Ce soir le temps se plie À la courbe de ma mémoire La fumée se confond à l’air, Espoirs et amertumes, De mes cendres atmosphère. Je rentre, la chambre est sombre et peu propice aux rêves Un refrain sombre imaginaire me tire En vers et vivant, vers l’enfer du sommeil. Je hais m’endormir et je hais me réveiller Sentir la torpeur du plomb de mes paupières Sentir couler des images que l’on croit oublier…
Deux arbres soutiennent le monde, et moi, qui n’ai rien à faire. Assis, hanté, abrité sous cette arche, Sur ce banc qui se promène. Je plonge les yeux dans l’eau passante Le temps passé me remonte. Et dessine quelque nuance de cet hiver. Les branches sont nues et se penchent Les restes de la neige fondent lentement dessus Elles retiennent ma pensée et s’instillent étrangement Sous la lumière grise que diffusent partout les nuages. Je connais trop bien ce lieu, je connais trop bien ce temps, Et leur histoire m’est familière. J’en veux à cette nuit de me les vouloir rappeler. Une goutte de souvenir roule sur ma joue, Un millier de miroirs me mirent dedans Ils mélangent mon avenir à mon passé Et donne à ce qui n’est pas encore L’allure de ce qui a été. Le présent fait le mort Mais où me suis bien égaré ? La larme tombe, fulmine sur le banc de béton Mes reflets se brisent, Je m’éparpille dans une nouvelle vision.
Elle me regarde ce n’est pas elle, Pas elle que j’ai aimée. Elle vient d’un autre siècle. Elle n’est pas seule mais elle est nue Allongée sur des draps de soie cireux, Les cheveux bruns, clairs comme ces yeux Une fleur à l’oreille droite, rouge. Elle me fixe, elle est nue, elle est morte, et je vis. Ses yeux me pénètrent Ils sont si noirs et si sec, tellement plein de l’oubli. Ils me disent que je n’ai rien vu, Et m’offrent sans pudeur sa vertu.
Je me souviens de ce regard, Il me dit de passer sur le tien Ce soir, ce soir il pleut de la mélancolie, Il pleut du froid et puis du noir, Tout brisé entre mes mains, Je recolle des bouts de mémoire Qui seront morts avant demain.
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