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Récit poétique
papipoete : En vert-de-gris
 Publié le 18/02/25  -  14 commentaires  -  2609 caractères  -  111 lectures    Autres textes du même auteur

En temps de Grande Guerre.


En vert-de-gris



1915, au creux des vallons, aux flancs des raidillons, au plat des prairies courent les tranchées, comme autant de saignées meurtrissant la campagne de Verdun.
On tue l’ennemi, on tue le temps parfois à morne plaine. On fume cigarettes, bourre pipes de bois, pipes d’écume contre l’ennui, contre la peur, contre la douleur.
On jubile aux rires en éclats, gémit aux éclats d’obus, dans la boue, dans la charpie.
On chante pour se donner du courage ; on prie pour son âme et celle de ce blessé, ce mourant ; pour celui aussi, qu’on va fusiller pour l’exemple.
On macère dans le rouge garance, on lape une piquette dans le casque Adrian.
Et l’on pense à sa mère, sa fiancée, sa mie, restées sur la ferme là-bas…

Là-bas, plus d’hommes sinon des enfants, des vieux, des infirmes, surtout rien que des bras de femmes, pour tout faire au-dedans, au-dehors. Du courage ne laissant place à nulle jérémiade ; pas de répit, on soupe à leur table, on mange au poulailler, au clapier ; on nourrit le maigre bétail ; on trait les pauvres vaches, que l’ennemi n’a pas sacrifiées d’un tir de Luger ; on porte l’eau du puits, que des charognes n’ont pas encore empoisonnée.

En août incandescent, les fenaisons n’attendent pas ceux qui languissent, pourrissent en terre de Lorraine ; gamins, gamines, jeunes filles, et ces mères vaillantes au visage buriné, aux mains plus cagneuses que saules noueux, jamais reposées d’une lessive, le dos cassé sur la planche-à-laver…
Le lavoir ne fait pas relâche ; été comme hiver le linge se salit, et sans un murmure on entend sous l’auvent
« taper les battoirs »,
avant d’étendre sur les prés verts, draps, habits, linge…
Les femmes valeureuses moissonnent, avant que la pluie ne ruine un champ rougi de coquelicots,
et
vient l’automne le temps des labours.
Derrière la charrue que tracte une vieille rosse
… que tractent ces femmes, en l’absence de chevaux, tous réquisitionnés pour la guerre, ses canons, ses charrettes de soldats vivants, de mutilés, de poilus morts.
L’hiver pointera ses frimas sur les fermes ne dormant que d’un œil ; la lessive essorée sur l’herbe givrée s’étendra ; le gel gercera la peau…

« Debout femmes françaises !
Remplacez sur le champ du travail
ceux qui sont
sur le champ de bataille ! »

exhortaient les pouvoirs publics

À l’Est les tranchées effroyables du front, sous la mitraille
Ailleurs les sillons des labours, avant de maigres semailles
Dieu ! la vie était dure en ces temps « vert-de-gris »…


 
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   Donaldo75   
9/2/2025
trouve l'écriture
perfectible
et
n'aime pas
Désolé de le dire comme ça mais la poésie ne m'a pas semblée flagrante dans ce texte fort raconté. Le format utilisé ressemble à du libre dans le genre découpé un peu n'importe comment et il m'a donné mal au cœur à la lecture. Je ne cherche pas la densité de la poésie en prose ou du récit poétique mais un découpage largement moins artificiel que celui-ci. La narration ne m'en a paru que plus gâchée, avec en plus une surabondance de ponctuation, en particulier les points virgules, génératrice d'arythmie. La fin, avec les passages entre quotes, ne m'a pas convaincu plus que le reste. Que dire de plus si ce n'est qu'un tel thème avait du potentiel.

Une autre fois.

   Cyrill   
9/2/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime beaucoup
Les 1ers paragraphes happent d’entrée le lecteur par leurs nombreuses figures de style et leur cadence enlevée. Allitérations et répétitions, utilisations de termes dans des contextes différents : «rires aux éclats », « éclats d’obus », pour ne citer que cet exemple, que je trouve fameux.
L’impact du tableau dépeint est immédiat, la couleur est étendue en aplats et au couteau, du vert-de-gris au rouge garance.
Puis les saisons sont déroulées sur un mode moins chahuté. Le récit se transforme et, me semble-t-il, sort largement de la poésie pure pour entrer dans une narration plus classique, quoi que le conteur de guerre ne lâche pas sa palette de couleurs, adoptant un ton de chroniqueur de guerre.
La dernière ligne me chiffonne pas mal par sa banalité.
Mitraille & semailles d’Est en Ouest, la focale est grande ouverte sur le panorama, ouverte aussi sur le contexte historique.
Le projet d’écriture était ambitieux, peut-être la poésie a-t-elle un peu souffert sur la longueur à force de vouloir ratisser large. Mais j’ai globalement aimé ma lecture, même si elle m'a paru parfois hachée, le sujet se prêtant au recueillement de la mémoire.

   Damy   
19/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
La poésie permet d'évoquer avec un talent paisible cette période affreuse de l'Histoire. Le front se dissimule derrière l'évocation pudique des campagnes quittées. La guerre n'a pas l'air si terrible que ça sous votre plume qui touche beaucoup. On dirait un tableau impressionniste.

Ps : le vert-de-gris était plutôt la couleur de l'ennemi :
"En France, particulièrement pendant la Seconde Guerre mondiale, on a appelé vert de gris la couleur de l'uniforme militaire allemand, un vert grisâtre foncé (« Feldgrau »), et par extension, tout ce qui était allemand. Une intention péjorative contribue certainement au succès de l'expression ; on assimile l'occupant à une corrosion, toxique de sur croît." (source Wiki).
Mais c'était bon pour la seconde.

Un très bon plaisir de lecture sans effroi ni angoisse.

   Annick   
18/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Le narrateur met en parallèle le champ de bataille et le champ de labour, les hommes à la guerre et les femmes au travail. Paradoxalement un champ de bataille où parfois l'on s'ennuie. Alors la vie se réapproprie ce temps précieux fait de rires, de complicité.
C'est à partir de cet axe que se construit habilement le récit poétique.

On dit que la poésie naît de cette étrange ressemblance entre le fond et la forme. Ici, le rythme est pressé, haché, les verbes d'action se précipitent, se bousculent même. On est dans l'urgence du travail dans les champs, les maisons.

De belles métaphores. Mais le récit reste avant tout ancré dans la réalité. Le fond est dense et poignant. La poésie qui émane de ce texte est naturelle. Rien de forcé.

J'ai beaucoup aimé le sujet également. Pour moi, papipoete, vous avez coché toutes les cases. Bravo !

   Myndie   
18/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour papipoete,

Bravo car l'exercice est très réussi. Déjà par le choix du sujet, pas si facile à traiter, et par son traitement qui joue sur deux tableaux et met en parralèle, comme Annick l'a signalé , champ de bataille et champ de semailles, de fenaison et de labour
Votre texte est un bel exemple de ce qu'il est convenu d'appeler « le devoir mémoriel ». En évoquant d'un côté le desespoir trompé par les rires, la résignation des hommes, soldats au front, de l'autre le courage des femmes qui assument seules tout le travail de la ferme, il nous soumet le souvenir dans ce qu'il a de plus cru, de plus réaliste, de plus touchant.
Je trouve également que les codes du récit poétique sont globalement bien remplis : les personnages sont bien là, l'espace et les images aussi (les arrière-plans avec leurs couleurs qui transforment le décor en poésie) et le rythme surtout qui tire sa grande force des répétitions et des nombreuses coupures de phrases qu'impose la ponctuation.
Seules sont absentes quelques figures de réthorique littéraires qui auraient pu apporter un écho, un fondu, une finesse supplémentaire au récit.

Quoi qu'il en soit, votre texte m'a rappelé un très beau roman historique de Jacques Messiant « Le prisonnier flamand » (le roman d'une vie pendant la grande guerre) et rien que pour ça, je vous remercie.

Verdun, c'est l'enfer.
L'enfer est vert.
Vert-de-gris.
Merci pour cette belle lecture.

   Jemabi   
18/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Vous faites preuve d'une belle maestria pour nous plonger au cœur d'une guerre qui transforma la vie des gens pour longtemps. Les hommes au front, les femmes aux champs. Ce fut pour celles-ci le début d'une "libération" et leur rôle de plus en plus important dans la société allait la transformer en profondeur. Tout y est, dans ce tableau riche et convaincant, il ne manque pas un bouton de guêtre, au point que le lecteur a parfois l'impression d'assister à une reproduction d'époque. Ce serait mon petit bémol, ça fait un peu image d'Epinal.

   Volontaire   
18/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Il me semble que une phrase au début résume assez bien le thème : "on tue l'ennemie. On tue aussi le temps à morne plaine." L'exceptionnel se mélange à l'habituel dans une certaine tranquilité d'ensemble, comme si l'usure de jours aurait quelque part toujours raison de la folie destructrice des hommes. Le thème agricole dans la seconde moitié du poème m'évoque Saison des semailles, le soir de Victor Hugo (et la mention dans un commentaire d'un tableau impressionniste fonctionne aussi pour moi).
(Cela me fait par ailleurs tout drôle de lire un texte qui joue sur le contraste entre tranchées et ruralités pendant la Grande guerre car quand le sujet est venu sous mon stylo, c'est aussi par ce contraste. Je suppose que cela tient à la nature du champ de bataille et à un certain nombre de retranscriptions pré-existantes. Mais même si l'exode rural était moins avancé, il y devait bien y avoir des gens à la ville (elles et eux qu'on voit partout quand on raconte la Deuxième Guerre mondiale), des gens en pleine mer (peut-être à tenir des phares pendant plusieurs mois et à s'inquiéter de la vie de leurs proches en n'ayant que la radio et le rare courrier. Bref.)

Mon passage préféré est le champ de coquelicot gâché. L'image que j'associe à cet événement est très belle (le bleu hargneux d'un ciel d'orage, le rouge flétri des pétales qui se noie dans le noir de la terre devenue boue)(mais peut-être s'est il agi de multiples jours de grisaille pluvieuse, et que les fleurs ont piteusement dépéri devant les mains en prière d'une femme qui priait tous les jours pour qu'un rayon de soleil apporte une trève). J'aurais aimé qu'il soit peut-être un peu plus isolé du reste des actions. Il me semble que mettre en valeur les événements renforceraient votre écriture de l'habitude. La force aplanissante de celle-ci, que je lis dans votre texte, serait peut-être encore plus palpable si elle lissait des événements un peu plus rugueux. Mais j'ai une sensibilité à la différence au sein des répétitions et je ne cherche peut-être qu'à vous tirer dans ma direction.

Merci pour la lecture et bonne journée :)

   Celia1993   
18/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour papipoete,

Quelle densité dans ce texte ô combien poétique.
Pour tout dire de mon ressenti, j'ai imaginé ce texte déclamé comme un Slam tant il s'y prête par sa violence à peine contenue.
J'ai également aimé le vocabulaire très documenté, garance, Adrian etc.
Les femmes ne sont pas oubliées, elles qui ont tant œuvré lorsque les enfants mâles de la mère Patrie étaient sacrifiés par des généraux criminels.

Vraiment une réussite de mon point de vue.



Bravo, c'est un beau monument que vous élevez à nos morts.

   Provencao   
18/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Bel ami,

En vert-de-gris s'articule fort bien sur cet espace de notre mémoire qui est tout ce qui reste du passé et bien entendu du présent aussi.

Cet espace mémoriel peut se corriger, certes, mais il ne peut pas être le passé lui-même. J'ai bien aimé ce 1915 au creux des vallons, aux flancs des raidillons... ce monde intérieur du souvenir, qui se souvient ...Comme la Vie était dure.

Au plaisir de vous
lire Cordialement

   Vincent   
19/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour papipoète

Je trouve que cette forme vous va très bien, quoi que n'étant pas spécialiste

Al a deuxième j'avais 4 ans en exode et mon père me poussait sur un vélo car j'étais empli d'eczéma

Vous narrez bien cette époque lointaine les hommes, les femmes, leurs tâches, j'ai pensé à Lou, l'amour fou d'Apollinaire, à! ces verts de gris

L'époque a bien changé, mais celle qui se prépare n'est pas terrible

Un grand merci de nous rappeler que la guerre est l'horreur

   Vincent   
19/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour papipoète

Je trouve que cette forme vous va très bien, quoi que n'étant pas spécialiste

A la deuxième j'avais 4 ans en exode et mon père me poussait sur un vélo car j'étais empli d'eczéma

Vous narrez bien cette époque lointaine les hommes, les femmes, leurs tâches, j'ai pensé à Lou, l'amour fou d'Apollinaire, à! ces verts de gris

L'époque a bien changé, mais celle qui se prépare n'est pas terrible

Un grand merci de nous rappeler que la guerre est l'horreur

   BlaseSaintLuc   
19/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Magnifique évocation des tranchées, des poilus, de l'ambiance, prose poétique d'une plume en veine d'inspiration, du bon papy, ça ne part pas trop dans le lyrique (ce dont moi, je crains d'abuser) mais ça passe largement, un des très bon texte du bonhomme, bravo !


oui belle conclusion:

"À l’Est les tranchées effroyables du front, sous la mitraille
Ailleurs les sillons des labours, avant de maigres semailles
Dieu ! la vie était dure en ces temps « vert-de-gris »…

   Lil   
19/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
C'est à la fois tellement loin et si proche de nous, comme une histoire qu'on connait par coeur, et pourtant.

J'ai beaucoup aimé le parallèle entre les hommes à la guerre et les femmes dans leur quotidien où elles sont obligées de tenir tous les rôles.
A petites touches, toute cette guerre est évoquée, y compris celui qu'on fusille pour l'exemple.
Merci pourt cette évocation de nos aieux avec cette poésie poignante .

   Francois   
21/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Ce très beau poème en prose (et en vers) évoque magnifiquement la première guerre mondiale.

Quelques très belles phrases :
"On tue l’ennemi, on tue le temps parfois à morne plaine. On fume cigarettes, bourre pipes de bois, pipes d’écume contre l’ennui, contre la peur, contre la douleur."
"En août incandescent, les fenaisons n’attendent pas ceux qui languissent, pourrissent en terre de Lorraine"
"À l’Est les tranchées effroyables du front, sous la mitraille
Ailleurs les sillons des labours, avant de maigres semailles
Dieu ! la vie était dure en ces temps « vert-de-gris »…"

C'est sobre, poignant, un ton juste, un texte fort !


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