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Poésie néo-classique
pieralun : L’horloge
 Publié le 19/11/21  -  14 commentaires  -  3024 caractères  -  217 lectures    Autres textes du même auteur


L’horloge



Je suis l’horloge en chef de ces grandes maisons
Où sont nés et sont morts tant de gens de famille ;
De l’arrière-grand-père à la petite-fille,
J’accompagne pour tous le rythme des saisons.

De seconde, en minute, en heure, je balance,
Depuis plus de cent ans, de jour comme de nuit,
Mon carillon grippé chante le temps qui fuit,
Et sans cesse, et sans goût, toujours, toujours je danse.

Par la vitre arrondie, un enfant que je vois,
Les yeux protubérants bien appliqués à suivre
Le balancement lourd de mon disque de cuivre,
Me ramène aux regrets qui me hantent, parfois… ;

Ainsi que cet ami qui sous le lin repose
Dans un sommeil ultime infiniment plongé ;
Sur du chêne commun, lui qui reste allongé
Souvent aimait toucher mon coffre en bois de rose !

Dès lors que de ses jours s’est éteint le flambeau,
Pour adoucir son deuil, au cœur de cette essence
Dont il eut le parfum dès sa tendre naissance,
Je l’aurais bien mené du lit jusqu’au tombeau.

Oui ! J’envie au cercueil la terre qui l’épouse,
Sans bruit, juste le ver en guise de tourment ;
Oublier le tic-tac et l’art du grincement
Qu’ont mes aiguilles d’or qui ferraillent sur douze.

– Avez-vous observé, dans leurs énièmes tours,
La puérilité de leur guerre inutile ?
Lorsque la grande atteint la verticale pile
En ayant enjambé l’autre sur son parcours,

Sur le bon numéro la petite plastronne ;
Ombrageuse, précise, une extrême lenteur,
Endurante elle a mis pleinement son honneur
À souligner aussi l’instant qui carillonne. –

Par ces doigts désignés, mes chiffres à bâtons,
Tels des juges assis sur un tour de pendule,
Découpent l’existence en lettre majuscule :
Que nul n’aille de l’aube au décès à tâtons !

Pointant les moribonds, dont les frêles histoires
S’estompent vaguement dans un récit lointain,
Pour toute heure à échoir, les marteaux à la main,
Ils frappent tous les coups comme autant de victoires.

Ah ! le plaisir qu’ils ont quand, égrenant pour eux
Le glas sonnant le pas de la mort qui s’avance,
Ils font frémir les lits où dans le linge rance
Le mourant se rendort d’un sommeil ténébreux.

Or, si l’on arrêtait ma mécanique vieille ?
Si l’on n’enroulait plus la corde de ces poids
Qui vont en se croisant d’incalculables fois,
Pour que cesse le temps, et qu’enfin je sommeille ?

Je veux, pour ce vieillard, plus de jours pour mourir,
Pour cet héritier-là, posément qu’il grandisse,
Que cette autre beauté garde un visage lisse,
Et, dans l’oisiveté, l’heure de me blottir.

De mon vieux jacquemart, défaites les systèmes !
Que de mon cadran las les chiffres soient ôtés,
Les flèches à l’arrêt, les poids non remontés,
Puis, dans mon cœur offert, mettez des chrysanthèmes.


 
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   Mokhtar   
13/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Joli travail sur le thème de la boîte à aiguilles. D’aucuns le trouveront un peu long. Pour ma part, point d’ennui à la lecture, car l’auteur sait varier, avec imagination, les angles d’attaque du thème qu’il s’est choisi. Au point qu’on peut considérer comme quasi exhaustive l’exploitation qui en est faite. Et souligner l'importance du travail réalisé.

Ici Chronos a délaissé son sablier pour une caisse en bois de rose. Les aiguilles qui se meuvent, le balancier qui oscille, le carillon qui frappe les heures : il vit et il se manifeste, cet implacable maitre du temps qui compte et qui décompte.

La versification, soignée sans sophistication, est d’une lecture aisée. La personnification de l’objet, qui rêve de sortir de sa mission comptable du temps de vie, est la touche poétique de ce texte. Et son point fort à mon goût. Joli ce rêve de se reposer en devenant cercueil. Ou de cesser de défalquer pour maintenir la jeunesse.

Seul un petit hiatus au vers 39 pourrait sortir de la catégorie classique ce bel exercice de style. Ce qui est très secondaire pour ce genre de poème que j’ai eu beaucoup de plaisir à parcourir…sans compter mon temps.

Mokhtar en EL

   Anonyme   
14/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Recherché et un style limpide, fondamentalement honnête. Une prime au long développement. Je n'attends rien davantage de la poésie !

   Queribus   
14/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Deux choses me frappent à la lecture de votre poème. Commençons par le (petit) défaut: votre texte me semble bien long et je pense que vous auriez pu dire la même chose en plus court. Deuxième chose qui éclate aux yeux: la rigueur de l'écrire et de la prosodie(J'ai sorti mon microscope électronique mais je n'ai pas trouvé la moindre faute ;c'est presque râlant, c'est pas vrai c'est rien que du plaisir). Si le thème de l'horloge et du temps qui passe est classique vous avez su le traiter avec originalité Curieusement j'ai pensé au morceau des Pink Floyd Time (où l'on entend une horloge au débit du morceau) qui traite du même sujet sur un mode différent bien-sûr. Je ne ferai pas d'autre commentaire puisque le vocabulaire, les mots, la ponctuation, tout me semble parfait.

Je dirai simplement que j'ai eu beaucoup de plaisir à vous lire. Refaites-nous vite un écrit de cette valeur.

Bien à vous.

   papipoete   
19/11/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
bonjour pieralun
Je ne serais pas partial, critiquant ce matin la longueur d'un texte, et point le votre cet après-midi, aussi le dis-je...
Une différence notoire est dans l'histoire, où l'on ne s'égare pas en vous lisant, tant cette horloge nous écrit ce vocabulaire bien ordinaire, pour relater une existence, extraordinaire !
Elle en a vu des événements, heureux des enfants grandissant, malheureux de ces parents souffrant, mourant devant elle. Elle envie même le cercueil de cet ami, qui l'entourera après... jusqu'à ce qu'il redevienne poussière.
Elle voudrait bien enfin, qu'un jour l'on ne remonte plus ses poids, ôte ses aiguilles, pour trouver aussi le repos...
NB bien sûr qu'évoquer tant de décennies à balancer, tourner des aiguilles au gré des heures belles ou sombres, donne à l'auteur bien du grain à moudre pour le lecteur qui, de fermer les yeux, ne peut se résoudre !
En outre, comme moi souvent, l'auteur fait parler l'héroïne plutôt que le faire pour elle, et cela me plaît particulièrement !
On sourit, on rit et l'on s'attriste au long de vos fameux vers ; en choisir en particulier est gageure ;
ceux du 5e quatrain peut-être, mais tous les autres rutilent !
au 10e quatrain " à/échoir " ne fait-il pas hiatus ? ( si je ne me trompais, ce serait la seule faute trouvée à ces alexandrins classiques... un grain de sable ! )
bravo l'artiste !

   Robot   
19/11/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Votre texte m'a ramené dans la maison de mes grands parents ou une horloge comtoise rythmait les journées. Je me revois suivant pendant quelques instant le déplacement des aiguilles mais vite lassé de cette observation.
Votre texte nous raconte une histoire entre grande et petite aiguille qui immuablement conservent leurs rythmes tant que la mécanique et les poids sont remontés. On arrêtait autrefois les horloges dans la maison des morts pour indiquer que le temps du défunt avait cessé de s'écouler.
Comme vous le voyez c'est une poésie qui a ravivé pas mal de souvenirs.
Votre texte bien construit ne m'a pas lassé. Pour moi sa longueur qui embrasse la cadence de l'écoulement du temps est un plus poétique pour la lecture. Oralement, déclamé avec lenteur, le poème apporte un véritable plaisir de diction.

   Marite   
19/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Cette vaillante horloge m'a embarquée pour un très long voyage ... un brin déçue qu'elle se sente lassée de toutes ces heures balancées sans aucun repos au point qu'elle souhaite même que l'on arrête le jacquemart qui la fait vivre depuis si longtemps.
Qui sait ... les objets ont peut-être une âme ?
C'est l'impression qui me reste après cette lecture : l'âme bienveillante de l'horloge accompagnant les vies des habitants des grandes maisons.
Les yeux ne suffisent pas pour lire ce long poème, la voix est indispensable pour s'immerger dans son monde, en douceur, avec des mots simples et délicats même pour évoquer de bien tristes évènements comme le départ de "cet ami qui sous le lin repose dans un sommeil ultime ..."

   Cristale   
20/11/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Pieralun,

La longueur du poème méritait de lui accorder suffisamment de temps pour le déguster. L'horloge a égrené de nombreuses minutes et même agité son carillon en sonnant les quart d'heure.
Qui n'a pas le souvenir de ces horloges dans les maisons des grands-parents, immenses dans le regard de l'enfant dont le visage arrivait à peine à la hauteur du "hublot" ? Aujourd'hui on "les visite" chez les antiquaires. Bref.

L'écriture, tranquille, raconte. Images et sons parviennent sans peine à s'immiscer dans les perceptions visuelles et auditives de la lectrice que je suis.
Un joli sujet souvent traité, un peu calme, un peu long, sans surprise mais joliment versifié, ce poème fait montre de l'élégance toute simple de la poésie de l'auteur.

La personnification de l'objet (prosopopée) donne toute sa hauteur au poème. L'horloge n'aurait été "que" désignée, l'impact eût été moindre, à mon avis.

Du beau travail, mais c'est "du Pieralun", donc il ne pouvait en être autrement.

Cristale

Oup's...à peine édité mon com a ajouté une plume...je ne savais pas que j'avais ce pouvoir ^^ le robot fait dans l'immédiateté maintenant :) bon, ben...tant mieux pour l'auteur. (smiley qui se gratte le menton)

   Anonyme   
20/11/2021
Bonjour

Un texte magnifique comme souvent chez l'auteur.
Texte dont j'apprécie le sujet et déplore un peu la longueur.
Plus c'est long et plus les risques d'erreur de prosodie se multiplient :
un tout petit hiatus s'est invité à l'heure de l'horloge.
Dommage quand même.

Demeure un formidable ensemble.

   Myo   
20/11/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Pieralun, vous lire est toujours un moment intense.
Outre le travail fourni pour la justesse du ton et de la forme, le thème a quelque chose de très touchant.

Il est de ces objets qui habitent nos décors et en deviennent des repères rassurants et familiers.
Celui-ci est un livre ouvert sur plusieurs générations d'habitants des lieux.

Il m'a fallu m'armer de patience pour dénicher cette toute petite erreur mais finalement, cela ne change en rien l'intention et l'intensité de ce temps qui passe.

Un grand bravo.

   Virou64   
21/11/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Rien que pour avoir l'opportunité de lire (et l'honneur de commenter) de temps en temps des textes de cet acabit, je me réjouis d'être membre d'Oniris.
Le thème, un vocabulaire sans fioriture mais toujours d'une grande justesse, la parfaite maîtrise de la prosodie, tout m'a été savoureux dans cette lecture.
Un grand merci pour ce partage

   Miguel   
26/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'arrive e un peu tard car ce poème me décourageait par sa longueur ; m'étant résolu à le lire, je ne le regrette pas. Avec cette horloge, je n'ai pas vu passer le temps. Le texte est si fort que d'un bout à l'autre on voit vraiment cette horloge personnifiée, elle exprime une multitude de sentiments éprouvés par l'homme, et le vers "Oui, j'envie au cercueil la terre qui l'épouse" me charme. L'aspiration finale de l'horloge au repos, à sa propre mort en quelque sorte, me rappelle le "Oh ! que ma quille éclate ! Oh ! que j'aille à l a mer !" du Bateau ivre de Rimbaud, ou le "Laissez-moi m'endormir du sommeil de la terre" du Moïse de Vigny.
Oui, vraiment, de la belle ouvrage.
Structurellement, il aurait été bien que ce poème eût douze strophes, comme les heures du cadran, mais je n'en vois aucune à sacrifier.

   GiL   
28/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pieralun,
Savez-vous qui vous me rappelez ? Victor Hugo ! Par la longueur du poème. Par la fluidité du discours. Par la facilité apparente avec laquelle vous enchaînez les quatrains. Et par la qualité des alexandrins. Je m’arrêterai là : ça n’est déjà pas mal, non ?

Voilà dix jours que votre poème a été publié, j’ai cliqué plusieurs fois sur le titre mais chaque fois j’ai passé mon chemin, la longueur m’ayant dissuadé d’en faire la lecture. Ce soir le remords a été le plus fort, j’ai plongé : j’ai parcouru les quatorze quatrains en apnée et j’ai émergé au dernier vers, impressionné et ravi.

Je ne commenterai pas le sujet, ni l’angle sous lequel vous l’avez traité, ni le style, ni les images, tout a été dit dans les commentaires précédents (que je viens de lire). J’avoue être admiratif (et, peut-être un peu, jaloux...).
Merci, Pieralun.

   saintsorlin   
20/1/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,
je suis admiratif de votre rigueur et de la qualité de votre écriture. La musique de vos mots se situe entre Brel et Beaudelaire. Le style épuré, la longueur fait sûrement la force du texte. Merci pour ce moment riche.

   Anonyme   
18/9/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Pieralun,

Je continue votre back catalogue et je tombe encore une fois sur un chef-d’œuvre. Même la longueur ne m’a pas rebuté sur ce délectable jeu entre les aiguilles de l’horloge qui, instrument du temps, voudrait que celui-ci s’arrête. Euthanasie à rouages et fluide graisseux en péril.

S’il fallait extraire une préférence ? Allez...

« Oui ! J’envie au cercueil la terre qui l’épouse,
Sans bruit, juste le ver en guise de tourment ;
Oublier le tic-tac et l’art du grincement
Qu’ont mes aiguilles d’or qui ferraillent sur douze »

Très belle allégorie saturnale.

Merci pour la lecture gratuite et le temps – si j’ose dire – que vous avez passé dessus.

Anna du Pendule


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