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Poésie libre
Pouet : L'astrolabe des leurres
 Publié le 01/12/24  -  9 commentaires  -  1005 caractères  -  202 lectures    Autres textes du même auteur


L'astrolabe des leurres



dur
osseux
inébranlable
à l'instar de la buche apostrophant le feu
sec
buté
comme un mur de têtes

fracasse les colombes céramique
disloque la parole en échos de servage
brise l'harmonie de nos désinvoltures
rompt le renversement de la monotonie

boueux
instable
dilue le reflet doux dans des flaques d'asphyxie
chavire les insomnies de la véracité

aérien
insaisissable
file entre nos sables comme des doigts de mer
trace des routes friables vers un ciel à rebours
couve la liberté de ses plumes de crin

de bruine et d'airain
laisse trainer sa suite et nous suit à la trace
pourvoyeur prépubère d'espoirs décadents

corrosif
inoxydable
incruste nos sens d'ivresses aurifères


rythme contreplaqué d'un quotidien synchrone
reliquaire de clepsydres
de sabliers en toc

antique étau du cœur dont on attend l'attaque


 
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   Eki   
19/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Ah ! Est-ce le cœur du poème que j'entends battre...
Suffocation entre sa respiration, écriture photographique, les images me parviennent, je me laisse porter.
J'ai ressenti un fracas, du rythme. Ici, tout offre un regard frontal.
On plonge sans traîner les pieds.
C'est pertinent. Je vois de l'audace dans ces mots.

Le renversement de la monotonie...comme dit le poète.

   Dian   
3/12/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
C'est audacieux, rythmique, haletant, sans concession. Le contenu est volontairement chaotique, voire incohérent, entièrement subordonné à une forme extrêmement peaufinée, génératrice d'un flot d'images hétéroclites ("flaques d'asphyxie"). La structure phonétique du dernier vers est remarquable ("antique étau du coeur dont on attend l'attaque"). intégralement constituée de sons consonantiques forts (K, T).
Je qualifie cette poésie de "poésie abstraite" car c'est la forme qui génère le contenu, et non l'inverse.

   Provencao   
1/12/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Pouet,

Très original votre écrit ! J'en ai aimé l'impudence, les remous avec ce flux très personnel.


Ce phénomène " antique étau du cœur dont on attend l'attaque" donne vue sur le non-manifeste. La vue des leurres, au sens des "leurres de la vie", est procurée par ce qui apparaît mirifiquement.

"C’est ainsi que je perçois les leurres" semble dire ce poème en montrant l’illustration .

Un peu comme Monet peignant ce qu’il en est du visible en proposant la vue de la nature que son regard visite.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Eskisse   
1/12/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour Pouet,

L'astrolabe / des leurres n'est donc pas ici cet instrument de navigation qui mesure la hauteur des astres au-dessus de l'horizon.
D'horizon, il n'y en a pas. Les astres ont disparu.

Rouleau compresseur détruisant tout sur son passage ce navigateur des temps modernes se définit par la dureté, la destruction : " fracasse", "disloque", " rompt", "brise" et la mystification: " chavire les insomnies de la véracité" , " sabliers en toc". Comme si nos chronologies, nos agendas étaient trompeurs. Il est autant de l'air que de la terre.
Le poème ne dit jamais son nom que dans le titre; on peut penser aux outils de communication contemporains, ces navigateurs asservis.
Que détruisent-ils : nos espoirs, l'art ( " les colombes céramiques" me font penser à Picasso), la beauté.
La forme, emplie de sonorités dures, est adaptée à cette distance que le poète met avec ce qu'il décrit. Allitérations, assonances à foison.
Je lis ici n constat avant tout pessimiste de la société et de ses moyens de communication.

   papipoete   
1/12/2024
bonjour Pouet
je sais que l'auteur, peut nous montrer de l'écriture traditionnelle, mais justement pas sa " tasse de thé "
Ici, nous sommes dans son domaine, où il excelle à désarçonner le prosaïste que je suis... où je me perds, mais sens bien que ce texte n'est pas bluette, au prince charmant.
Je laisse le soins aux amateurs du cru, de venir goûter ce nectar calligraphique.

   Damy   
1/12/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Une cascade de vers vers l’au-delà des sensations expertes dans le chaos de l’espoir.
Difficile pour moi de saisir intellectuellement le message. Je suis avant tout un classique romantique. Mais « L’astrolabe des leurres » m’élève vers la même émotion que l’appréhension du street-art contemporain sur un blokhaus marin, c’est-à-dire la contemplation perplexe de la beauté noire sauvage. Un paradoxe inexprimable. J’apprécie les antonymes internes.

   hersen   
2/12/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Et paf ! en plein dans la poésie que j'aime.
A mesurer le parcours de nous aux astres, bien des leurres nous leurrent, nos grandes idées s'aplatissent. Et de toute façon, on va mourir.
Un poème assez noir, mais finalement lucide.
Une très belle lucidité mise en mots.
En plein dans la poésie que j'aime.

Si je devais garder une seule image de notre fragilité -mais ce n'est pas possible, ton poème est très riche - les routes friables : comment dire mieux notre fragilité, notre destin incertain ?

   Louis   
10/12/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une chose est désignée par ses qualités ou ses propriétés, sans être nommée.
Une devinette ? Une charade ?

L’esprit du poème n’est pas au jeu auquel on joue, mais au jeu par lequel on se joue de nous, jeu de duperie et d’illusion dont nous sommes victimes, dont nous sommes les jouets.
L’étymologie du mot « illusion », autre nom du « leurre », est intéressante : il est forgé à partir du mot latin illusio qui a le sens de " tromperie". Et ce mot illusio lui-même est formé à partir du verbe illudere qui signifie "jouer", au sens de "se jouer de… ". Ainsi le propre de l’illusion est de se jouer de nous, de nous abuser, de nous leurrer.

La première strophe relève les attributs d’un sujet encore inconnu, et ajoute une comparaison.
Dans cet ensemble inventorié de prédicats, on trouve :
« dur » ; « osseux » ; « inébranlable »
La chose est donc rigide, ferme et résistante.
On trouve encore :
« sec » ; « buté » :
Elle est tenace, entêtée, obstinée
« comme un mur de têtes »
Expressionniste image d’un mur infranchissable, où se heurtent les têtes ; image ambiguë qui pourrait aussi évoquer une barrière constituée de têtes entassées, une butte de têtes où bute la chose inconnue.

L’ensemble de ces prédicats ne suffit pourtant pas à rendre le sujet reconnaissable.
Les propriétés relevées tiennent à la fois d’une chose matérielle ( dur, osseux, sec, et inébranlable) et d’un processus psychologique ou psychique ( buté, inébranlable, mur de têtes )

La deuxième strophe insiste, non plus sur les prédicats du sujet, mais sur son caractère destructeur par les effets dont il est cause, par la puissance donc qu’il manifeste.
L’objet ne s’avère pas passif, mais actif, il produit des effets, tous violents et destructeurs, ce qui est rendu par des verbes d’action :
« fracasser », « disloquer », « briser », « rompre »
La destruction provoquée est division, atteinte portée à une unité, à une intégrité.
La chose encore inconnue constitue ce par quoi tout se désintègre, par quoi tout vole en éclats.

Des exemples suivent des objets sur lesquels porte cette violence désintégrative :
« les colombes céramique »
Idoles fragiles, en céramique ; symboles de paix, d’espérance et d’amour, dont la colombe est l’allégorie.
Colombes « fracassées », comme sous l’effet de l’irruption d’un éléphant dans un magasin de céramiques.
Cette violence s’exerce aussi sur la « parole », en une dislocation de toute locution, parole libre démantelée et renversée en « échos de servage »
Elle s’exerce encore sur une « harmonie de nos désinvoltures », sur notre part de légèreté, de naïveté, d’innocence.
Elle s’exerce sur le « renversement de la monotonie ». Ce n’est pas la monotonie elle-même qu’elle « rompt », mais ce qui la « renverse », c’est-à-dire le jaillissement de la nouveauté, transformée alors en habituelle banalité.
Ce que la chose fait éclater par une action violente, dans les exemples qui sont donnés, s’avèrent être nos idéaux : paix, amour, liberté, innocence, nouveauté.
Ce qui vole en éclats, et dont la chose en est la cause, sont donc nos idoles, nos étoiles, c’est-à-dire nos « leurres », nos illusions vitales.

Ainsi dans les deux premières strophes, la chose inconnue se caractérise par une obstination implacable à tout faire voler en éclats.
Solide, elle brise toute solidité ; ferme, elle érode toute fermeté.
Si la chose est fort solide, elle n’en détruit pas moins toute solidité, hors la sienne.
Ce qui s’obstine ainsi, destructeur des illusions et des leurres, par cette obstination demeure. Mais cette obstination n’est compréhensible que si les illusions détruites renaissent sans cesse dans des leurres nouveaux.
Cette puissance ne laisse rien subsister, fait tout passer, mais ne passe pas.
Elle subsiste sans ne rien laisser subsister d’autre qu’elle-même.
Ce qui est bien rendu par le couple d’opposés : « corrosif » / « inoxydable »

On en sait plus sur cette chose, on sait aussi que ce qui la nomme est au masculin ; quelle est donc cette puissance obstinée qui porte un nom masculin ?
Le têtu coupable qui fait tout voler en éclats est toujours tu, mais on commence à soupçonner son identité.

Les strophes suivantes cumulent des propriétés opposées et contradictoires appartenant à ce mystérieux "voleur d’éclats" :
Il était dur et sec, le voilà « boueux ».
Il était inébranlable et buté, le voilà « instable ».
À la fois « boueux », « instable », et tangible, glissant et collant, le voilà encore « aérien », « insaisissable », et intangible.
Il nous fait plonger dans la gadoue tout en nous mettant le nez en l’air.
S’est-il donc métamorphosé, ou pourrait-il rassembler en lui ces propriétés bien peu compatibles entre elles ?

Quelque chose semble bien correspondre au profil dessiné par les traits de caractère d’une chose si mystérieuse, et il serait temps de tenter une hypothèse, mais la chose envisagée ne paraît pas s’accorder avec tous les prédicats qui lui sont attribués, en particulier celui qui ferait d’elle une chose d’aspect « osseux ».
Cette puissance qui fait tout voler en éclats, à la fois destructrice et créatrice, subsistant sans rien laisser subsister, semble bien être le temps.
Mais il y a le qualificatif « osseux », gênant.
Et puis, il y a le titre : « l’astrolabe des leurres », qui pourrait être, sinon l’identité de la chose – ce qui semble bien peu rassembler les propriétés déjà examinées, du moins une propriété essentielle du sujet auquel tout le poème fait référence.

L’hypothèse serait alors que l’on se trouve devant une chose hybride : à la fois boussole (« astrolabe) et horloge.
Une boussole des leurres, une boussole à rêves qui indique le chemin des chimères, mais tout autant horloge ; boussole des leurres, horloge des heures.
Boussole et horloge sont des instruments de mesure : mesure d’espace et de temps. Espace des rêves dans un ciel au-dessus de nos vies ; temps créateur autant que destructeur.
Avec les heures tout passe, éclatent les étoiles, et des chemins nouveaux se recréent, de nouveaux horizons, de nouvelles illusions, et « l’astrolabe » buté en trace les coordonnées.
Si le temps est destructeur, il est aussi la condition qui fait naître sans cesse pour les hommes des leurres nouveaux, de nouveaux espoirs : il est un : « pourvoyeur prépubère d’espoirs décadents ».

Mais la boussole des rêves ne se confond pas avec le rêve, non plus que l’horloge ne se confond avec les heures. Pourtant le poème les assimile, ou plutôt, par effet de métonymie, désigne un tout ( les heures et les horloges ; la boussole et les chimères) par une de leur partie.
Que l’astrolabe soit "en même temps" horloge se trouve confirmé dans les vers qui suivent où sont évoqués :
des « reliquaires de clepsydre », des « sabliers en toc » (et non en "tic-tac"), en boussole des mirages tout autant que compte des âges.

Qu’il « file » confirme que nous avons bien affaire au temps lui-même, et non seulement à ses instruments de mesure. Il laisse des marques, est-il ajouté, « trace des routes friables ». Traces présentes d’un passé, qui elles-mêmes s’évanouiront. (« Tout s’en va, même les plus chouettes souvenirs », chantait Léo Ferré).

Quelques propriétés opposées apparaissent encore dans le poème, qui ne peuvent être attribuées qu’au temps :
À la fois fluide, liquide : « bruine », et très solide : « d’airain »
Le caractère métaphoriquement liquide est "courant" : le temps « s’écoule », dit-on. Et solide, d’« airain » renforce l’idée d’un temps « inébranlable ».

Le dernier vers indique la source des leurres :
« antique étau du cœur dont on attend l’attaque »
Et les T nombreux en résonance rendent bien compte du rythme du temps. Ce temps des illusions.
Ce qui serre le cœur, « l’étau », constitue ce serrement source de temps et d’illusions.
Ce qui serre le cœur : tristesses et frustrations. D’où tant d’espérances, de leurres et d’illusions. Toujours pourtant déçues.

Temps des leurres, et leurre du temps.
Si le cœur dans son oppression est indiqué comme source des illusions, la tête est plutôt suggérée source du temps. La « tête », crâne, « osseux », pris métonymiquement pour esprit et conscience.
Temps dans la conscience et non hors d’elle. Temps dans la tête et non hors d’elle.
La tête met tout dans le temps et, avec le cœur, dans les leurres. Elle met tout dans le "heures" en même temps que dans les leurres.
Et le temps objectif lui-même ne serait qu’un leurre…
Comme le proclamait le vieil Héraclite : « Le temps est un enfant qui joue ».
Mais l’enfant serait dans nos têtes. Un enfant rêveur, pour qui les rêves et les illusions vont se briser, sans cesse, tout à l’heure.

Merci Pouet

   Cyrill   
11/12/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
La forme est très travaillée, comme l’objet astrolabe qui fait mon admiration. Les sonorités dures (fracasse les colombes céramique, disloque la parole en échos ) dominent et rendent compte d'une certaine agressivité, d'une attaque. D'autres plus molles ou souples (file entre nos sables, dilue le reflet doux) semblent illustrer quelque chose d'insidieux.
L’hermétisme du poème n’empêche pas de ressentir la chose, comme à pas feutrés, mais constants et tenaces. Il est partout et nulle part, cet "astrolabe des leurres" qui donne de l'apparence en détruisant le beau, et qui nous file entre les doigts quand il s’agit de le définir.
Et le poète tourne autour du sens tandis que l’astrolabe tourne autour de lui. Ça broie du noir en toc et de l’abîme de surface, de quoi passer un bon Noël, quoi.


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