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Poésie libre
Passelemonoi : Abusus
 Publié le 22/10/15  -  5 commentaires  -  9435 caractères  -  145 lectures    Autres textes du même auteur

Il s’agit d’une succession de poèmes introduits par de la prose. L’ensemble pourra vous paraître décousu mais a pour moi sa logique.
Merci du temps que vous prenez pour me lire et bonne journée !


Abusus



Au hasard des chemins, je rencontrai une meute de chiens désassortie en diable.
Têtes de Trotski, barbichettes et petites montures cerclées de pédanteries.
Lycéennes aux visages émaciés pour qu’il n’en reste qu’un bleu immense des yeux.
Figures bouffies d’alcool, bonhommes aux vents glaciaux, aux crachats du moindre passant.
Je rejoignis l’aréopage.

Comme plaisir immédiat, je recouvrai la voix.
Ma voix qui me stupéfie, bien plus encore que l’éternel visage flottant en mes miroirs, caverne où pour de bon dansent les ombres.
C’est simple : je l’aimerai encore que le silence aurait tout dit.
Quand Dieu nous parlera…

Si, comme cette vieille carne de professeur l’enjoignait aux seize ans de nos cœurs battants de poésie, il faut savoir se vendre, j’écrirai :
« Voix de première main. Virile et sensuelle à la fois. Tendance légère à se perdre en se mêlant au bourdon de certaines ambiances citadines (halles, pubs irlandais au soir et cætera). Transmettre offre au journal qui fera suivre. »

13 h 30 – 15 h 45 – Salle 206

Émilie aux cieux les yeux a
Et tous demeurons bouche bée.
Au cours de langue décédée,
Notre professeur s’enquiert d’eux,
De rêverie leur fait grief.
Quand elle, bravache : « J’ai hache
Pour éclaircir ce vieux taillis,
Fendre ces murs où l’ennui gît !
Pour me donner à elles, qu’à elles :
Ces hautes ondes que j’aime,
Vibrantes, azuréennes !
À vos leçons dis paix ! Ô paix !
Lavée aux soleils invaincus,
Batifolante aux éthers.
D’en haut, le sol quitté, esté,
Jugé en tribunal des nues,
S’amende, humble, moins mauvais.
D’en haut, voyant mon double vais
À lui fondant tel un Phoenix,
Tel Apollon irradie grec
De mille bontés : ses aides ! »


M’attrouper m’apporta un certain confort.
Comment dire ?
À deux ou trois réserves près, l’atmosphère était celle rassurante d’une PME de vingt salariés.
Didier était notre directeur…
Si tôt en capacité de répondre, l’on nous apprend à mimer la stupeur devant le premier chefaillon venu.
Certains jusqu’au-boutistes en viennent à singer la mort et défaillent tellement ils n’osent respirer face à l’instituteur, au directeur d’école, à l’inspecteur d’académie, au docteur ès, à l’adjudant-chef, au banquier, au notaire, à Madame la directrice des ressources humaines, à Monsieur l’adjoint au maire, à Monsieur le Préfet, à Monsieur le président du tribunal administratif, à son Excellence.
La rigidité cadavérique pour dire : « Menaçant ? Moi ? Jamais de la vie ! Voyez ! Je suis un meuble : je ne saurai exister qu’au gré de votre convenance. »

Je n’ai plus peur.
Il n’est plus un contremaître qui en l’hexagone sache faire claquer proprement le fouet.
Les cavaliers français ont oublié le geste sûr par lequel l’on envoie au fossé le manant marchant, par trop, au milieu du chemin.

Naguère, les magistrats romains étaient escortés de licteurs.
Des athlètes aux toges ajustées, aux barbes parfumées, aux muscles oints.
Chacun d’entre eux portait un faisceau composé d’une hache entourée de verges.
C’est esclave d’un fantasme que foule se fend, que ville se donne, que nation s’oblige.
Le pouvoir n’existe pas plus que l’amour.
Seules sont des suggestions sur lesquelles nous brodons le motif de nos peurs sans fin : un patron pour ne plus penser le geste.
Quelle serait la démarche de l’homme libre complètement ?
Quelle serait sa voix ?

Au banquet, on a tant fait ripaille qu’il n’est plus rien à boire ni à manger.
Dans une bonne chaleur, prophètes et philosophes dorment.
Les intellectuels jouent et chuchotent sous la table.
Darwin seul parle en somnolant :
« Ton sang sera sec. Sous un soleil vieilli, tes os iront aux vents.
Le déjà autre se penchera afin de rendre philosophale cette pierre qui ne fut bonne qu’à lacérer le pied, qu’à déchirer l’âme de l’australopithèque que tu fus.
Réjouis-toi dès à présent ! Tout ce qui te terrorise sera vaincu demain !
La transmutation faite, l’alchimiste jettera un dernier regard, complice et unificateur, à ceux de notre race. De nous libre, il ira aux Enfers et Paradis nouveaux. »

Fuyant ces vieillards cacochymes, je pris l’amour pour refuge.

Sisyphe

Marie m’aimait,
Mimait mes moues.
À mi-marée je chamarrais :
Amie navrée de mon cœur mou.

Elle a voté !
En l’isoloir,
Sans avertir elle a ôté
Sa nouveauté de l’îlot noir.

C’est sans ciller
Que j’ai hoché.
Ensorcelé je suis ci-lié
Le sort scellé à ce rocher.


Depuis, à coup de « Vanitas, vanitatum et omnia vanitas » le Pape François tente d’apaiser mes tourments.
Sans que je ne lui demande rien jamais, il prie, plusieurs fois par jour, pour mon salut et mon repos.
C’est un chic type !
N’a-t-il pas d’ailleurs volontairement remplacé ses licteurs par une papamobile ?
Lors même qu’assis sur un tas d’or il eût pu se payer lui aussi sa bombe atomique !
Sa Sainteté sirote un cappuccino à sa fenêtre.
À chaque goulée son regard bienveillant se perd, plonge un peu plus en une place Saint-Pierre chocolatée.
Un groupe de scouts japonais et rigolards
prend la pose auprès des gardes suisses, de leurs pyjamas rayés et de leurs hallebardes.
Peut-être songe-t-il à la paire de moustaches séculaires, devenue nid à nécrophores, de l’imbécile qui demandait « combien de divisions ? »
Mea maxima culpa : j’aime surtout son petit côté « show must go on », à l’américaine, quand depuis deux mille ans le silence se tait.

Je blasphème…


Les voitures de location, les brasseries, les escalators sont pleins de regards beaux et tristes.
Quand donc débute-t-elle la folie qui nous fait charrier une valise à roulettes emplie de cellulose maculée d’inepties ?
« De toute façon je suis couverte : j’ai alerté en amont ! C’est pas compliqué : depuis qu’on est sur la version trente-sept tout ce qui sort du datamining est faussé ! Je peux te dire que ça tire la gueule en back-office et qu’au prochain Com-dir clac-clac-clac : ça va descendre en cascade ! »
Comment en vient-on à perdre son souffle en cette phrase ?
Était-ce cette même voix qui te faisait suppliante auprès de Clothilde pour qu’elle cesse de jouer avec Jérôme « parce qu’il veut toujours décider si on joue au chat ou à l’épervier ou à un, deux, trois, soleil ! » ?

La java des résignés

Ah c’est sûr qu’c’est pas l'Pérou ma caille,
Qu’on a avalé maintes couleuvres…
Mais faut bien faire bouffer la marmaille
Qui se contente pas que d’hors-d’œuvre,
Qui se contente pas que d’hors-d’œuvre.

Refrain

C’est la java des résignés,
Point de souris, pas d’araignée,
Ce qu’on nous laisse sur le gigot
Mon bon Monsieur ce sont les os !

Question blé y a un chouia d’dèche
Et deux, trois courants d’air dans l’frigo,
J’couperai tes tifs, j’referai tes mèches
Si elles poussent à tire-larigot,
Si elles poussent à tire-larigot.

Refrain

Tu sais bien que derrière mes grands airs,
Mon palpitant est plus tendre qu’un cou,
Qu’y a un tas d’bécots qui quittent Terre
Des zincs en partance pour tes joues,
Des zincs en partance pour tes joues.

Refrain

J’me saignerai les pognes à l’usine
J’serai le bœuf qu’ils mènent par l’anneau
J’vendrai des Tupperware à tes copines
Tant qu’c’est pour tes leçons de piano,
Tant qu’c’est pour tes leçons de piano,

Refrain



Y a basta !
J’ai trop longtemps usé de l’outil sacré qu’est ma main à « stabyloter » rageusement cette littérature impropre même comme torche-cul !
La main ne compte d’ailleurs pas pour eux.
En vérité, ils l’abhorrent. Elle leur répugne cette araignée velue prête à la gifle.
Voyez leur mine : la leur tendre et ils prennent l’âme.
« Prise de guerre coco ! Allez, va bosser ! »
C’est ainsi que le chef de service peut régner sur quarante arachnides moites et nerveusement honteux.

Lors de sa dernière déclaration « Urbi et orbi », sa Sainteté ne s’y est pas trompée.
Et de dénoncer avec vigueur l’horrible prédation, cette concurrence déloyale.
« Que le Marché s’occupe des mains et de la sueur au front mais qu’il laisse au creux de celle invisible du Créateur nos âmes baptisées ! »
Cette partie de bras de fer ne m’intéresse plus.
Je vais muet, mains dans les poches.
L’ombre d’une nouveauté peut faire mon foyer.

Santa Maria

L’orage étant passé, tour de remontoir :
La ville se ranimait sous un ciel bon ami.
Dans l’air chaud, acide qui monte du trottoir,
D’un ticket de métro je fis origami.

Une coquille de noix, une Santa Maria.
Épaisse charpente au terrible roulis !
Songeant à cette devise que Paris a,
J’allais crâne, aux caniveaux du noir coulis.

La couronne d’Aragon et de Castille
Ceignait mon tour de tête philanthropique !
Une bouche d’égout boulevard Bastille
Happa chaleur, parfums, rêves de tropique.


 
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   LeopoldPartisan   
9/10/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
voilà pour le moins un texte intéressant qui ne va pas plaire à tout le monde. Je pense ici à des esprits cartésiens qui ne pourront ainsi penser dans tout les coins.
Il est vrai que cela part dans tous les sens et qu'il faut certe plus d'une lecture pour venir à bout de toutes ces historiettes que d'aucuns trouveront sans queue ni tête.

Moi j'ai trouvé du Max Jacob et son célèbre cornet de dé. J'y aime cette distanciation du narrateur qui ne s'implique que suivant un flegme pour le moins distancié.

Comme le dirait Christophe, j'ai un code d'honneur assez malsain.

En bref il y a du Queneau, du Vian et une culture latine pour le moins enrichissante.

J'aime mais vous dire le pourquoi relève de l'enigme.

   Anonyme   
22/10/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
C'est une femme qui écrit. Une femme rêveuse, qui s'ennuie d'abord du haut de ses seize ans en cours de langue, et qui contemple le ciel, par ennui, pour s'évader de cette salle 206 dont elle n'a que faire... et qui écrit admirablement bien.

Cette femme, je la vois plus tard dans une grande entreprise, avec directeurs (commercial pour DIR-COM, DRH, etc.). A-t-on peur face à ce beau monde ? Bien sûr, mais pas elle. Il/Elle a La rigidité cadavérique pour dire : « Menaçant ? Moi ? Jamais de la vie ! Voyez ! Je suis un meuble : je ne saurai exister qu’au gré de votre convenance. »

Faire bonne figure, donc, à tous ces messieurs-dames, très peu pour il/elle. Plutôt stoïque ces chefs, pendant que les autres tremblent de peur...

"Je peux te dire que ça tire la gueule en back-office et qu’au prochain Com-dir clac-clac-clac : ça va descendre en cascade !"

Chez nous on dit CODIR, donc ce n'est peut-être pas le DIR-COM pour Directeur Commercial qu'il faut dire (comme je le signalais plus haut), mais plutôt CODIR (ou COMEX, COMAG), pour désigner le Comité de Direction. Décisions stratégiques, nominations d'untel et untel, suppressions de postes, d'où le fameux "ça tire la gueule en back-office... au prochain COMDIR ça va descendre en cascade !"

J'y vois un cri d'alarme poussé par quelqu'un en BURN-OUT (ou Syndrome d'Epuisement Professionnel en français)...

Il y a tant de choses à lire, à dire... Une écriture extraordinaire !

Un pur chef-d'oeuvre !

Bien à vous,

Wall-E

   Anonyme   
23/10/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Passelemonoï,

Un régal, cette publication, un long régal qui ne s'émousse pas.

Le ton est donné dès les premiers mots : humour acide et incisif.
Réquisitoire contre la propriété, la hiérarchie, l'autorité mais pas seulement, une longue démonstration du pourvoir de la parole.

Deux fois "long" dans mes mots qui précèdent... Si la lecture de longs textes sur écran n'est pas très confortable, imprimer pas toujours possible, j'avoue que là, je serais prêtez à lire, encore et encore.
Le soin dans la rédaction, les différentes allusions à l'histoire, la mythologie, le monde moderne de l'entreprise encourage à lire et relire pour n'en pas perdre une miette.

Plusieurs poèmes sont présents, plutôt traditionnels dans la forme mais de tons différents, chacun soigné et harmonieux dans son registre.

Dans les "inter-poèmes" j'ai particulièrement relevé cette phrase qui à mon avis donne la clé de l'ensemble :
"Quand donc débute-t-elle la folie qui nous fait charrier une valise à roulettes emplie de cellulose maculée d’inepties ?"
mais aussi :
"Cette partie de bras de fer ne m’intéresse plus.
Je vais muet, mains dans les poches.
L’ombre d’une nouveauté peut faire mon foyer.


Bravo et merci pour ce "pavé".

   Vincendix   
26/10/2015
 a aimé ce texte 
Bien
J'avais lu et relu ce texte et je suis revenu, voyant le peu de commentaires, je me décide.
Je suis partagé entre le plaisir de lire certains passages, notamment les vers, l'indifférence que j'éprouve pour d'autres et le déplaisir pour le reste.
Les premières lignes avec cette meute de chiens désassortie en diable, la ressemblance avec Trotski me semble surréaliste !
Drôle d'ambiance dans cette PME !
Un réquisitoire contre le pouvoir, contre les patrons, les petits chefs ?
Un texte plus court aurait peut-être attiré plus de commentaires.
Je mets un bien, une moyenne, si votre pseudo entrait dans l'appréciation, j'aurais été plus généreux...

   Anonyme   
26/10/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour

Comme dit LéopoldPartisan, certains esprits cartésiens...vont être perplexes.
Alors sans me vanter d'être cartésien, j'admets que tout cela me paraît trop. Trop de poèmes accolés les uns aux autres. Et j'aurais sans doutes préféré chaque partie seule.
Du coup j'avoue que je suis passé dessus en diagonale.
Je n'ai pas compris le propos et je n'ai pas vraiment cherché à comprendre plus que de raison, parce quand je lis avec l'impression qu'on m'embrouille, ça me lasse assez vite.

Ce que je reconnais c'est une écriture très alerte. Si vous pouviez faire plus simple pour aller à l'essentiel j'aimerais bien vous relire un jour.

Cordialement.

C.


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