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Poésie libre |
Pluriels1 : Silences des Rois |
Publié le 05/05/14 - 5 commentaires - 5751 caractères - 52 lectures Autres textes du même auteur
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… nulle réponse, … prières mortes…
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Silences des Rois
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Nacre blanc des Idoles à nos fêtes païennes retrouvant les Dés Du Hasard à leurs yeux fixes préambule d'un dernier regard fou Où se perdent nos prières dans le Signe et les Nombres du dieu
Les Devins récitent ici machinaux et tracent lents les cercles Où parlent les pailles et les graines rouges et noires sautent D'un éclair faucillé de leur main en l'air et de l'air à terre
Blancheur des robes vêtant or à l'écaille aux épaules des Rois Statufiés tonnant cri à voix basse à l'oreille des Agenouillés Et le feu flambant de leur regard foudroie formel les Inquiets
Silence à faire partout à l'entour loi dans l'oubli des Femmes Rassemblées d'un même bord comme il se doit car les Hommes eux Depuis longtemps se taisent attendant la justesse de la Parole
Bâtons frappant durs le dos sonore de la terre sous le linteau Donnant signal pour l'ouverture des Vérités voici les Présages Devenant des questions maintenant dans les yeux comme songeurs
Jusqu'où vivrons-nous morts de famines parcourant le Royaume ? Disent les Silences en puissant Cercle à l'Assemblée Tutélaire Et tous alors dans l'attente murmurent muets leurs inquiétudes
Les Devins psalmodient les rituelles Incantations sur les jets Lancés des cauris mais les Dieux invisibles ont-ils ce pouvoir De changer à la terre l'ordre bousculé dans le cri des hommes?
Pays déments chassant foules mangeant racines dans leur fuite, Pays tuant razzia sur razzia presque sans choix en leur folie, Pays soudain autres parlant de fièvres sur un présent de pluie
Ouvrant oreilles au plus grand axe des poussières voltigeantes Tous aujourd'hui nous attendons las dorénavant en grand nombre Que les Rois Morts parlent enfin sur l'ordre de leur préséance
Chants funèbres dans nos mémoires toutes récentes conductrices De nos peurs et des discours déjà à n'en plus finir à étourdir Et tourner l'œil dans les visages sur l'impatience des salives
Nous reste-t-il des paroles pour aligner nos mains d'un commun Ensemble à ces déserts devenus nôtres et saurons-nous cueillir À nos haines assez d'amour et de force en nous pour survivre ?
Perpétuant à l'infini le trésor oublié de notre fière histoire Récitée de bouche en bouche voilà où devrait naître notre élan À des jours futurs que l'inconnu de nos yeux imagine d'un rêve
Un rêve plus beau de nos faims et lié à nos douleurs reconnues Par tout un chacun dans le monde mais la brousse nous terrasse Et nous condamne à nos nouvelles terreurs que ses jours arment
Ô Vérité ! qu'en sera-t-il de vos Énigmes prononcées à présent Dans la fournaise d'un midi sur l'eau rare qui s'épuise trésor Sous la paille bouchon des calebasses ?Quel avenir à prier ?
Pour toujours l'enfer dans les corps et l'errance sous la peur Comme un lien à notre blême vécu et ces terres à d'autres pays Nous menant déracinés comme morts sur notre perpétuelle famine
Alphabet récité des anciennes prières revenues sous les lèvres Habillant de murmures et de craintes funestes la Voix fervente Répandue rouge sous les plumes dans le sang défini des poulets
Les Poudres demeurent silencieux tourbillons jaunes et orangés Et la rumeur de la danse dans le cercle tournant de nos corps, La rumeur de la danse pèse envahissante scandée comme un pleur
La terre voit un cœur lourd sous nos pieds entraînant les cris Des enfants imitant ventres vides hurlant dans leurs maigreurs Et les charognards sur les toits des cases guettent notre mort
Impuissances ! À quel Dieu s'accrocher nus au pays du mourir ? Quel fleuve charrie l'eau ô graines fécondes ? Quelle vérité ? Faut-il fustiger au désert sur les dunes les seuls os blancs ?
Être les troupeaux ancestraux de l'errance et en des longueurs Lentes de voyages goûter la morsure des Vents amenant les Voix D'un lointain ignoré de mondes verts riches, là plus faciles ?
Faut-il nous brûler, nous vêtir à ces chœurs triomphaux armés De nos seules patiences ? Le songe mêle là comme une autre vie À nos plaintes et dans l'œil les laits coulent blancs, oubliés
Des pays sans racines deviennent nos partages plus amers priés Où nos mains plongent dans les sèves acides des herbes goûtées Pauvre nourriture sur nos feux dérisoires à nos immenses faims
Des rives sèches saluent rouges vases et poussières notre soif De l'eau dans les lits vides des fleuves asséchés en la saison Opaque et mythique alluvion pathétique s'ajoutent nos silences
Dureté incroyable s'alignent comme un rire de la terre crieurs Des chemins d'épineux noirs seigneurs acérés prisonniers semés Épars et roulant arrachés comme nous sous les vents de l'orage
Commence le langage nouveau où se perdent les mots sur le muet De nos attentes et notre plainte devenue notre enfer dépossède Nos bouches de notre Verbe dans le cri de nos gestes mourants.
______________________________________________________________________________________________________ * Il s'agit ici d'un "poème en vers justifiés", forme de poésie dont tous les vers comportent le même nombre de lettres, signes ou espaces.
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Anonyme
20/4/2014
a aimé ce texte
Beaucoup ↑
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Il y a de l'exploit dans l'air. Un poème en vers justifié... le premier que je lis. Une sorte de torrent avec, comme le précédent, des résonances de Saint-John Perse.
Je goûte sans trop y comprendre quelque chose, mais doit-on comprendre les vagues où l'on plonge ? De très beaux vers pris isolémment :
"Pays soudain autres parlant de fièvres sur un présent de pluie"
"Impuissances ! À quel Dieu s'accrocher nus au pays du mourir ?"
"Commence le langage nouveau où se perdent les mots sur le muet De nos attentes et notre plainte devenue notre enfer dépossède Nos bouches de notre Verbe dans le cri de nos gestes mourants."
"Récitée de bouche en bouche voilà où devrait naître notre élan À des jours futurs que l'inconnu de nos yeux imagine d'un rêve"
Il y a - dûe sans doute à cette contrainte que s'est imposée l'auteur- quand même une sensation de luxuriance un peu forcée. J'avoue apprécier fortement mais cette contrainte n'a-t-elle pas empêché l'auteur d'aller vers encore plus d'intense ? Je pense que si compte tenu du talent qui déborde de partout...
Le choix d'écrire certains mots avec une majuscule est parfois un peu trop "solennisant" (Rois Morts, par exemple). Mais je chipote... c'est un texte magnifique...
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Anonyme
5/5/2014
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Bonjour Pluriels1
La mise en page en vers justifiés déroute et peut même indisposer tant elle sent l'acte gratuit. Mais il faut savoir briser l'os et sucer la substantifique moelle.
Et substantifique elle l'est assurément cette poésie qui semble venir du fond des âges. Elle s'écoule comme un fleuve entre des rives arides (comme laisse à penser la référence à la famine) La faim justement peut se comprendre sous une double acception, prosaïque et spirituelle.
L'écriture "liturgique" convient à merveille.
Merci Pluriels, et bravo pour ce très beau texte hors des sentiers battus.
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Edgard
5/5/2014
a aimé ce texte
Passionnément
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Voilà un texte magnifique ! Les images qui surgissent sont si vraies, d’une beauté simple, puissante. La spiritualité, comme à sa naissance, émane de chaque geste décrit, aussi minuscule et éphémère soit-il, Les devins récitent ici machinaux et tracent lents les cercles Où parlent les pailles et les gaines rouges et noires sautent D’un éclair faucillé de leur main en l’air et de l’air à la terre pour nous conduire par touches successives vers les questionnements intemporels de la condition humaine. C’est un des plus beaux textes poétiques et profondément touchants, que j’aie lus sur Oniris (et ailleurs… ). C’est un regard de l’intérieur, profond, sincère, sur l’Afrique, qui m’émeut profondément. Et d’une belle écriture, lente et forte comme les grands fleuves qui se souviennent de la souffrance et de la grandeur des hommes … Je m'aperçois au dernier moment que je n'ai pas dit un mot de la forme. Malgré l'exploit ( Justifié!) qui pourrait être un carcan, on a l'impression de beaucoup de liberté dans l'écriture. Respect.
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Robot
6/5/2014
a aimé ce texte
Bien
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Je ne nie pas avoir lu de belles choses dans ce texte. Cependant, j'y trouve un aspect un peu artificiel par moment dû je pense à la technique choisie qui impose ses choix et ses contraintes. Comme par exemple ses "jets lancés" ou "la terre sous le linteau" et "jusqu'où vivrons nous morts" Et le dernier quatrain sur le langage me paraît tout de même tarabiscoté. Et les emplois de cri crieurs sont un peu répétés. J'admire la recherche, je salue la performance, je suis dubitatif sur la cohérence de l'ensemble. Probable que ce style n'est pas mon truc !
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margueritec
22/6/2014
a aimé ce texte
Beaucoup
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Voilà un texte où la vraie poésie prend son envol. Même sa longueur ne m'a pas pas rebutée. Oui, certes des contraintes, mais profondément surmontées par un langage que je qualifierai d'incantatoires et justes. Des images fortes en harmonie avec le fond et qui me bouleversent par leur vérité poétisée.
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