisson du chaste paysage,
Impassibles corbeaux, sans colère ni rage,
Soutiennent le regard, répriment leur chagrin.

Prix d'un orgueil blessé, confrontation fatale,
En raison de l'honneur, l'issue sera létale.
Seul fidèle témoin, ce tableau nivéen.

Le claquement dans l'air, l'acerbité du soufre,
Sur l'innocent lit blanc le sang carmin s'engouffre.
Ultime scène du roman pouchkinien.


 
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   Gemini   
8/2/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Il m'a fallu quelques recherches pour apprendre que le sujet touchait au duel entre Pouchkine et Georges d’Anthès. Hiver 1837
J’en ai profité pour soigner mon inculture en lisant l’histoire entière de ce duel. On apprend qu’il avait été prophétisé par Pouchkine dans une œuvre (roman en vers) ayant pour titre Eugène Onéguine, et j’ai pris peur que la référence, déjà pointue, ne le soit encore plus et n’amène à un plan comparatif. Mais non, il semble que seul le tableau du duel soit versifié, en un tableau nivéen (joli mot). On imagine, à tort, que Pouchkine y meurt, c’est ce que laissent entendre les vers 10 et 14, alors qu’il mourra deux jours plus tard, mais comme dit l’exergue le tableau est générique, et relate donc plus un duel en général.
On y trouve donc tous les ingrédients nécessaires (le temps se fige, le silence assourdissant, les duellistes-corbeaux, l’orgueil et l’honneur, moteurs de ce combat, le bruit des tirs et le sang).
J’ai bien aimé le carton d’invitation donné au lecteur dans la première strophe. J’ ai par contre un peu calé sur l’image des « astres de coton » plus pour les astres que le coton, et j'ai trouvé peu crédible l’« acerbité du soufre » peut-être au goût, mais pas dans l’air. La césure manquée du dernier vers est gênante, pas pour la catégorie, mais dans la mesure où c’est quand même le dernier vers d’un sonnet.
Autrement, je trouve bien rapportée cette scène historique, si n’est que le ton m’a paru neutre, distant ; un regard froid et objectif, mal en rapport avec la fin d'un poète romantique.

   Castelmore   
8/2/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
« Sage coutume du duel » disait Alain. On peut en douter...ou en débattre...

Mais tel n’est pas le propos de ce très beau sonnet qui pose magnifiquement le décor hivernal d’une de ces confrontations.

Tout est arrêté dans l’attente de la mort , la neige seule continue son œuvre ... elle apporte le linceul qui bientôt couvrira le sang.

« Déjà brillent les pistolets.
La baguette, avec un bruit sec,
Dans le canon pousse la balle. »

Pouchkine ne mourra pas comme Lenski. Malheureusement pour lui, blessé au ventre et non au cœur il mettra deux longs jours à souffrir avant de s’éteindre...

Un seul bémol pour moi : Chronos me semble « décalé » anachronique dans ce récit ... pourquoi pas seulement « le temps » ...
Merci pour ce beau tableau

   papipoete   
12/2/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
néo-classique
Sur le pré, à l'orée d'un bois, une vie ou deux se jouent, alors que 2 hommes se mettent en joue . Il règne ici un silence mortel, sous le regard témoin de 2 corbeaux, quand soudain claque le coup de feu ! le tableau nivéen ressemble maintenant au val, où dort un soldat " deux trous rouge au côté droit..."
NB un tapis blanc que déroule le poète, avant de nous montrer cette scène, censée laver un affront, un duel... C'est aussi beau que cruel, et bien des vers rutilent sous sa plume " où choient inanimés des astres de coton " et l'avant-dernier vers superbe !
bien qu'autorisée dans la charte, la non alternance des rimes en " néo ", ( mortel/dentelle ) me gêne un peu
papipoète

   Davide   
1/3/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Nehohemeih,

Il y a beaucoup de choses qui me plaisent dans ce sonnet.
Tout d'abord, les paysages blancs des hivers russes, bien dépeints, avec plein de métaphores subtiles :
"bois nu, "champ de dentelle", "astres de coton", "toile de lin", "chaste", "nivéen", "lit blanc"...
Par contraste, en catimini d'abord, le drame se joue :
"mortel", "sombres", "corbeaux", "orgueil", "fatale"/"létale", "sang carmin"...

Qui est Pouchkine ?
Un poète du XIXe siècle mort lors d'un duel à 37 ans (je dois avouer que j'ai dû faire des recherches, car je l'ignorais).
On comprend que dans ce "tableau", c'est un duel meurtrier qui se joue.
D'où, le dernier vers, avec ce "roman pouchkinien" : fin du roman, fin du poème, mort de Pouchkine.

Ce qui m'a (un peu) gêné dans la forme :
v.11 : les sonorités "témoin" et "nivéen" en écho ne sont pas agréables à l'oreille.
v.14 : je crois comprendre qu'il faut prononcer "pouch-ki-ni-en" pour faire un alexandrin.
Ce vers serait donc un trimètre (?) : "Ultime scè/ne du roman / pouchkinien."
Je le trouve un peu maladroit.

Mais j'ai vraiment apprécié lire ce poème, que je trouve très élégant, bien écrit.
C'est un bel hommage. Et... j'adore la Russie !

Merci pour cette agréable lecture,

Davide

   senglar   
1/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Merci Gemini et Castelmore de vos lumières (mais je ne change pas mon com hein, ce ne serait pas de jeu)

Bonjour Nehohemeih,


C'est bien dit ; mais il est vrai qu'avec Pouchkine vous ne risquiez pas grand-chose :)
Vous m'avez même appris le mot "nivéen".
C'est curieux le duel ne vient qu'en fin de sonnet ; telles la poudre qui tonne et la balle qui tue en fait. Ce sonnet est donc de paysage et d'atmosphère avec de vrais connaisseurs, des esthètes, puisque deux corbeaux et témoins (belle idée) et gourmets sont aux aguets à proximité sur la toile et sans doute sur des branches... (j'extrapole pas trop là ?)
Bon appétit Corvidés voilà de(ux) beaux gigots d'honneur. Au sang s'il vous plaît.
Bon... Un duel Un mort cela ça n'est pas très original (lol) ; deux morts c'eût été moins classique mais ça peut arriver, ça n'est pas non plus le comble de l'originalité (lol lol)

Et si vous aviez fait à l'unisson se tourner les tireurs et si vous les aviez fait tirer sur les corbeaux, il auraient pu faire une bonne soupe et demeurer vivants et de joyeux convives :)

Mais comme me l'apprennent Gemini et Castelmore vous étiez tenu par l'Histoire, la Grande, alors vous ne pouviez pas en faire une petite, d'histoire.

Et c'était bien hein ; oui vraiment.


Senglar le Ménapien

   Donaldo75   
1/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Nehohemeih,

Voici un sonnet très réussi qui coule bien à la lecture, avec de belles images, des rimes légères et un champ lexical approprié et riche. Je sais, ça ressemble à un début de commentaire composé, avec une synthèse au début, comme si j'allais disserter sur ce sonnet bien tourné.

Eh bien non !
Je m'arrête là, car ce sonnet est très réussi et il me tarde de le relire.

Bravo !

Donaldo

   Anonyme   
1/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ma première lecture s'avéra laborieuse quant à la perception du sens de ce texte.
c'est le derniers vers " Ultime scène du roman pouchkinien " qui m'a incité à me documenter sur Pouchkine et ce qui l'a conduit à ce duel létal.

Alors tout est devenu limpide, et j'ai pu apprécier cette poésie aux images expressives.

   Narbah   
21/3/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Ça sonne pas mal : dommage qu'il y ait un sens. 0a gâche un peu la musique.


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