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Poésie libre
Pouet : Après tout
 Publié le 14/02/23  -  17 commentaires  -  789 caractères  -  418 lectures    Autres textes du même auteur


Après tout



je ne crois plus vraiment
au cœur des quais de gare

ni aux cours d'école
ou aux trésors perdus

aux valises de craie

à l'antre de l'enfance
où gît l'âme du loup


sentiments sédiments

la mine lithographie
des souvenirs carbone
sur la houille du Temps

moi qui faisais rouler
ce wagonnet de bois
sur des rails infinis

je demeure suspendu
au grisou du réel

j'ai le mouvement creux
l'élan inachevé

et le soleil absent


on remblaye des songes
sous mon plafond exhaure

j'ai le souffle des grottes
des aurores graphite

je ne sais plus parler
qu'aux murs sans oreilles

après tout


 
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   Miguel   
14/2/2023
Si j'avais ce texte à traduire en exercice de version j'aurais un zéro tout rond, car je n'en saisis pas un traître mot. Je vois de vagues métaphores de l'enfance et de la mine, la tonalité me semble plutôt triste, mais je ne vois pas plus loin que cela. Je ne saurais porter de jugement sur cette écriture, trop hermétique pour moi. Peut-être est-elle excellente; je laisse de plus compétents en juger. Mais mon ressenti est que je reste à la porte. Je ne peux pas dire que j'aime.

   papipoete   
14/2/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
bonjour Pouet
Il m'arrive de vous lire, et être impressionné voire attendri comme dans votre dernier poème.. ce regardinier et revenir sous votre plume, où je bute dans vos images jusqu'à tomber en plan !
Vous nous ramenez sur des traces d'avant, qui purent marquer un enfant qui crut, rêva et se dire " comment ai-je pu avaler tout cela ? " un peu comme le catéchisme que l'on enseignait aux petits, qui gobaient tout... c'était normal, puisque c'était Maman qui faisait la leçon, dans la salle à manger ( elle ne pouvait pas mentir, Maman ! )
NB je suis sûrement à côté de la plaque, mais ce que je crois croire, c'est que le héros est bien désabusé, après tout.

   Boutet   
25/1/2024
trouve l'écriture
perfectible
et
n'aime pas
Je n'ai rien compris à cette poésie mise à part peut-être une certaine mélancolie, voire déprime.
Mais les images m'interrogent, cet écrit est bien trop hermétique pour que j'ai envie de m'y pencher plus longuement et surtout de comprendre le fond du poème.

   Catelena   
14/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Du Pouet comme s'il en pleurait... et des belles images à la pelle. Ah, l'élan inachevé !...
C'est la perte de l'innocence dont on parle ici.

Il arrive toujours le jour où l'enfance s'éloigne du pas de trop. Même le fil des souvenirs s'amenuise à devenir lambeaux entre l'enfant qui nous quitte et ce que nous sommes devenu.

J'ai une image qui s'impose en vous lisant : celle de l'enfant qui recule, recule encore jusqu'au fond, tout au fond de la mémoire jusqu'à devenir inatteignable, pour laisser place à l'adulte qui lui tend la main, l'air désespéré car il ne sait plus parler, plus croire à l'enfant qu'il était...

Il y a de la désillusion. Il y a de la tristesse. Parce qu'il y a quelque chose de cassé qui jamais ne reviendra, et que le constater rend affreusement triste.

Vous dites tout cela, et même davantage, tellement plus poétiquement que moi !

Merci, Pouet.

   Cyrill   
14/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Ça sent le découragement qui fleure le désespoir, surtout dans les entre-lignes, ces blancs d’école où la craie, le carbone, le graphite de la mine peinent à imprimer.
L’enfance est pleine d’un espoir infini, au mieux, parce qu’elle peut aussi d’emblée n’avoir pas d’horizon autre que celui de la rencontre avec le soi-loup, ce qui explique pourquoi peut-être parfois les petits wagons se perdent, disparaissent du champ des possibles.





Moi aussi j'ai eu un blanc, tiens, c'est contagieux.
Après tout, il y a sans doute encore quelque chose, encore faut-il l’apercevoir entre le creux du mouvement.

   Ramana   
14/2/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Dur dur, la vie d'un mineur de fond, du moins est-ce ma traduction que j'ose de ces lignes... Après tout !
Silicose des forçats du charbon dont les poumons perdent le souffle, "sentiments sédiments". Bon, j'attends quand-même des explications, non de non, et que ça saute !

   senglar   
14/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Pouet,


J'ai appris le mot « exhaure ».
Je vois ici un jeu sur la craie, les sédiments, le carbone, le grisou, le graphite.
Le lithographie (Ah lithos!), le remblaiement.
L'absence de soleil et l'assèchement.
Un pessimisme, la perte des rêves infantiles. Les promesses n'ont pas été tenues et la désillusion est au rendez-vous, d'où le renfermement sur soi, car l'on continue de parler, fut-ce
« ...aux murs sans oreilles ».
Si l'on a rompu avec le monde on n'a pas rompu avec soi-même.
Peut-être « après tout » s'y complaît-on, dans cet enfermement, car « Après tout » il ne nous reste que cela.
Alors qu'importe si l'on isole. Une névrose peut être une compagne comme une autre après avoir tout essayé même si c'est une compagne par défaut.
Ce poème, qui raconte un état d'âme, une façon d'être intérieure, n'est pas aisé à déchiffrer.
Deviens parano moi-aussi du coup !
Plutôt que de schizophrénie je parlerais ici d'alexithymie (Prends ça dans la gamelle Pouet.. lol) car l'individu est dans la complaisance plutôt que dans le renfermement. Il ne se porte pas si mal maintenant qu'il sait à quoi s'en tenir. Le noir est une belle couleur « après tout ». Ne résulte-t-il pas du mélange de toutes les autres ?
« Noir c'est noir il n'y a plus d'espoir »
Ah que c'est vrai ça !
« Le ciel est noir il est noir il est noir »
Merci Johnny ! Merci Nana Mouskouri ! Comme vous avez de belles dents ! Tiens revoilà le loup... :)


senglar

   Edgard   
14/2/2023
Ça crayonne gris, cette histoire...Pouet.
Le champ lexical à n'en pas douter, nous y conduit, à cette mélancolie anthracite. L'impression est là et persiste. C'est peut-être l'essentiel recherché. J'ai l'impression d'un narrateur qui fait courir un fusain sur une page et que ça n'arrive pas à donner une vraie forme.
Je ne sais pas évaluer mais j'aime bien.
A plus

   Eskisse   
14/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Pouet,

Il se dégage de ces vers esseulés une profonde mélancolie qui évoque fugacement les lieux de l'enfance pour mieux les éloigner.. L'envers de la nostalgie ...

La métaphore filée de la mine suggère pour moi les strates de sentiments qui en forment la matière à extraire, des sentiments noirs sombres et "graphites" associés à l'enfance.
Chacun d'entre nous peut être brûlé par un sentiment d'impuissance, "suspendu au grisou du réel" comme si le vide au-dessous de nous était ce que l'on perd : l'imaginaire de l'enfance.

On peut aussi se retrouver, dans une sorte de rétrécissement de l'espace avec ce "plafond exhaure", comme étouffé par le Temps et annihilant toutes les tentatives de rêves. Et la nécessité d'évacuer les infiltrations néfastes.
Peut-être même de pousser un cri sur ces "murs sans oreilles".
Un poème fort et intime.

Voilà ce que me suggèrent ces vers. Peut-être, après tout, ne suis-je pas sur les bons rails. Peu importe puisque le texte laisse la porte ouverte au pouvoir évocateur des métaphores ... ( figure de style que je prise, trouve très riche, alors je suis ici bien ravie)

Merci du partage

   Annick   
14/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Dans ce poème à la fois nostalgique de l'enfance et rempli de désillusions, il y a un jeu constant entre les différents sens des mots.

L'acte d'écrire et de dessiner est symbolisé par le graphite, élément qui sert à fabriquer les mines de crayons.
Il y a un glissement de sens entre la mine faite de carbone et les mines de charbon ainsi que tout un vocabulaire en relation avec ces dernières : houille, wagonnets, rails, remblaye, exhaure, le soleil absent et bien sûr le grisou qui représente la désillusion de maintenant, (grisaille), le danger peut-être.

Il y a une belle opposition entre la craie blanche d'avant et le charbon noir de maintenant.

Sentiments/sédiments : un beau travail sur les mots.

   Provencao   
15/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Pouet

J'ai bien aimé :"à l'antre de l'enfance
où gît l'âme du loup"

Où le découragement, la désespérance peuvent modifier le réel en une abîme, où ne se livrent plus d'autres mots que le lamento interminable du désenchantement.

"Après tout" pose la question à se demander sous quelles orbes l'existence elle-même peut être regardée comme une espérance, un présage et quels sont les refuges d'une confiance enfouis au plus profond de chacun de nous, en découvrant devant soi son enfance et derrière soi " le souffle des grottes"?

Belle réflexion en votre signature.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Luz   
15/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Pouet,

Très beau, très fort poème nostalgique, lucide, un peu (ou complétement) désespéré.
J'aime beaucoup l'idée : "sentiments sédiments", comme si "avec le temps, va, tout s'en va", tout s'enterre.
Bravo !

Luz

   EtienneNorvins   
15/2/2023
Des images et des rytmes qui retiennent et font revenir ; une abscondité qui éloigne et fait douter...

Depuis hier je vais à tâtons dans votre poème - et grâce aux éclairages qui précédent, se dessine comme une valse mélancolique :

Premier temps, celui d'une désillusion comme à contre-coeur ("plus vraiment", donc encore un peu quand même ?) :

sortie de la confiance dans l'humanité de lieux communs (le "cœur des quais de gare") et les sortilèges enchantés de l'enfance (ses jeux de "cours d'école", avec chasse "aux trésors perdus" ; ses "craies" pour dessiner sur les tableaux et les murs ; ses contes où le merveilleux côtoie la terreur cathartique - au passage, quel superbe distique !...)

Deuxième temps, qu'introduit la césure des italiques : celui de la (re-)descente

passage du blanc de la craie (merci Annick) ou du jour - ou de la page blanche ?
au noir graphitique de la nuit dans les entrailles du temps géologique, ou du crayon ?

et voici l'enfant qui "faisai[t] rouler / [un] wagonnet (...) / sur des rails infinis" devenu l'adulte confronté à l'à-quoi-bon du souvenir, dont il cherche en vain à ressusciter la magie par l'écriture ?

Et ce n'est plus l'Albatros de Baudelaire, avec ses ailes de géants qui encombrent dès lors qu'il faut se coltiner avec le terre-à-terre - mais un volatile aux ailes coupées, "suspendu" comme englué, dans la glèbe méphitique ("grisou" ?) où il s'est enseveli...

d'où le sentiment d'impuissance ("le mouvement creux / l'élan inachevé"),
de renoncement ("soleil absent" / "songes" remblayés / "plafond exhaure" qui personnellement résonne en "exhausted' - "exténué") - au point de 'puer un peu de la gueule noire' comme un lendemain de cuite ("j'ai le souffle des grottes" dans cette aurore aux doigts ... plus très roses ?)
et finalement de désespoir, à ne plus pouvoir communiquer qu'avec des "murs sans oreilles"...

Troisième temps - je n'en suis pas sûr : ce mystérieux "après tout" final

Est-ce le comble, le nadir, le coup de grâce - après tout ce qu'il a fallu endurer de cette vache de vie de taupe ;
ou un bref envol vers un peu d'espoir - relativisons : "après tout", est-ce si grave que ça ?

Donc en forme très aboutie, suscitant un très intense et filé ressenti.
Merci.

   Marite   
15/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
C'est très curieux car ce poème retient l'attention. Une, deux, trois ... lectures, des yeux, à voix haute et à chaque fois il me laisse sur le point de percevoir ce qui s'y cache. Peut-être une manière pudique pour traduire une sorte de lassitude qui s'est insinuée tout comme une marée montante s'infiltre dans les moindres espaces entre les roches et les sables jusqu'à tout effacer et recouvrir.

   Vincente   
18/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Intéressante expression de l'état psychique du narrateur qui se trouve plongé dans une analogie minière, avec son esprit, sa perception de lui-même, son agrégation ontologique comme un univers souterrain, saigné de tunnels, de fouilles (traces mémorielles : très inspiré !) en suspend, toujours à la merci du coup de/du grisou (l'explosion/l'effondrement…), à l'instant de cette poésie. Très condensé tout cet enchevêtrement qui menace, hésite, erre entre implosion et explosion éventuelles.

J'aime beaucoup ce "sentiments sédiments", il "concrétionne" avec une belle justesse, cette sensation d'être riche d'une minéralisation ou d'une minéralité longue, matériau aux potentialités multiples, en attente de mise en œuvre, et ici particulièrement en espoir d'être pleinement exploité… Mais la frustration née de l'incomplétude de ce processus au moment de l'écriture avoue par ce "soleil absent" où se "remblai[ent] les songes" toute la mélancolique sensation d'un manque de… réalisation.

Le locuteur souffre dans cette latence "constatatrice", il en arrive à "ne plus parler / qu'aux murs sans oreille".

J'ai découvert une écriture enchevêtrée, où chaque strophe, dépouillée, apparaît comme une veine particulière de la narration, chaque voie souterraine comme une avancée dans un secteur de l'antre de lui-même.

   Louis   
24/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Un poème introspectif, dans lequel le locuteur jette un regard lucide et sans complaisance, à la fois sur sa vie et sur son activité d’écriture, ces deux lignes d’existence, ces deux rails issus des profondeurs d’une « mine » de l’enfance, et sur lesquels désormais ‘ça ne roule plus’, ça n’avance plus.

Le premier temps du poème se consacre au constat de l’état d’esprit actuel du sujet en introspection. Le premier vers le résume :

je ne crois plus vraiment

Présenté et formulé comme se suffisant à lui-même, ce qui, dans ce vers, est appelé, syntaxiquement par le verbe et sa négation se font attendre. Ce à quoi l’on ne croit plus se trouve, en effet, rejeté dans les vers suivants, comme des exemples, des cas particuliers de cette affirmation qui se donne comme générale.
Le poème commence donc par l’affirmation d’une absence de toute croyance. Il débute logiquement, non par une croyance, mais par un savoir : implicitement, le premier vers dit : « Je sais bien que je ne crois plus en rien ».
Une connaissance de soi par soi s’affirme donc dès le départ du poème.

Mais si le commentateur ne veut ne pas être une ‘sourde oreille’, s’il veut éviter de se dresser tel un « mur sans oreilles », qui ne laisse passer ni entente ni compréhension, il convient d’ouvrir, de percer, de ménager en lui, dans ce « mur » obstacle et limite aux rapports interpersonnels, des portillons ou des fenêtres par où laisser glisser le sens et la signification.
Que faut-il donc entendre en effet, à travers toute cloison, par ce manque de croyance ?

Celle-ci consiste en ‘un croire à…’ ; et croire à quelque chose, c’est adhérer à l’idée que la chose possède une vérité ou une réalité ; ainsi croire aux fantômes, c’est adhérer à l’idée que les fantômes existent, ou ont une réalité ; c’est aussi accorder une confiance, se fier, accorder une foi à quelqu’un ou quelque chose, comme lorsque l’on croit au progrès ; en ce dernier sens, croire suppose encore que l’on accorde une valeur à ce qui est objet de croyance.
Être ainsi, sans croyance aucune, revient donc à suspendre toute adhésion, toute foi, toute affirmation de valeur. C’est entrer dans le règne du : ‘à quoi bon ?’ Rien ne vaut que l’on s’y attache, que l’on s’engage, que l’on y adhère. En rencontre avec la pensée de l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Au sens où tout serait vain et dérisoire.

On comprend alors ce vers, plus loin, dans lequel il sera affirmé en conséquence : « je demeure suspendu ». Pendu en sus, par-dessus le monde ; ainsi retenu en l’air, dans les ‘vapeurs’ ( sens premier du mot « vanité »), la buée et le vent, et bientôt le « grisou » ; ainsi, accroché à rien, et sans attache ; flottant par-dessus l’abîme, qui est le monde même sans rien qui vaille.
Le premier vers comporte une nuance, par les adverbes : « plus vraiment »
Plus vraiment : plus tout à fait, mais en feignant d’y croire encore ; en s’efforçant encore un peu d’y croire
« Plus » : marque toutefois la cessation d’une période de croyances vives et authentiques.
Le premier vers exprime donc une désillusion, un état désabusé.

S’entend le désenchantement du monde, dans les exemples qui suivent :
En premier : « Le cœur des quais de gare »
Métonymie et métaphore se mêlent ici pour désigner dans les «quais de gare » les sentiments qu’ils peuvent occasionner quand partent les trains, quand ils arrivent.
L’attrait pour les voyages est perdu. Plus de croyance dans un ‘ailleurs’ : celui de l’aventure, celui de la découverte des mondes nouveaux ; cet ailleurs où la vie serait autre et meilleure. Ici ou ailleurs : du pareil au même. L’Ecclésiaste encore : ‘Rien de nouveau sous le soleil’.

Puis viennent, en exemple : « les cours d’école » et « les trésors perdus ».
Par métonymie, sont désignés les activités ludiques des cours d’école ; c’est tout l’imaginaire infantile ici auquel on ne croit plus, ramené à de naïves illusions. De même pour les « trésors perdus », comme ce qui est à rechercher, et donnant du sens à ses actes,pures illusions.
Le « trésor » désigne un maximum de valeur, mais l’incroyance mène à la négation de toute valeur. Nul Graal alors dans l’existence. Et tout n’est que mirage.

La liste des exemples se poursuit avec les « valises de craie ».
Ces craies pour écrire, pour dessiner : sur les tableaux noirs, dans les cours d’école ou sur les trottoirs. Les valises rappellent encore les voyages et le ‘nomadisme’. Plus de voyages enchantés tracés par les craies ; plus de marelles qui vont de la terre au ciel ; plus de chemins de lettres qui mènent à la découverte de mondes enchantés.

Dernier exemple des croyances perdues :
l’antre de l’enfance
où git l’âme du loup.
« L’antre », cette cavité naturelle enfoncée profondément dans la terre ou dans le roc, servant de gîte et de refuge ; l’antre, pendant de la mine souterraine et de la grotte évoquées dans le deuxième temps du poème, lui aussi s’est évanoui dans la désillusion.
Pas de persistance d’un refuge, une fois devenu adulte, d’un domaine souterrain où se tient l’enfance, où persiste en soi l’enfant que l’on était, avec ses émerveillements, ses espérances, et ses craintes ( le loup ) .
Subsiste pourtant une ‘cavité souterraine’, mais elle ne sera plus un « antre », un refuge, mais une « mine », une ressource.
La liste pourrait être longue de tout ce à quoi le sujet locuteur ne croit plus vraiment. Les cas relevés, sélectionnés, se référent le plus souvent à l’enfance, aux rêves, aux espoirs, aux formations imaginaires produites par elle.

Quelles sont les conséquences de cette incroyance, pour la vie et l’activité d’écriture du sujet-locuteur ?
Car c’est bien cela, me semble-t-il, qui est en question dans le deuxième temps du poème.
Et c’est bien de cela que traite le poème : l’écriture et la vie.
Comment vivre et comment écrire quand « on ne croit plus vraiment » ?

Une brève transition permet le passage de l’une à l’autre des deux parties du texte :

« sentiments sédiments »

Deux mots, deux substantifs suffisent ici à faire sens.
Un rapprochement de deux termes, voisins phonétiquement, suffit à produire un énoncé sémantiquement riche. La construction d’une phrase devient alors inutile, et le poème gagne en légèreté, mais au risque d’une imprécision, d’un flou qui fait bourdonner les oreilles des murs.
Les sentiments liés aux croyances perdues ne sont pas morts pourtant.
Si l’objet de la croyance n’est plus, les sentiments et affects qui lui sont liés, eux, subsistent.
Ils constituent, dans l’intériorité, dans la subjectivité, un dépôt, un fond sédimentaire issu de la dégradation des croyances, comme traces ineffaçables d’un vécu infantile avec ses fées et ses loups, ses espoirs et ses craintes, autant de strates où reposent les fossiles d’une expérience vécue évanouie.

Ainsi s’ouvre, au deuxième temps du poème, un passage qui nous fait descendre dans la mine de fond, dans le fonds minier de soi.
Nous voilà donc dans :

La mine lithographie

Peu de mots dans ce vers, mais une multiplicité de sens.
Ils renvoient à l’écriture, à la « graphie », par « mine » au sens de mine de crayon ; et lithographie par son étymologie.
"Mine" renvoie aussi aux ressources, celles pour l’écriture, comme celles pour la vie.
Et lithographie à un mode de reproduction et d’impression.
Il y a donc là, dans le fonds sédimentaire fait des sentiments et émotions, déposés dans le temps de l’enfance, la ressource des écrits et des modes de vie actuels, qui ne sont donc pas pures inventions, pures créations à partir de rien, mais reproductions à partir des sédiments de fond.
Les sentiments cristallisés dans les soubassements de l’être humain actuel constituent ce fonds disponible pour écrire et vivre, quand l’état d’incroyance n’offre plus les passions de l’engagement, ne donne plus toutes les émotions éprouvées dans la recherche d’un «trésor », dans la quête d’un idéal, dans la poursuite de ce qui vaudrait d’être recherché.

des souvenirs carbone

Les écrits au grand jour, les écrits de surface sont des reproductions d’un fonds minier devenu ‘carbone’, comme l’est le ‘papier carbone’, permettant la duplication de ce qui se tient au fond, les sentiments devenus sédiments.
Écrits de pierre, écrits de pierres fossilisées. Les sédiments peuvent être reproduits sur papier.
Les souvenirs reproduisent le passé sédimenté. Vie et écriture se font sur la base de l’enfance, d’un passé autre que le présent, qui exploite le fond minier de soi dans une archéologie des souvenirs, une géologie des sentiments.

Duplication :

« sur la houille du Temps »

Le temps présent est à la ‘houille’ : il est à la douleur ; polysémique « houille » : charbon, noirceur, douleur. Travail exténuant. Le temps de vie est « au charbon », non à la craie colorée des imaginaires infantiles, ceux du temps ludique et libre, créatif, de ce temps quand on y croyait encore.
Ecclésiaste toujours en écho : « Quel profit l’homme retire-t-il de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? … Mais quand j’ai regardé tous les travaux accomplis par mes mains et ce qu’ils m’avaient coûté d’efforts, voilà : tout n’était que vanité et poursuite de vent ; rien à gagner sous le soleil !"
La noirceur du temps favorise, en carbone, la réplique de l’enfance adaptée à l’adulte ; l’enfant soutient l’adulte. Et l’adulte trouve un étai dans ce qu’il était.

Un élan avait été pris dans l’enfance, « sur des rails infinis » : deux lignes d’existence en parallèle : écriture et vie.
Mais l’élan a été stoppé. Tant de déceptions, tant de désillusions, tant de désenchantement.
C’était une poussée vers « l’infini » : vers l’immense, le grandiose, le sublime , ou bien peut-être vers une transcendance, un au-delà, un absolu ?
Déceptions : les chemins, au fer de l’existence, ne mènent nulle part.
À « l’infini » s’oppose la vie étriquée, s’oppose la finitude. Si l’infini est indissociable de la multiplicité et de la diversité, le finitude rencontrée est celle de l’uniformité et de la répétition du même. Monde borné de la ‘houille’, de la vie au charbon, dans laquelle les possibilités de vie sont si restreintes, si limitées.

Ainsi :

je demeure suspendu
au grisou du réel

« Grisou » polysémique : gaz qui émane des travaux d’exploitation des mines, mais aussi gris, et grisaille, et aspect volatil du réel, sans consistance ; gris et dangereux réel-grisou qui peut nous exploser à la figure.
Un arrêt est indiqué, dans un inachèvement, « l’élan inachevé », dans un inaccompli, un manque d’épanouissement.
Alors :

J’ai… le soleil absent

S’éprouve un manque, un vide de soleil, un néant de lumière.
Le soleil est ce qui éclaire, et comme un phare permet de s’orienter, de trouver son chemin. Mais voilà : la faculté interne du sens, lumière intérieure qui donne une orientation, fait défaut.

Subsiste-t-il quelques rêves, mais « on remblaye des songes » : on les comble avec des gravats du réel. Les songes ainsi ne non pas réalisés, mais détruits.
Songes : éventualités, possibilités ouvertes sur l’infini, béances sur des possibles aux virtualités diverses et infinies, mais on les bouche, mais on les comble de monceaux de réel.

À l’inverse de ce qui est plein, rempli, fermé sur soi, tout ce qui est ouvert, en creux, se trouve valorisé : « antre », « mine » et aussi la grotte : « j’ai le souffle des grottes ».
Il n’y a donc pour le locuteur nul appui sur le solide et le concret, mais dans les ouvertures, les creux du réel, où peuvent naître encore des « aurores », mais « des aurores graphite », des écrits en gris et noir.

Dans ces conditions, il devient difficile, dernier constat du poème, de se faire entendre, de se faire comprendre :

Je ne sais plus parler
Qu’aux murs sans oreilles

Telle est la situation : « après tout », locution que l’on peut entendre : ce qui suit le tout, ce tout qui était dans l’enfance, et qui n’est plus. Rien de vraiment nouveau depuis. Reste un appui sur le vide, et les vestiges de ce tout.

La liberté de syntaxe de ce poème, laissant entre les mots des rapports virtuels peu apparents force l’esprit du lecteur et commentateur à suppléer au vague par une intense carburation, un effort de compréhension pour ne pas faire "le mur". Ce texte-carbone demande à l’esprit de carburer…

   Donaldo75   
25/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Salut Pouet,

Je reconnais bien dans ce poème ton style et surtout la tonalité de ta poésie. Je n’en suis pas toujours fan mais c’est ainsi que va la vie et on peut aimer les ellipses même en étant plutôt un fan de dodécaèdres. Ici, c’est du libre dont le spatial est un peu disséminé sur la page. Moi, j’aime bien la densité. Ce n’est pas que le vide me saoule mais il ne m’attire pas plus que ça. J’ai l’impression dans ce type de découpage que le poète me fait passer ses idées de manière didactique, comme il le ferait avec un gars qui ne comprend pas bien sa langue, alors que je m’en tape sérieusement car j’interprète ce que je lis. En cela, je suis un lecteur différent de celles et ceux à qui il faut nécessairement un catalogue avec des alinéas et un renvoi aux termes biscornus pour apprécier un texte. C’est déjà le cas en tant qu’auteur. Je préfère l’hermétique ou le perçu comme tel au scolaire dans lequel tout est expliqué la plupart du temps sans style malheureusement. Heureusement, et c’est pour cela que je lis tes poèmes, toi tu as du style et pas qu'un peu. Ici, il ne manque que la densité pour te dire « j’ai beaucoup aimé, man, fais péter le Guiness ! ».

Ugh !

Don


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